WonderWomath sur TikTok : la prof de maths qui cartonne auprès des jeunes et de leurs parents

Elle enseigne dans un collège en Meurthe-et-Moselle, mais c'est aussi la prof de maths la plus populaire de TikTok.

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Voici une prof de collège pas vraiment comme les autres. Estelle Kollar alias WonderWomath est suivie par 359.000 internautes en février 2022 sur le réseau social TikTok. À 28 ans, c’est dans la chambre de son appartement à Villers-lès-Nancy qu'elle poursuit ses cours autrement avec de courtes vidéos assez variées. "Des cours classiques, des vidéos humoristiques, des anecdotes et aussi l’histoire des maths", raconte Estelle.

L'enseignement autrement

Tout commence lors du premier confinement où elle propose des cours sur YouTube à ses élèves du collège Louis-Armand à Villers-lès-Nancy (Meurthe-et-Moselle). Sa chaîne YouTube CharisMathic est sa solution pour donner un "coup de pouce" en maths aux collégiens à l'attention limitée. "Ça remplaçait les cours en visioconférence. Je sais très bien que pendant le confinement les élèves n’étaient pas assidus et ne faisaient pas forcément les devoirs."

En fin d'année 2020, Estelle découvre TikTok, un réseau social aux vidéos divertissantes, prisé des utilisateurs âgés de 13 à 24 ans. "Je suis tombée sur des vidéos de collègues et je me suis dit, pourquoi pas moi ? Il n’y avait pas de professeurs de mathématiques à l’époque, j'ai vu un créneau."

Estelle se familiarise aux codes de la plateforme qui compte un milliard d'utilisateurs actifs par mois. Elle tente l'humour. "Au début je suis restée sur le côté humoristique, rire des situations que tout le monde connaît à l’école. Et une fois que j’ai commencé à être à l’aise, j'ai fait du contenu pédagogique." 

Sa méthode d’apprentissage plaît et rassemble en février 2022, 359.000 abonnés sur son compte. Huit vidéos qui dépassent largement le million de vues avec une moyenne de 70.000 visionnages par publication sur près de 500 vidéos parues. Tous ces chiffres ont de quoi faire tourner la tête de la jeune enseignante.

Apprendre en moins de 60 secondes

Au rythme soutenu d'une vidéo par jour, Estelle pioche ses idées dans le programme scolaire du collège et les demandes des élèves. Moins chronophage que la réalisation de vidéos sur YouTube, elle passe "entre dix minutes et une heure maximum" pour créer ce qu'on appelle communément un TikTok. La production est artisanale, elle se filme avec son smartphone dans sa chambre et enregistre ses exemples écrits au-dessus de sa plaque de cuisson. "Je filme, je monte, je publie".

Je fais très peu de contenu de terminale, c’est dur en moins d’une minute.

Estelle Kollar

Illustrations, couleurs, mots-clés et références simples, c’est ce qu’elle propose à des élèves de la sixième à la troisième, "Les vidéos sont très courtes et je dois énormément vulgariser. C’est vraiment pour les élèves qui sont en très grande difficulté, c’est un peu la solution de la dernière chance. L'opération séduction est d'autant plus complexe lorsqu'elle souhaite s'adresser à des lycéens. Je fais très peu de contenu de terminale, les élèves ont besoin d’aide au raisonnement, c’est dur en moins d’une minute."

Une valeur ajoutée aux cours traditionnels

Pour stimuler l'intérêt des élèves, elle donne des exemples concrets. Et ça marche. "J’apporte des petites curiosités mathématiques qu’on n'a pas le temps d’enseigner à l'école. En classe, on est très académique, on ne prend pas le temps de donner des anecdotes historiques intéressantes. […] J’adore trouver des mathématiques partout quand je voyage", en témoigne sa visite en vidéo du château de Chambord.

@wonderwomath Quelles sont les principales caractéristiques des jardins à la Française ? #prof #maths ♬ The Four Seasons - Vivaldi

Sa notoriété a augmentée de manière exponentielle dès qu'elle a proposé des cours. Élèves, parents et enseignants la plébiscitent : "des enseignants conseillent apparemment mes vidéos à leurs élèves. C'est vraiment flatteur. Même des personnes du rectorat commencent à me contacter pour partager mon expérience."

Du contenu qui suscite beaucoup de réactions

Dans ses classes du collège Louis-Armand de Villers-lès-Nancy, Estelle Kollar remarque une différence. "Ils viennent en cours beaucoup plus motivés avec un regard nouveau, ils ont vraiment la volonté d’apprendre. J’ai clairement vu une amélioration. Remarquable, mais pas miraculeuse, cette amélioration ne garantit pas des 20/20 systématiques. TikTok a quand même ses limites. Ce sont des vidéos très courtes, on ne peut pas rentrer dans le détail avec rigueur. Rien ne remplace un cours en classe avec un enseignant."

