Le procès des viols de Mazan a révélé l'ampleur du phénomène de la soumission chimique qui consiste à administrer une drogue à quelqu'un pour commettre des faits délictuels. Une mission gouvernementale sur le sujet est en cours. La co-rapporteure du projet, la sénatrice radicale de Meurthe-et-Moselle Véronique Guillotin nous livre ses pistes de réflexions.
Véronique Guillotin, vous êtes sénatrice de Meurthe-et-Moselle (PR) en charge d'une mission sur la soumission chimique, quel est votre sentiment sur le procès des viols de Mazan qui a révélé au grand public l'existence du phénomène ?
Ce procès inédit à tout point de vue et sa large médiatisation ont fait œuvre de pédagogie sur la soumission chimique, un phénomène que beaucoup de gens ignoraient. Et on ne le doit qu'à une seule personne : Giselle Pélicot. Elle a eu ce courage de refuser le huis clos pour permettre à tous de savoir. Sans cela, nous ne serions pas tous là à en parler. Ce procès a permis de sensibiliser sur la question de la soumission chimique, plus que n'importe quel discours.
La mission a commencé en avril, elle a été mise en pause du fait de la situation politique, qu'avez-vous découvert ?
Nous avons déjà procédé à plusieurs auditions et nous avons commencé par des victimes. J'ai découvert, alors que je suis médecin de formation, que cette soumission se faisait le plus souvent non pas avec du GHB, celle qu'on appelle la drogue du violeur, mais avec des médicaments de pharmacie, comme des antihistaminiques que l'on utilise dans les allergies. Sur le site Coco, qui a été fermé, des agresseurs se partageaient des recettes pour endormir les victimes. J'ai été stupéfaite de découvrir cet usage organisé à des fins criminelles. En tant que médecin, on ne nous a jamais sensibilisés à ça ! Nous avons aussi, avec ma co-rapporteure Sandrine Josso, procédé à des auditions de biologistes et de pharmaciens et à des professionnels du cyberespace.
Quel est l'objectif de cette mission ?
Il faut absolument améliorer la prévention et renforcer la lutte. Il faut aider les victimes à apporter la preuve de la soumission chimique. Pour cela il faut des analyses toxicologiques rapides des urines, du sang ou des cheveux avant que les traces ne disparaissent. Le problème c'est qu'il faut déjà avoir eu conscience d'avoir été agressé alors que certains produits effacent la mémoire. Il faut aussi améliorer la prise en charge financière de ses analyses. Pour l'instant, il faut déjà avoir porté plainte mais cela fait perdre un temps précieux pour les victimes.
Il faut aussi que tout le monde se sente responsable. Si vous sortez en groupe, il faut que les uns veillent sur les autres. Et puis il y a des symptômes quand vous avez été drogué : des palpitations, des jambes qui vacillent, il ne faut pas hésiter à alerter quand on ressent ces symptômes.
La mission gouvernementale est actuellement en pause du fait de la situation politique, elle reprendra quand un nouveau gouvernement sera nommé.