Un film réalisé par le lorrain Sébastien Bonetti dénonce l'héritage empoisonné du site d'enfouissement des déchets nucléaires de Bure.

Dans son documentaire "Bure pour l' éternité"  le lorrain Sébastien Bonetti attaque de front les risques environnementaux engendrés par l'enfouissement des déchets nucléaires à Bure.Une solution qui s'apparente à la bonne vieille technique de la poussière sous le tapis. 


 La vérité est au fonds du puits


La célèbre phrase du philosophe grec Démocrite nous renvoie à notre ignorance sans fonds. Elle pourrait s'appliquer aussi au puits du laboratoire souterrain Cigéo de Bure. Le film du journaliste Sébastien Bonetti " Bure pour l' éternité " est une pierre jetée dans le puits de l'Andra celui des certitudes assenées par l'opérateur et son discours quant à l'innocuité de l' enfouissement des déchets nucléaires.

C'est un beau pavé jeté dans la mare atomique, la mare des évidences surtout. 


La première évidence prétend que les questions liées à l' énergie nucléaire sont beaucoup trop compliquées à appréhender pour le citoyen lambda. C'est affaire de spécialistes. Certes, les physiciens sont les mieux à même pour parler des atomes

mais cela autorise-t-il la confiscation du débat démocratique par un opérateur industriel ?

En aucune façon. Lorsque des citoyens s'organisent pour s'opposer à un projet qu'ils jugent inutile voire dangereux, la réponse des autorités et des lobbys est toujours condescendante. Elle tient dans cette phrase emblématique:

 Il faut faire de la pédagogie 

Sous-entendu, le peuple récalcitrant est mineur, un peu comme un enfant à qui il faut  ex-pli-quer jusqu'à ce qu'il prenne conscience de son erreur de jugement et se range aux décisions des "sachants". C'est le point de départ du film de Sébastien Bonetti:

En 2004, une poignée de militants en provenance des quatre coins de la France Après avoir créé l'association Bure zone libre (BZL), qui compte aujourd'hui plusieurs centaines de membres, de 20 à 70 ans, de toutes origines sociales, professionnelles et géographiques retapent un corps de ferme effondré, le nomme Maison de résistance et s'y installent de manière permanente. Pourquoi un tel lieu à Bure ? Il y a une vingtaine d'années, les élus régionaux (Lorraine) répondent favorablement à l'Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (Andra) pour l'installation sur la commune et alentours de ce qui deviendra par la suite un centre d'enfouissement des déchets les plus dangereux de l'industrie nucléaire française. Après avoir testé le jet de fûts dans la mer ou leur stockage en surface en Russie, la France et la communauté internationale ont en effet décidé de creuser des galeries dans le sol pour placer ces déchets. Et si le grand débat public qui se tient actuellement sur la construction du site de Bure est positif, les derniers travaux de creusement des galeries destinées à accueillir les colis seront effectués, pour leur arrivée en 2025. En 2004, les militants de BZL ont donc décidé de relocaliser la lutte au niveau de ce qu'ils considèrent comme le talon d'Achille de l'industrie du nucléaire : la gestion des déchets les plus dangereux.

La seconde évidence est celle de la sécurité.
Enfouis dans une structure géologique stable, les fûts de dechets radioactifs seront stockés sans danger pendant des milliers d'années. L'actualité récente a mis à mal cette affirmation.
 
Le 14 février 2014 se produit aux USA un accident nucléaire grave dans le premier centre d'enfouissement  en activité au monde.Le DOE (Department Of Energy, le grand frère aux USA du CEA en France) a fait construire un centre de stockage en profondeur nommé WIPP (Waste Isolation Pilot Plant) au Nouveau Mexique. Il s’agit d’un réseau de galeries creusées à 655 mètres sous terre dans une couche géologique de sel.
Les employés travaillant dans le WIPP ont évacué leur usine suite à un relevé de radioactivité extraordinaire en provenance des galeries. 

Un ou plusieurs fûts ont explosé spontanément et ont créé le nuage radioactif qui est sorti à l’extérieur.

Ces fûts proviennent du LANL (Los Alamos National Laboratory) et sont remplis d’objets contaminés aux « transuraniens » (Plutonium, Americium…). Même si on ne connaît pas encore la cause exacte de l’explosion du 14 février, d’autres fûts du même type, de la même provenance menacent d’exploser : 369 au fond du WIPP, 57 à Los Alamos, et plus de 100 au Waste Control Specialist (usine privée d’entreposage en surface). Depuis cet accident, les USA ont renoncé aux projets d'enfouissement des déchets nucléaires.

La troisième évidence concerne les générations futures.

Ainsi, une fois rempli et condamné, le site d'enfouissement sera un tombeau inviolable.. pour une durée minimum de 100 000 ans. .A condition que des archéologues n'aient pas la curiosité dans quelques centaines d'années d'aller explorer cette étrange construction humaine d'un autre âge.
Le site d' Onkalo en Finlande est emblématique de la question ontologique que pose ce cadeau empoisonné laissé en héritage à nos descendants.
Destiné à stocker les déchets hautement radioactifs produits par les centrales nucléaires finlandaises depuis 1996, ce gigantesque site d'enfouissement sera opérationnel en 2020. Le remplissage durera 100 ans après quoi il sera scellé pour toujours. Pour toujours ? Se pose une question sémantique voire philosophique.

Comment avertir les futures générations qu'il ne faut pas ouvrir ce tombeau hautement radioactif ?

Quel langage utiliser ? Existe-il des signes universaux qui agiront comme autant d'avertissements compréhensibles pour des humains dans 100 000 ans ? Faut-il  identifier, marquer le site au risque d'exciter la curiosité ? Ou le laisser sombrer dans l'oubli sans signalétique particulière ? Force est de constater que personne ne détient la réponse.

Le film "Bure pour l' éternité" aborde toutes ces questions. Sans autre publicité que le bouche à oreille et les réseaux sociaux, le film creuse au fil des mois son sillon au gré des projections. Il sort des circuits militants et fait le plein de spectateurs dans les cinémas de France. Signe que la question de la politique énergétique du pays en général et du nucléaire en particulier n'est plus le domaine réservé des industriels de l' atome.

"La vérité est au fonds du puits " disait Démocrite à quoi il faut ajouter le célèbre rire du philosophe grec. Un éclat de rire comme un acte de résistance.
Résistance à la folie des hommes.
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