Rien ne remplace un cours en classe avec un enseignant

Estelle Kollar

Des contenus courts et ludiques qui ne plaisent pas à tout le monde, notamment à ses haters (ou détracteurs). Des "enseignants de l’ancienne génération" qui regrettent le manque de rigueur scolaire traditionnel, et des inconnus offusqués de la présence d'une enseignante de l'Éducation nationale sur TikTok.

"Les détracteurs qui critiquent mes vidéos et me trouvent des erreurs sont souvent des hommes condescendants qui sentent le besoin de m’expliquer les choses et comment on enseigne. Le fameux mansplaining [contraction des mots anglais "man" et "explaining", désignant l'attitude condescendante d'un homme qui explique à une femme ce qu'elle connaît déjà bien].

"Ce n'est pas normal que dès qu'une femme parle de science, ce soit à chaque fois la catastrophe dans les commentaires. On manque de femmes dans les sciences. C’est clairement un combat que je mène, ça me tient à cœur."

Ces dernières années, nombreux sont les professeurs à s'être lancé dans les vidéos éducatives en ligne. Pour certains, c'est un gros revenu supplémentaire. Pour d'autres, comme Estelle, ça ne rapporte rien. "Je suis éligible à la monétisation, c'est-à-dire que je pourrais toucher 600 euros depuis que j'ai commencé, mais franchement, c'est compliqué, il faut faire une demande une autorisation de cumul d’activité au rectorat et déclarer aux impôts. Ça me ferait plaisir de les avoir, mais ça ne vaut pas le coup."

Ni partenariat, ni promotion

La prof mosellane se contente du plaisir de créer des vidéos après sa journée de travail. "Je ne me force pas à le faire. Les jours où je suis fatiguée, malade ou j’ai pas envie, j’en fais pas et puis c’est tout. Je n’ai de comptes à rendre à personne", dit-elle en rigolant, bien loin des codes des influenceuses et influenceurs, célébrités d'internet habitués aux partenariats.

Pour éviter toute ambiguïté éthique avec son statut d'enseignante, Estelle ne fait ni promotion de produits, ni partenariat. "Je suis enseignante pour tout le monde et toutes les catégories sociales, je me vois mal faire la promotion de stages ou de livres payants. TikTok c’est gratuit, tout le monde y a accès, je suis très attachée à l’égalité à l’école."

Avec WonderWomath, on se rappelle que la mathématique, c’est quelque chose d’utile et c’est quelque chose de beau. Bravo !

Cédric Villani

Sa déontologie va de pair avec l'admiration qu'elle porte aux passeurs de savoir inspirant. D'abord Jamy Gourmaud, présentateur de l'émission culte C'est pas sorcier sur France 3. "Je suis de la génération qui a grandi avec Jamy et Yvan Monka, un professeur alsacien célèbre sur YouTube, son  "modèle numéro 1" dont elle s’inspire. Son utopie ? Marquer la génération TikTok comme l'a fait Jamy "Je ne suis pas encore à ce niveau-là mais ça me plairait. J’adore partager mon savoir."

Une ambitieuse conviction encouragée et félicitée par Cédric Villani, député, enseignant-chercheur médaillé en mathématique dans l'émission Vous êtes formidables sur France 3 Grand Est. "Dans ces petites ou grandes vidéos, on y parle de maths comme on devrait toujours le faire. Avec rigueur et bonne humeur, avec tendresse et curiosité, […] on aborde des questions, des solutions, des théories, des explications, […] pour notre curiosité intellectuelle, pour notre économie, pour le progrès et l’innovation en général. Avec WonderWomath, on se rappelle que la mathématique, c’est quelque chose d’utile et c’est quelque chose de beau. Bravo." (Retrouvez l'extrait de l'émission Vous êtes formidables à partir de 32:39.)

Une reconnaissance qui n'a pas manqué de faire réagir la principale intéressée. "Je ne m’y attendais vraiment pas du tout, mon travail est – je pense – validé par un médaillé Fields [prestigieuse récompense en mathématiques, équivalente au prix Nobel], qu’il ait eu le temps de jeter un œil à mon contenu pour en faire l’éloge, oui ça fait très plaisir."

Une science à deux vitesses

"En France, on est capable de former de très grands mathématiciens, mais on n’arrive pas à former nos enfants correctement. On sait faire une élite mais rien de général." Selon une étude de 2019, les élèves du CM1 à la 4e de notre "pays de mathématiciens" seraient les moins bons d'Europe en maths et en sciences. Et paradoxalement, un quart des médaillés Fields ont été formés en France.

Retrouvez d'autres histoires comme celle d'Estelle dans l'émission Vous êtes formidables du lundi au vendredi à 9h00 sur France 3 Grand Est.

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