La Française de l'énergie explore depuis dix ans le sous-sol mosellan afin d'évaluer la quantité de méthane dans les veines de charbon. Elle souhaite exploiter cette énergie. Une partie de la population s'oppose à ce projet. Les associations environnementales sont en première ligne.
Le projet d’exploitation du méthane présent dans les couches de charbon de la Moselle-est par La Française de l'énergie (LFDE) ne fait pas l’unanimité. Des opposants montent au créneau pour dénoncer un projet industriel nuisible pour l’environnement et à rebours de la volonté de sortir des énergies fossiles exprimée par le président de la République.
Les associations environnementales sont en première ligne pour dénoncer le projet de LFDE. La plus en pointe dans ce combat est l’Association pour la Protection de l’Environnement Local de Moselle (APEL57).
Sa secrétaire Marieke Stein connait le dossier sur le bout des doigts. APEL57 se définit non pas comme une association de lutte mais d’information du public.
Concernant la concession de La Française de l'énergie la préfecture précise que la mise en place d'un comité de suivi des travaux n'était pas obligatoire. Cette instance est obligatoire pour les projets industriels classés Seveso seuil haut ce qui n'est pas le cas de La Française de l'énergie. Il est présidé par le préfet ou son représentant et se compose d'élus, d'associations, de services de l’État et de LFDE. C'est un lieu d'échanges et d'explications.Nous ne pratiquons pas la politique de la chaise vide. En siégeant au comité de suivi nous voulons avoir accès aux informations. Nous avons ce rôle depuis 2015.
La préfecture estime qu'il demeure cependant normal et légitime que des oppositions de principe perdurent vis-à-vis de la recherche et l’exploitation d’énergie fossile et le comité de suivi n’a pas vocation à faire renoncer à des convictions.Ces explications ont permis de lever certaines craintes et d’aboutir à plus de confiance vis-à-vis de l’encadrement réglementaire des travaux, dont l’objectif est de réduire au maximum, voire de supprimer, leurs impacts sur l'environnement.
LFDE: un groupe, deux visages
APEL57 considère que La Française de l'énergie a deux visages. Côté face, l’image est positive. Avec sa filiale Gazonor dans les hauts-de-France, le groupe pompe pour le valoriser le gaz de mine accumulé dans les galeries des anciennes exploitations.Pour APEL57, si l'Etat autorise l'exploitation de ce gaz, il sera impossible d'atteindre la neutralité carbone en 2030 telle qu'annoncée dans la présentation des grands axes de la politique énergétique de la France par le président de la République.On va chercher une des pires énergies fossiles, celle qui est naturellement séquestrée dans les veines de charbon non-exploitées, à rebours de l’accord de Paris.
Des trous et des couacs
Pour atteindre les couches de charbon situées à environ 1.000 mètres de profondeur, LFDE ne recourt pas à la fracturation hydraulique interdite depuis 2011 ni à la stimulation. Elle fore un puits verticalement jusqu’à la veine puis déploie plusieurs drains horizontaux sur 2.000 mètres pour pomper l’eau dans le charbon. En créant cette dépression le gaz se libère naturellement et remonte à la surface via les drains et le puits.APEL57 pointe deux problèmes majeurs : les forages horizontaux sortent accidentellement des couches de charbon car le creusement des drains à grande profondeur est difficile à piloter. Sur le site de Lachambre, le charbon aurait aussi tendance à s’effondrer, bloquant la progression des creusements souterrains et la remontée du gaz. Selon l'association, les essais de rendement ne seraient pas à la hauteur des attentes.
Le second problème relève de la principale crainte exprimée par les opposants. Les forages verticaux traversent la nappe phréatique. Cette opération relève d’une réglementation très stricte. Ce point sensible est évoqué dans le rapport du BRGM de 2013.Sur 14 mois de test LFDE n’a sorti que 30.000 m3 seulement. C’est ce qu’ils espéraient sur une journée. Cela laisse présager de mauvais rendements.
Les forages sont réalisés par une société spécialisée dans le captage de ressources d’eau potable. Le puits doit être parfaitement étanche mais APEL57 met en doute la capacité de l’opérateur à garantir l’étanchéité du cuvelage. Elle relève des incidents sur celui de Diebling, aujourd’hui condamné et dûment bouché.Le risque où il faudra porter le plus d’attention est la nappe d’eau douce du trias. Elle est stratégique pour la Lorraine.
