La Collectivité européenne d’Alsace (CEA) a voté jeudi 13 avril 2023 une résolution demandant à ce que l'Alsace deviennent un collectivité à statut particulier. Une demande qui, si elle aboutissait, verrait l'Alsace faire sécession avec le Grand Est pour devenir à la fois département et région. Une nouvelle offensive de Frédéric Bierry, le président de la CEA , qui provoque une nouvelle fois des remous parmi les élus régionaux lorrains.

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"Vos contributions enrichiront le projet de la future Région Alsace, que ses élus mettront en œuvre avec les moyens qui seront définis par la loi". La nouvelle offensive de Frédéric Bierry, le Président de la CEA, c'est d'abord une plateforme numérique destinée à alimenter le débat sur la création d'une nouvelle collectivité d’Alsace. Déjà en ligne, elle permettra dès le jeudi 13 avril 2023 et jusqu’au 8 juillet de recueillir l’avis des Alsaciens sur cinq grandes thématiques, dans la perspective d'une sortie du Grand Est.

Frédéric Bierry, le président de la CEA, l’affirme sans complexe au micro de nos confrères strasbourgeois : "nous avons fixé le cap du retour de l’Alsace comme région à part entière, nous avons besoin maintenant de connaître l’avis des Alsaciens sur les grandes questions qui les préoccupent afin d’alimenter notre projet politique".

Ce jeudi 13 avril, la collectivité a adopté à la quasi unanimité (74 voix, 2 contre) une résolution demandant "la création d’une région Alsace à part entière, collectivité unique à statut particulier, regroupant les compétences régionales et départementales, qui pourrait se faire à titre expérimental"

 En trompe-l’œil, la CEA relance donc le débat de la sortie de l'Alsace du Grand Est, un peu plus d’un an après la première consultation qui avait tourné au plébiscite, malgré une participation marginale : "ce n’est pas un simple vote que nous attendons, mais une expression dont nous allons tirer ce qui est le plus important". Frédéric Bierry parie sur une possible nouvelle loi de décentralisation promise par le président Macron, pour s’engouffrer dans la brèche d’un retour à une Alsace souveraine, indépendante du Grand Est.

Un non-sujet

Valérie Debord, la Nancéienne, Présidente du groupe Majorité régionale de la région Grand Est, balaie le sujet sans ménagement : "Frédéric Bierry cherche à exister. Je ne vois pas d'autres explications à sa nouvelle sortie médiatique". Pour la cheffe de file de la majorité, "franchement nos concitoyens ont d'autres préoccupations en ce moment. Nous appelons nous aussi de nos vœux le prochain acte de la décentralisation, mais parce que nous voulons une réelle autonomie en matière d'emploi, de logement, de handicap, d'aide aux personnes âgées. En Europe, on voit bien que tout se joue à l'échelle des régions, qu'il faut renforcer. La région Grand Est n'a rien enlevé à l'identité de l'Alsace, ni de la Lorraine d'ailleurs..."

Michaël Weber, le Président du groupe de La Gauche solidaire et écologiste, est quasiment sur la même longueur d'onde : "aujourd'hui la question de l'identité alsacienne ne se pose pas. Si vous interrogez les Alsaciens, vous constaterez qu'ils se considèrent toujours comme tels, et que la région Grand Est n'y a rien changé". Le conseiller régional assume "la création des grandes régions en France, un peu à l'image de celles de nos voisins allemands, souvent citées en exemple par l'exécutif régional". Le Mosellan attend également beaucoup "d'une nouvelle phase de la décentralisation, où l'on pourrait obtenir de nouvelles compétences, mais aussi expérimenter sur nos territoires, en matière de transports, de gestion forestières, d'écotaxe..."

 

Le RN à la rescousse

Frédéric Bierry peut compter sur un allié de poids dans sa démarche : le Rassemblement national. Lors de sa campagne en 2021, Laurent Jacobelli avait déjà soutenu l'idée d'un démantèlement de la région Grand Est, avec la volonté d'en sortir l'Alsace. Un premier pas, que la tête de liste RN, voulait faire suivre du rétablissement des anciennes régions Lorraine et Champagne-Ardenne.

Elu député de la huitième circonscription de Moselle, Laurent Jacobelli a déposé le 2 novembre 2022 un projet de loi "pour réduire l’étendue de la région Grand Est et rétablir l’Alsace comme région de plein exercice". Dans ce texte, il qualifie la région "d'aberration administrative", fustige "ses records d'augmentation des frais salariaux" et soutient sans détour la création de la CEA.

Le député RN propose donc un référendum pour rétablir la région Alsace, et remplacer la région Grand Est par "une région Est correspondant au territoire des anciennes régions Champagne-Ardenne et Lorraine". Le modèle des grandes régions "n'a pas notre préférence, nous voulons des régions à taille humaine, nous préférons les départements aux régions, et les communes aux communautés de commune". Le parlementaire mosellan espère que son texte sera examiné dans le cadre de la décentralisation promise, "et qu'il serve de base aux futures discussions sur le périmètre et les compétences des régions. Mais nous sommes dans l'opposition ! Il y a donc peu de chances que le gouvernement actuel s'empare de nos propositions prochainement".

Alsace, à chacun sa loi 

Le RN n'est pas le seul à s'être engouffré dans la brèche. Pratiquement au lendemain de leur élection au Palais Bourbon, les députés LR alsacien Raphaël Schellenberg et Patrick Hetzel avait déposé le 22 juin 2022, une proposition de loi pour obtenir l'établissement d'une collectivité alsacienne à part entière. 

Et pour ne pas être en reste, 7 parlementaires alsaciens de la majorité présidentielle ont eux aussi déposé leur proposition de loi en décembre dernier pour la création d'une région Alsace "pleine et entière". Et on imagine mal que cette initiative ait été portée sans l'assentiment du "Château"... 

 Une nouvelle loi de décentralisation en 2024

Pour l'heure, aucune de ces propositions de lois n'a été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée n nationale par le gouvernement. Mais la question de la taille des régions sera certainement au cœur des débats de la future loi de décentralisation qui devrait voir le jour en 2024 sous la houlette du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. Dans le collimateur, la région Nouvelle Aquitaine, l'Occitanie, PACA, et... la Région Grand Est jugées par beaucoup trop grandes et inadaptées. Reste que si l'Elysée semble se montrer favorable à un redécoupage, les opposants à une énième réforme territoriale sont légions et sauront eux aussi se faire entendre. En bref, rien n'est joué et la nouvelle bataille des régions risquent bien d'enfiévrer à nouveau les bancs du Palais Bourbon. 

Un succès d'estime pour la première consultation

En janvier 2022, une précédente consultation de la CEA avait recueilli 92% d’avis favorables à un retour en arrière vers une Alsace autonome. Mais ce vote informel (par courrier ou par internet), sans valeur juridique, n’avait rassemblé que 153.000 participants alors que le corps électoral alsacien comptait 1.307.873 électeurs inscrits pour le premier tour des élections présidentielles le 10 avril 2022.

 

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