Le laboratoire GeoRessources de l’Université de Lorraine et du CNRS mène un projet de recherche sur l’exploitabilité du gaz de charbon en Moselle. Cette structure est chargée d'évaluer les impacts environnementaux du sous-sol jusqu’à l’atmosphère et sur les populations.
Le laboratoire GeoRessources structure commune à l’Université de Lorraine et au CNRS mène un projet de recherche sur l’exploitabilité du gaz de charbon en Moselle.
Le projet Regalor (Ressources Gazières de LORraine) initié par la région Grand Est, l’Etat et le FEDER est d’une durée de quatre ans (2018-2022). La Française de l’énergie qui dispose d’un permis de recherche en Moselle est partenaire. Les chercheurs ont accès à l’ensemble des données techniques et géologiques de l’industriel. Celui-ci met à disposition un site de forage destiné à l’expérimentation.
Les recherches s’attachent à explorer les possibilités d’exploitation du gaz et à évaluer les impacts environnementaux du sous-sol jusqu’à l’atmosphère et sur les populations. Le laboratoire précise qu’il n’a pas mission de se positionner pour ou contre le projet de La Française de l’énergie. Sa mission est purement scientifique. Elle est menée sur une base pluridisciplinaire. Les chercheurs sont géologues, géographes-urbanistes, historiens et spécialistes en psychologie sociale.
Dans cet article, nous nous attachons uniquement à la problématique de l’ancrage territorial du projet de La Française de l’énergie.
Une absence de culture de la co-construction
Ce qui apparaît immédiatement -lorsque se pose la question de l’ancrage territorial du projet de La Française de l’énergie est la faible connaissance qu'en ont la population et des élus locaux, ainsi que son décalage dans le schéma global de développement économique et géographique de la Moselle.Les travaux du géographe-urbaniste Yann Beauloye mettent en évidence cette dissonance. L’industriel prévoit quarante forages afin d’alimenter des industries locales et éviter le transport du gaz extrait mais la stratégie de développement économique locale privilégie les zones frontalières hors de la concession de La Française de l’énergie.
Ainsi, La Française de l’énergie aurait gagné à aller plus à la rencontre des territoires et des élus afin de les associer à son projet d’exploitation du gaz de couche. De même, le Scot du Val de Rosselle et son président Jean Bernard Martin auraient aussi eu intérêt à s’intéresser au projet de l’industriel.Cet élément démontre un manque d’association de La Française de l’énergie dans la politique d’aménagement local et un manque d’association de la part de l’entreprise des élus locaux à son projet.
Comment expliquer cette dissonance ?
Yann Beauloye apporte un éclairage intéressant : le code des mines, qui réglemente l’exploitation des ressources du sous-sol, ne prévoit pas l’intégration des élus locaux et encore moins les populations dans un projet minier.Un des enjeux importants de la réforme du code des mines prévu de longue date consiste à y introduire une dose de démocratie et des obligations pour la protection de l’environnement. Deux apports majeurs que défend le député de la circonscription de Forbach Christophe Arend.Le cadre réglementaire français n’encourage pas à avoir cette stratégie d’échange.
Stratifications et surdité
En matière de projets industriels, l’avis des populations locales est réduit à la portion congrue. Les enquêtes publiques existent où tout un chacun peut s'exprimer sur un projet, mais pèsent peu face aux enjeux économiques. Le ressenti des habitants est que souvent les jeux sont faits. C’est une affaire entre un industriel et l’Etat.L’expertise de l’Université de Lorraine a été sollicitée en amont par les responsables politiques de la Région afin d'apporter un éclairage sur la faisabilité de l'exploitation des gaz de charbon et son impact sur l'environnement et les territoires. Il s'agit aussi de trouver des voies d’échanges fertiles à travers la stratification des politiques locales et la verticalité de la loi et de la réglementation. En osant la métaphore minière: fracturer les inerties pour permettre une meilleure circulation des échanges.En France, inclure les populations locales aux projets industriels est très tardif. Ce n’est pas dans la culture.
