Au-delà de son témoignage publié dans « Ceux de 14 », Maurice Genevoix, l'écrivain-combattant s'est investi toute sa vie, sans compter, pour entretenir le souvenir de ses compagnons d'armes. Au fil des années, il est devenu le porte-parole de tous les combattants de 14-18.
Entre 1916 et 1923, Maurice Genevoix a raconté au fil de cinq livres la guerre qu'il a vécue jusqu'en avril 1915. Un récit détaillé de plus de huit-cents pages. L'écriture comme exutoire après une épreuve indicible : s'il a réussi à coucher sur le papier ses souvenirs, il lui faudra plus de temps pour en parler en public. En 1931, son livre « H.O.E » est publié. Le titre fait référence aux hôpitaux d'opération et d'évacuation où il a séjourné. Il y raconte son retour à la vie civile et sa difficile réadaptation. Notamment l'incapacité à parler des horreurs auxquelles il a été confronté.
Est-ce vrai, tu espérais plus de chaleur et d'abandon. […] Est-ce ma faute si je sens avec cette force poignante que telles réalités demeurent inconnaissables à qui ne les a pas vécues.
Maurice Genevoix participe à cette vie associative. Sa renommée grandissante d'écrivain lui vaut d'être invité à prendre la parole et à prononcer des discours.
La guerre ne doit plus revenir. Nous voulons être des hommes libres et vivre dans la dignité et la paix.
Seule la volonté de témoigner le guide. Et son œuvre parle pour lui. Les rescapés des combats s'y reconnaissent. Mais moins le grand public. Les deux ouvrages d'écrivains-combattants les plus vendus à l'époque sont « Le Feu » d'Henri Barbusse et « Les Croix de bois » de Roland Dorgelès. Un succès dénoncé par l'ancien combattant Jean Norton Cru dans « Témoins », son étude critique de 251 récits de guerre publiée en 1929.
Barbusse et Dorgelès tiennent à se poser en témoins mais ne veulent pas se compromettre, ne veulent pas s'attirer des démentis, car ils ont conscience de parler de ce qu'ils ne connaissent guère.
Il commence alors à être très sollicité par les associations d'anciens combattants. Il participe à des rassemblements, prend la parole et prononce des discours lors de cérémonies notamment à Verdun. Si Maurice Genevoix n'a pas participé à la bataille de 1916, ceux qui y ont combattu se reconnaissent dans ses écrits et voient dans l'ancien lieutenant leur porte-parole, lui qui sait si bien décrire l'enfer qu'ils ont connu et la force des liens qui les ont unis dans les tranchées.
A l'époque, le cinquantenaire des combats approche, et les vétérans vont bientôt être de moins en moins nombreux. Une souscription est lancée. Un site choisi : l'emplacement de l'ancienne gare de Fleury-devant-Douaumont, épicentre des dernières tentatives allemandes pour prendre Verdun en juin 1916. L'inauguration a lieu le 17 septembre 1967 en présence de 2 000 anciens combattants.
Nous autres, à peine sortis de l’adolescence, quand nous nous retournions ainsi, nous ne voyions que des fantômes. Mutilés dans notre corps, mutilés dans nos amitiés. [...] Désormais, derrière nous, il y aura ce Mémorial. Il nous rend[…] nos camarades toujours vivants.
Des objets au service de la mémoire de tous les combattants, quelle que soit leur nationalité, comme le martèle Maurice Genevoix dans son discours : « Jeunes et vieux, amis, ennemis réconciliés, puissent-ils emporter de ces lieux, au fond d’eux-mêmes, une notion de l’homme qui les soutienne et les assiste !… Puisse la lumière qui va veiller ici les guider enfin vers la Paix ! ».Tous ces pauvres souvenirs amassés, au goût de mort et d'ancien courage, font un bric-à-brac terrible et poignant. C'est le grenier de l'enfer.
Vous étiez là, mes camarades. C’est pour vous, pour vous tous que je parle. Vous êtes là comme au premier jour. Et vous voyez : votre pays se souvient de vous. Il sait qu’il faut vous respecter, vous entourer, vous remercier – et vous croire. L’Histoire de France a besoin de vous.
En 1972, dans une émission intitulée « Témoins », il est interviewé par Pierre Bellemare. Il lit des extraits de « Ceux de 14 » et raconte son expérience de la guerre. D'un coup, une émotion intense le saisit. La caméra s'arrête. L'expérience terrible vécue par Maurice Genevoix à 24 ans le hantera jusqu'au bout...
Bibliographie : quelques lectures pour aller plus loin...
« Les Anciens Combattants », d'Antoine Prost (éditions Gallimard) : une étude détaillée permettant de comprendre dans quelles conditions sont nées les associations d'anciens combattants dans l'immédiat après-guerre. Un mouvement qui atteste du traumatisme qu'a créé la Grande Guerre dans la société française.
En 2016, à l'occasion de sa réouverture, le Mémorial de Verdun a consacré une exposition à sa naissance puis à sa renaissance. Le catalogue de l'exposition publié à cette occasion revient sur le rôle majeur joué par Maurice Genevoix dans la genèse de lieu de mémoire.
« Maurice Genevoix : la ferveur du souvenir » de Laurence Campa (éditions La Table Ronde) revient de son côté sur l'implication de Maurice Genevoix au service de la mémoire combattante. Elle présente de nombreux articles, préfaces et discours signés par l'écrivain.