La Française de l'énergie fore depuis dix ans dans une certaine indifférence le sous-sol mosellan à la recherche du gaz de houille pour l'exploiter. Alertés par des associations sur les risques environnementaux, les élus locaux s'emparent du dossier et réclament à l'Etat des garanties.
Député de Forbach, Christophe Arend est membre de la Commission développement durable et de l’aménagement du territoire à l’Assemblée nationale. Il a œuvré sur la loi hydrocarbures de 2017. A ce titre, il a auditionné La Française de l’énergie.
Doutes sur la conformité
Christophe Arend n’a pas d’opposition de principe concernant l’exploitation d’une ressource énergétique locale pour un usage local, sauf si la méthode employée est contraire à ce que dit la loi française. On peut exploiter des hydrocarbures liquides ou solides ou gazeux jusqu’en 2040 à condition que la méthode d’extraction soit conventionnelle. La Française de l’énergie doit le prouver et l’Etat valider si oui ou non la méthode est conventionnelle ou non-conventionnelle.A ce stade, le député émet des doutes sur la conformité à la loi de la méthode employée par le concessionnaire.
Selon ses informations, corroborées par des ex-ingénieurs de Charbonnages de France, il est impossible d’extraire du gaz sans exercer une contrainte physique sur la roche avec une technique qualifiée de non-conventionnelle. Ce point avait aussi été souligné dans le rapport Le Déaut.
Des élus peu ou mal informés
Les municipalités concernées par le périmètre de demande de concession ont été sollicitées pour donner leur avis.Jean-Bernard Martin, maire de Cocheren et président du SCoT Val de Rosselle, a émis, avec le conseil municipal de la localité, un avis réservé.
Il déplore le peu de temps accordé aux élus pour étudier le dossier.
Nous avons été sollicités à cheval sur la période estivale et la rentrée scolaire et les esprits occupés par la crise sanitaire. Impossible de se prononcer en connaissance de cause sur un dossier aussi important.
Confusion originelle
Méthode conventionnelle ou non-conventionnelle ? L’Etat s’est contenté de transmettre aux municipalités une synthèse fournie par La Française de l’énergie. Ses données ont transité par la DREAL, le service de la préfecture, ce qui a fait croire à certains élus locaux, notamment aux nouveaux maires, qu’elles étaient validées par l’Etat. Ce qui n’est pas le cas.Le député a adressé un courrier au préfet pour signaler ce problème de clarté. Il explique aussi aux élus de la circonscription que cette synthèse relève de la communication de La Française de l’énergie, pas d’une expertise de l’Etat.Ce n’est pas la faute de la préfecture ni des élus, c’est la procédure qui entretient la confusion.
L’Etat doit jouer son rôle
Aiguillonnés par les associations environnementales, les élus sont sortis d’une phase attentiste pour se saisir pleinement du dossier.Ils exigent désormais des garanties de l’Etat avant la délivrance d’un éventuel permis d’exploitation. Jean Bernard Martin demande une expertise indépendante car le dossier fourni aux élus manque de neutralité et d’objectivité.
Il faut que l’Etat s’engage et donne des garanties après que LFDE ait fourni toutes les données. Moi mon travail c’est la loi, rien que la loi.
Dépoussiérer le code minier
Christophe Arend participe aussi au groupe de réflexion avec le ministère de la transition écologique sur la réouverture du code minier. Datant de 1810 et révisé en 1956 il n’a fait l’objet que de quelques aménagements à la marge. Pour Didier Bonijoly, géologue au BRGM, le service géologique national français et coauteur de la synthèse de 2013 sur l'exploitation du gaz de houille, il y a nécessité de le réactualiser face aux nouveaux enjeux environnementaux et sociétaux.La Française de l’énergie ne fore pas en terrain neutre. La Moselle a souffert et souffre encore des désordres engendrés par des décennies d’exploitation du charbon.Le code minier n’est toujours pas révisé donc c’est encore flou. Donc difficile pour les citoyens de se prononcer lors de l’enquête publique et du débat
Les particuliers mais aussi les communes sont confrontés à la dégradation des réseaux et aux réparations qui grèvent lourdement les budgets municipaux.
Pour indemniser d’éventuels futurs dégâts il faut des fonds dédiés prévus à l’avance. Le président du SCoT Val de Rosselle veut aussi des garanties sur la santé financière de La Française de l’énergie.Une des évolutions importantes que l’on souhaite apporter et qui a fait défaut par le passé : les entreprises qui souhaitent exploiter le sous-sol doivent provisionner en amont les moyens de compensation pour assumer les conséquences de l’exploitation.
Pollution
Christophe Arend reconnait à ce dossier une dimension psychologique qu’il ne faut pas négliger. "On a dit aux anciens mineurs: ce grisou qui hier a tué, aujourd’hui il peut être source de richesse. Mais…."Mais personne ne sait combien d’emplois cette activité peut générer, quelles retombées en termes de fiscalité pour les collectivités concernées, pas de garantie non plus sur l’innocuité environnementale des forages et de l'extraction du gaz.
Cette inquiétude pour la préservation de la nappe phréatique rejoint celles des associations environnementales et d’information de la population locale.Je serai très attentif à l’impact du projet sur la qualité de nos eaux souterraines.
702 habitants et 2 motions
Au téléphone une voix de basse, posée. Le discours est carré. Daniel Roth ne connaît que l’intérêt collectif.Maire de Zimming, commune rurale de 702 habitants dans l’arrondissement de Forbach-Boulay, il explique pourquoi le conseil municipal a voté deux motions contre le projet La Française de l’énergie.
Les Zimmingeois estiment que les retombées financières iront dans les seules poches de La Française de l’énergie, entreprise que Daniel Roth qualifie de purement spéculative et que les collectivités n’en verront pas la couleur. Il pointe à nouveau le défaut d’informations impartiales garanties par l’Etat.Ce projet ne générera pas d’emplois durables, les retombées financières seront nulles, sans compter le bétonnage de terres agricoles.
Un silence, puis l’édile conclut que village n’aura aucune retombée positive. Il n’aura que les risques.
A ce stade, les élus en appellent tous à l’Etat pour obtenir des réponses à leurs questions et des garanties sur la base d’une expertise impartiale. Didier Bonijoly, le géologue du Brgm, précise qu’au moment du dépôt de la demande d’exploitation il y aura une étude de risques. C’est ce rapport qui devra être l’objet de toutes les vigilances. Il devra identifier les risques de l'extraction du gaz de couche de charbon et les solutions mises en œuvre pour les maîtriser.