La ville de Tomblaine et l’association humanitaire Europe Prykhystok permettent à dix-sept enfants originaires de Lozova dans l'est de l'Ukraine d'être scolarisés pendant cinq semaines en France. Privés de cours par le Covid puis la guerre, ces enfants suivent le programme ukrainien avec leur institutrice, aidée d'assistantes et d'interprètes.
Ce matin, dans la classe de Svetlana Blokha, il est question de compter les dauphins. Sur le tableau interactif, le problème à résoudre doit permettre aux élèves d'aborder l'addition des nombres entiers. Nourlan se présente le premier au tableau. Il trace les chiffres d'une main assurée, encouragé par son enseignante. L'écolier n'a pourtant quasiment jamais été scolarisé "normalement" : la guerre a enfermé chez eux les élèves de Lozova. Comme son établissement ne dispose d'aucun abri antiaérien, les cours y sont interdits, les élèves suivent en visio à la maison.
A Tomblaine, le jeune garçon sourit de toutes ses dents : "c'est génial ici... je peux prendre le bus, tout est très propre, j'adore venir à l'école. Et l'hôtel c'est vraiment super". Rire général dans la classe : en fait l'hôtel est un modeste gîte, loué par la ville. En France Nourlan aime aussi... boire de l'eau ! La gêne se devine sur le visage de l'interprète : difficile de reconnaître que le quotidien de ces enfants ne ressemble en rien à celui des autres élèves français.
Svetlana Blokha enseigne à 27 enfants dans sa classe de l'est de l'Ukraine. Une dizaine n'a pas pu faire le voyage. Elle a vu ses élèves se transformer en France : "ici ils sont calmes et détendus. Ils travaillent, ils participent aux cours. Ils n'entendent ni le bruit des bombes, ni les explosions, ni les sirènes. C'est bien plus facile d'apprendre ici".
Le programme d'enseignement est celui en vigueur dans le pays. La langue d'enseignement est l'Ukrainien, conformément à la loi de septembre 2015 qui le rend obligatoire et exclusif à partir du niveau 5, l'équivalent du CE2. Mais le rythme de la journée est calqué sur le modèle français : les séquences durent une heure et demie : "chez nous, c'est 45 minutes, donc les élèves n'ont pas l'habitude de faire la même activité si longtemps..." explique l'interprète. L'enseignante coupe la séquence en deux : tout le monde se lève et fait des mouvements de gymnastique pendant deux minutes, histoire de se dégourdir un peu.
À la fin des cinq semaines, les élèves et leurs accompagnants retourneront à Lozova. "Nous sommes ukrainiens, notre place est en Ukraine. C'est très bien ici, nous sommes très reconnaissants, mais nous rentrerons" sourit l'institutrice. À 10 heures la récré sonne. Les enfants se précipitent dans la cour. Avec des ballons, des cordes à sauter. Ils se mêlent aux écoliers français. Sous les bombes en Ukraine, il n'y a jamais de récré.