Contactée à propos des incidents survenus sur le puits de Diebling, la préfecture explique que ce forage est un puits de reconnaissance géologique s’inscrivant dans cette démarche qui a été réalisé en 2007 et qui n’a pas été conçu dans l’optique d’une réutilisation future. Les travaux de fermeture définitive de ce puits ont donc été réalisés directement après la phase de tests, en décembre 2007.LFDE n’a jamais réussi à cimenter correctement cette partie. Il y a eu irruption des nappes phréatiques en 2006, "on pompait l’océan" dixit un géologue présent sur le site
Malgré les garanties apportées par La Française de l'énergie et l'Etat sur l’innocuité des adjuvants, APEL57 s’inquiète de la présence de produits chimiques utilisés dans les boues de forage. Elle affirme que des biocides passent dans la nappe phréatique. Quelles quantités ? Impossible de le savoir, dit-elle, car aucune analyse de l’eau n’aurait été faite au préalable pour définir un point zéro.Comme pour tout forage des incidents techniques ont pu avoir lieu (casse d’outils de forage), mais aucun incident ayant des conséquences sur l’environnement n’a été constaté.
Pas de produits toxiques selon la préfecture
LA DREAL en charge de la surveillance et de la conformité des travaux apporte les précisions suivantes: l'opération de forage ne diffère pas des opérations classiques de forage. La boue arrive à l’outil de forage d’où elle remonte par l’espace formé entre le train de tige et les parois du trou, chargée des déblais formés au fond du puits. Après être remontée au jour, la boue passe par des installations dans lesquelles elle est débarrassée des déblais afin de pouvoir ensuite être circulée à nouveau dans le puits.Enfin, la préfecture précise que les travaux de forages sont des opérations ponctuelles, d’une durée de quelques semaines, et que depuis 3 ans plus aucune opération de forage n’a été réalisée sur ce secteur.Les adjuvants ne sont pas toxiques et ont été validé utilisés par un hydrogéologue agréé lors de l'instruction de la demande d'autorisation.
Impact paysager
Si la technique prônée par La Française de l'énergie avec un seul puits vertical et le déploiement de drains souterrains multiples permet de limiter le nombre de plateformes en surface, la société en prévoit quarante à terme. APEL57 dénonce un bétonnage excessif des terrains disponibles, des terres agricoles pour l'essentiel.Les séquelles de l'exploitation du charbon
La Houve a cessé son activité en 2004 mais avec la fermeture de la dernière mine, l’histoire du charbon en Moselle n’est pas close. Pour les habitants du bassin houiller elle se poursuit avec les dégâts liés à des décennies l’exploitation: affaissements, remontée de la nappe phréatique et risques d’inondations. Secteur le plus touché: Rosbrück. La ville est descendue de quinze mètres au fil du temps et des foudroyages des galeries.Le collectif de défense des bassins miniers lorrains mène depuis des années une lutte opiniâtre pour faire reconnaitre la responsabilité des exploitants miniers et aujourd’hui de l’Etat dans la gestion des dégâts miniers dont sont victimes les communes et les particuliers.
Concernant le projet de La Française de l'énergie son secrétaire Loris Ravasio résume la position du collectif sous forme de cri indigné: "Vous n’allez pas nous mettre une nouvelle exploitation sous les pieds avant d’avoir réglé les problèmes liés à l’extraction du charbon !"
Soumettre le code minier à la charte de l’environnement
Fort de son expérience dans le bassin ferrifère, Le collectif de défense des bassins miniers lorrains se méfie de la gestion politique d’un tel dossier. Bernard Glanois dénonce une gestion partiale des dossiers liés à l’après-mine. Pour ce membre historique du collectif, la direction régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement (DREAL) est plus encline à protéger les intérêts des entreprises privées que ceux des citoyens.Le collectif guette comme le lait sur le feu la révision du code minier. Ce code datant de 1810 et plusieurs fois remanié définit les règles d’exploitation des ressources du sous-sol. Il est aujourd’hui obsolète. Il prévoit de mieux prendre en compte les enjeux environnementaux et une plus large participation du public. Le collectif a d’ailleurs été consulté sur sa refonte et il y met une condition.
Le collectif estime que seule cette soumission à la charte de l’environnement apportera les garanties nécessaires dans le cadre d’une future exploitation du gaz de couche de charbon. Sur ce point Bernard Glanois et Loris Rivasio ne se font pas d’illusions. Les industriels feront le forcing pour obtenir un code « light », sans volet après-mines. Traduction : un code minier qui les exonèrera de toute responsabilité en cas de désordres liés à l’exploitation.Nous refusons tout nouveau projet d’exploitation tant que le code minier ne sera pas soumis à la charte de l’environnement.