L’ancrage territorial
Pour le chercheur, l’ancrage territorial est au coeur de la problématique. Il pose cette question : comment le projet de La Française de l’énergie peut-il trouver sa place dans le territoire est-mosellan ?Le territoire est un concept géographique et politique mouvant. Aujourd’hui l’appellation "bassin houiller" ne correspond plus à la réalité depuis la fermeture de la dernière mine de charbon en 2004. Pour le Scot du Val de Rosselle, la dynamique du territoire est située dans la zone frontalière. Enfin, pour La Française de l’énergie, le territoire est délimité par le périmètre de sa concession.
Du gaz dans le millefeuille
Inutile de préciser que ces trois projections territoriales ne se superposent pas. Elles dessinent chacune une cartographie d’intérêts différents. Ce qui explique, pour Yann Beauloye, que La Française de l’énergie s’est adressée en priorité aux maires des communes incluses dans sa concession alors que le Scot du Val de Rosselle, en charge du développement économique, recouvre un espace géographique et politique bien plus large. Il aurait dû être l'interlocuteur privilégié.Il constate aussi que les maires qui siègent au Scot n’ont peut-être pas fait remonter l’information des échanges avec l’industriel.
Comité de suivi, suiviste ?..
Un comité de suivi des travaux a été mis en place par la préfecture de la Moselle. Elle associe sous l’égide de l'Etat, La Française de l'énergie, les élus locaux et les représentants d’associations environnementales.L’association APEL57 y siège, afin de disposer de toutes les informations et d’alerter la population sur les risques environnementaux que pourrait générer ce projet d’extraction du gaz de couche de charbon. Marieke Stein, sa secrétaire, ne se fait pas d’illusion sur ce type d’instance, qu'elle considère comme un lieu de domestication de l’opposition. Une ingénierie mise en œuvre pour faire accepter aux élus et à la population locale un projet inacceptable.
De son côté la préfecture de la Moselle ne souhaite pas commenter la question du déficit de communication entre l'industriel et les élus, mais laisse entendre que cela ne va pas de soi.
Elle souligne que des actions ont été menées -la visite du site notamment- et que ces actions sont à la discrétion et sous la responsabilité de La Française de l’énergie. Quant à la situation du projet vis-à-vis du Scot du Val de Rosselle, elle est à examiner dans le cadre de la procédure d’instruction actuellement en cours de la demande de concession faite par LFDE.Nous pouvons préciser que la Préfecture et la DREAL ont fait part à de nombreuses reprises à l'industriel de l’importance de la communication dans ce genre de nouveau projet.
Acceptation ou acceptabilité du projet industriel ?
Pour le géographe-urbaniste Yann Beauloye, acceptation et acceptabilité d’un projet industriel sont deux notions différentes. L’acceptation vise la neutralisation de toute forme d’opposition. A contrario, l’acceptabilité recherche la co-construction du projet avec tous les acteurs du territoire concerné. Ce travail demande de l’anticipation.Dans cette perspective la réforme du code des mines aujourd’hui obsolète est une urgence, car il n'associe pas suffisamment les populations locales et les élus aux projets industriels.Il est nécessaire d’intervenir en amont et de donner un accès direct aux informations aux populations ainsi qu’un accès au site de recherche mis à disposition par l’industriel.
La Recherche, un atout pour les PME
Les scientifiques de GeoRessources plaident aussi pour une meilleure présence de la recherche dans les petites et moyennes entreprises. Une présence encore trop peu importante dans le tissu économique français, qui se prive d'une expertise et d'un accompagnement devenus aujourd'hui indispensables dans la conduite et l'aboutissement des projets industriels.La recherche universitaire pluridisciplinaire a en effet toute sa place pour accompagner les projets de développement des territoires. Celui de la Moselle-est qui poursuit sa reconversion économique en est un exemple parfait. Ce territoire offre un champ d’expérimentation inédit et l’expertise pluridisciplinaire développée par l’Université de Lorraine est un atout majeur pour l’avenir de la région.La recherche est peu présente dans les PME-TPE. Cette coopération avec La Française de l'énergie est innovante. Il faut une meilleure perméabilité entre la recherche et ces entreprises.