Handicapée moteur, Nidjma Boumala, vient de remporter le concours régional organisé pour les vingt ans de l’Ugecam. La résidente de la Maison d’accueil spécialisée de Longeville-lès-Saint-Avold a réalisé une chorégraphie bouleversante, accompagnée de son animatrice.
Sur les célèbres premières notes du morceau de Ludovico Einaudi, Une Mattina, Nidjma Boumala débute sa chorégraphie bloquée dans un voile noir, entourée des bras et des jambes de Virginie Durrenberger, animatrice coordinatrice. Nidjma est handicapée moteur et vit à Longeville-lès-Saint-Avold, au sein de la MAS-FAM Les Jardins de l’abbaye (MAS : Maison d’accueil spécialisée et FAM : Foyer d’accueil médicalisé). Elle vient de remporter en avril 2021 le concours régional pour les 20 ans de l’Ugecam avec sa chorégraphie "Mon Reg’art" et sera en lice pour le concours national.
Une chorégraphie construite par Nidjma
Pour les 20 ans d’UGECAM (gestionnaire des établissements sanitaires et médico-sociaux en France), tous les établissements du groupe, à l’image de celui de Nidjma Boumala, pouvaient faire participer ses résidents volontaires dans un concours d’oeuvres d’art dans chaque région. Nidjma n’allait pas rater l’occasion d’y participer… et à raison ! "Le résident devait exprimer son regard sur l’accompagnement et les soins qu’on lui porte" explique Virginie Durrenberger, qui accompagne Nidjma dans sa chorégraphie.
Elle n'a pas reproduit bêtement un truc qu'on lui a dit de faire. Moi, je n’étais qu’un instrument.
"Tout ce qui est exprimé vient d’elle. Elle est venue me voir pour faire une danse, on a vraiment tenu compte de tout ce qu’elle voulait exprimer. C’est elle qui voulait participer au concours et danser. On l’a accompagné. Elle n’a pas reproduit bêtement un truc qu’on lui a dit de faire. Moi, je n’étais qu’un instrument".
Une danse lourde de sens
Paraplégique de naissance, Nidjma Boumala se dévoile au fil des notes dans une chorégraphie extrêmement touchante. Accompagnée de Virginie, mais aussi de sa kinésithérapeute Tina et de l’ergothérapeute Akim, elle laisse transpirer sa sensibilité. "Elle a dû se dévoiler un peu plus. Pour elle, sortir de son fauteuil, c’est comme si vous enleviez la carapace d’une tortue ou la coquille d’un escargot. Le fait d’enlever le fauteuil à quelqu’un, elle se retrouve comme démunie" insiste sa coordinatrice.
Et rien n’est laissé au hasard tout au long de la chorégraphie. Nidjma débute avec un voile noir autour d’elle qui l’empêche de "vivre". Elle l’explique elle-même dans la description de la vidéo : "Comme renfermé dans un cocon, le handicap nous empêche de nous mouvoir, de voir, de parler et même de penser quelquefois". Comme une parfaite métaphore pour faire comprendre, à travers l’art, le poids de porter un handicap tout au long de sa vie.
Les couleurs ne sont pas anodines non plus : "Nous sommes habillés en sombre, le fond est noir alors qu’elle est habillée en blanc, justement pour ne voir qu’elle. Le noir veut montrer aussi le côté obscur, les personnes en situation de handicap sont souvent dans l’ombre. Il y a plein de sentiments qui se bousculent, des sentiments de frustration ou de colère".
Un prix pour développer un projet
Face à onze autres participants de la région Grand Est, Nidjma remporte le premier prix et pourra donc prendre part au concours national. Normalement prévu le 15 mai, il sera sans doute repoussé au mois de juin. En plus d’une récompense individuelle, elle peut gagner un financement pour un projet porté par sa coordinatrice Virginie : "Ce projet porte le nom de la chorégraphie, Reg’arts. Il s’agit d’une compagnie d’art et de spectacles inclusive. Elle permet de proposer des activités artistiques, mais aussi d’intégrer des professionnels et des gens ordinaires de l’extérieur, d’où le côté inclusif".
Le but de financer ce projet consiste à "mélanger la personne dite en situation de handicap et la personne dite ordinaire, et de créer quelque chose ensemble et de le partager avec le monde extérieur". La passionnée de danse remet donc sa casquette d’animatrice coordinatrice : "On veut faire une exposition d’œuvres d’art, et un spectacle aussi avec des danseurs ordinaires et des danseurs en situation de handicap. Pour changer le regard des gens, ne plus avoir peur du handicap".
Pour faire grandir un peu plus ce projet, Virginie Durrenberger aimerait trouver un parrain officiel pour sa compagnie d’art et de spectacles. Si elle espère Grand Corps Malade, ce dernier n’a pas encore répondu à sa demande.