Fin du glyphosate reportée : pourtant les agriculteurs bio du Grand Est ont déjà des alternatives

Vendredi 26 juin sur Franceinfo, le ministre de l’Agriculture Didier Guillaume a déclaré que le ‘zéro glyphosate était irréaliste’. Nous avons demandé aux agriculteurs bio qui n’en utilisent plus, ce qu’ils en pensent, et quelles sont les alternatives qui existent déjà.

Le ministre de l’agriculture Didier Guillaume, était invité de France Info, ce vendredi 26 juin 2020 au matin, pour s’exprimer sur la promesse d’Emmanuel Macron de mettre fin au glyphosate d’ici fin 2020, promesse sur laquelle il est d’ailleurs revenu en 2019. La réponse a été on ne peut plus claire.

Le zéro glyphosate est irréaliste, on ne peut pas laisser les agriculteurs sans solution.

Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture.

Plusieurs techniques efficaces

Une déclaration qui étonne la plupart des producteurs bio que nous avons interrogés. En effet, en agriculture biologique, l’utilisation d’herbicides chimiques, comme le glyphosate, est totalement interdite. Pour autant, cela n’empêche pas les blés, le maïs, ou l’orge de pousser, et même d’avoir une bonne vitalité.

Pour remplacer le célèbre désherbant, classé comme cancérigène probable par le CIRC (Centre international de recherche sur le cancer) , les agriculteurs ont développé tout un tas de techniques, et une meilleure connaissance de leurs sols et de leurs plantes.

François Marchand est producteur de céréales en Meuse, il s’est converti au bio il y a 8 ans. Sur ses parcelles, il fait pousser du maïs et du blé sans glyphosate. Pour se débarrasser des mauvaises herbes, il a plusieurs techniques, qu’il a acquises dans le groupe de recherche national "Agriculture Biologique de Conservation".
 

C’est incroyable de dire que le zéro glyphosate est irréaliste, c’est un mauvais signe pour les jeunes agriculteurs qui cherchent des solutions.

François Marchand, agriculteur en Meuse

"J’utilise le binage, qui consiste à travailler le sol entre les plantes, légèrement en surface, pas trop profondément. J’ai allongé le temps des rotations des cultures. Mais surtout, le plus efficace, c’est d’utiliser des plantes adaptées pour contrarier les mauvaises herbes", nous explique-t-il.

Le seigle par exemple, est tellement puissant, qu’il ne laisse quasiment  pousser aucune plante en dessous de lui. Cela permet de fragiliser les plantes invasives et de s’en débarrasser facilement. Mieux connaitre l’interaction entre les plantes, mais aussi les sols permettent de trouver des solutions alternatives aux produits chimiques.

Pour les agriculteurs bio, il faut accepter d’avoir un peu de mauvaises herbes dans ses champs, cela ne remet pas en danger la production. L’autre solution au glyphosate, c’est d’accepter que son champs ne soit pas nickel, comme on l‘apprend en école d’agriculture. Certaines études faites à l’Isara, qui forme des ingénieurs agricoles, montrent qu’un champ de blé tolère jusqu’à 1.5 tonnes de matière sèche autre, avant d’impacter sur les rendements.

"Il est clair que si on cherche à faire du semis direct, technique traditionnelle qui consiste à laisser vivre le sol, puis à désherber chimiquement, il est difficile de se passer du glyphosate. Mais notre métier, c’est de s’adapter, et c’est ce qui est passionnant", nous raconte François Marchand, qui a cultivé pendant plus de 20 ans de façon conventionnelle.

Arrêter de produire toujours plus

"Le problème du glyphosate, et des pesticides en général, c’est que le système encourage les agriculteurs à produire toujours plus, pour servir la balance exportatrice de la France. Or, on l’a vu avec le COVID- 19, l’essentiel c’est d’abord de nourrir les français, et de préférence avec des produits de bonne qualité nutritionnelle", nous explique Laurent Cousin, agriculteur, et porte-parole de Biograndest.  

Et d’expliquer que la peur de perdre des rendements quand un agriculteur passe en bio, est souvent surévaluée. "Si les rendements diminuent effectivement en bio de 30 à 50% à l’hectare, c’est souvent largement compensé par la baisse des charges, et principalement du budget des produits phytosanitaire qui a bien augmenté ces dernières années", nous explique-t-il.
Comme François Marchand, il prône la rotation plus longue des cultures, et l’utilisation de plantes nettoyeuses, comme la luzerne, qui rapporte moins que le blé, mais nettoie le champ à plus long terme. Par ailleurs, le prix des céréales en bio est bien plus élevé, et permet de mieux rémunérer les agriculteurs.

Sur les 800 agriculteurs qui se sont convertis ces dix dernières années en Lorraine, aucun n’a fait marche arrière, ni faillite. "Ils vivent globalement mieux de leur travail que les agriculteurs conventionnels", précise Laurent Cousin qui vient d’installer son fils, éleveur laitier dans les Ardennes.

De leur côté, les agriculteurs conventionnels sont de plus en plus nombreux à passer en bio, ils étaient 532 à s'y mettre en 2019, soit une progression de 14%  en un an.  En dix ans, ce sont 2.147 fermes qui ont abandonné l’utilisation des pesticides.

Les agriculteurs ne sont donc pas sans solution, comme l’a laissé entendre ce matin, le ministre de l’Agriculture, sans pour autant passer au tout bio, c’est une question de choix. Celui des consommateurs en tout cas penche pour une alimentation sans produits chimique, si l’on regarde le succès des magasins bio et les sondages.

Rappelons que 65.000 tonnes de pesticides sont encore déversés chaque année sur les sols français, soit 3.7 kg par hectare. La France est le deuxième pays le plus consommateur de pesticides en Europe.
 
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