Explosion mortelle à Carling : Total ne craque pas

Le procureur de la République de Sarreguemines a demandé la condamnation de Total et du directeur, en 2009, de l'usine de Carling. L'explosion lors du rallumage d'un vapocraqueur avait fait deux morts. Mais le groupe est resté sur sa ligne de défense : les ouvriers n'ont pas respecté les procédures.

Prenez un four à gaz. On allume d'abord la petite flamme de la veilleuse, ensuite on ouvre le gaz en grand et c'est la veilleuse qui enflamme le brûleur du four. Si on ouvre le gaz sans veilleuse, il s'accumule dans le four et peut alors exploser.
Les surchauffeurs, à l'usine Total de Carling, ce sont de gros fours destinés à chauffer de la vapeur d'eau à 550 degrés. A l'intérieur, 7 brûleurs avec chacun sa veilleuse, son "pilote".

 
Ce 15 juillet 2009, à 14 h 54, que s'est-il passé ? Tout est alors éteint, brûleurs et veilleuses. L'ouverture de la vanne d'un brûleur libère dans le four 12 kilos de gaz (soit plusieurs mètres cubes) en 90 secondes. Un ouvrier déclenche son allume-gaz et le four explose, tuant cet opérateur et son collègue.

Si on s'en tient à cela, il est évident que ce sont les hommes qui s'affairaient ce jour-là autour du surchauffeur (ils étaient une demi-douzaine) qui ont causé la catastrophe. L'allumage d'un tel dispositif doit suivre une procédure de sécurité qui n'a pas été respectée. C'est, depuis le début de cette longue instruction, la position des responsables de Total.

Mais le tribunal de Sarreguemines ne s'est pas fixé, pendant cinq jours d'audience, sur cet instant décisif. Il a longuement déroulé les trente-six heures précédentes - depuis le court-circuit, dû à un violent orage dans la nuit du 13 au 14 juillet, qui a provoqué l'arrêt de toute l'installation.


Retours de flammes

L'audience a évoqué la nécessité de faire vite pour redémarrer un outil vital pour la plateforme pétrochimique. Le stress des salariés confrontés à une opération exceptionnelle. Les va-et-vient entre les deux surchauffeurs. Le A est allumé. Le B ne veut rien entendre. Retours de flammes. "Petites" explosions. Un homme à l'infirmerie, déjà, le 14 juillet. Le A s'éteint : surchauffe. On lâche le B pour le rallumer, vite : s'il refroidit, il faut tout reprendre à zéro. Les veilleuses sont éteintes. La salle de contrôle ne le sait pas : les détecteurs de flamme, encrassés, sont débranchés depuis des années...
Erreur humaine, défaillances de l'entreprise : débat résumé ici par l'avocat de Total et celui de la famille de Maximilien Lemerre (l'un des deux opérateurs tués dans l'explosion).
Me Jean-Benoît Lhomme, avocat de Total Petrochemicals France, et Me Philippe-Henry Honegger avocat de la famille Lemerre ©France 3 Lorraine
Olivier Glady, le procureur, se range résolument aux côtés des huit avocats des parties civiles. Dans un geste inhabituel, et quelque peu théâtral, il dégrafe quelques instants la cravate du ministère public pour rendre hommage, "en tant qu'homme", à la douleur des victimes et de leurs proches.
Pour lui, pas de doute, Total a multiplié les fautes dans cette affaire. Il requiert 200 000 euros d'amende pour l'entreprise (qui encourait 225 000 !). Deux ans de prison avec sursis et 40 000 euros d'amende pour Claude Lebeau, alors directeur de l'usine. 
Le tribunal s'est donné trois mois de réflexion. Le jugement sera rendu le 13 juin.


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