C’est officiel : le repreneur chinois des installations anglaises du groupe British Steel a retiré son offre de rachat du site d’Hayange. D’après nos informations, deux industriels seulement seraient en mesure de reprendre l’usine à rails de la vallée de la Fensch.
Les syndicats réclamaient depuis longtemps de pouvoir faire entendre leur voix dans le dossier, très complexe, de la reprise de l’usine à rails d’Hayange. Ils ont été enfin écoutés ce vendredi 06 mars 2020 au matin par Marc Glitta, le délégué ministériel aux restructurations d’entreprises, à l'initiative du député de leur circonscription, Brahim Hammouche (Modem).
L'inquiétude numéro 1 des organisations syndicales et des salariés: l’approvisionnement de leur site en blooms, dont la livraison depuis l’Angleterre a été interrompue depuis lundi. Et pour cause, le groupe British Steel, auquel appartenait le site d’Hayange, est devenue la propriété du groupe chinois Jingye.
Mais ce dernier n’a pas racheté Hayange: après avoir laissé planer le doute mardi dans un communiqué, le numéro 2 chinois de l’acier a préféré retirer son offre plutôt que d’essuyer un refus de la part du gouvernement français qui tardait à rendre son avis. Comme le prévoit la loi Alstom, le Ministre de l’Economie doit en effet donner son feu vert lors du rachat de toute entreprise stratégique, la fabrication des rails étant jugée de la sorte par les autorités françaises.
Jingye a racheté les usines anglaises de British Steel, qui étaient depuis vingt ans les fournisseurs exclusifs en blooms d’Hayange. Hors de question pour le groupe chinois de continuer à fournir un futur concurrent… "Ou alors à des prix prohibitifs, forcément ils ne vont pas nous faire de cadeaux" estime Djamal Hamdani, administrateur pour la CFDT de l’usine mosellane.
Qui en veut?
Bruno Le Maire a annoncé en début de semaine que quatre dossiers de reprise d’Hayange étaient sur son bureau, dont trois seraient solides selon lui.D'après nos informations, seuls deux tiennent vraiment la corde dont ArcelorMittal, qui possédait l’usine jusqu’en 19999 avant de la vendre à Corus, un groupe anglo-néerlandais. "Mais ArcelorMittal on n'en veut pas: on sait très bien qu'ils vont liquider nos fonctions supports, et nous rattacher à une autre entité, sans forcément faire d'investissements" lâche Djamal Hamdani. C'est pourtant l'option la plus sérieuse : ArcelorMittal est le numéro 1 mondial de l'acier, il lamine des rails sur plusieurs autres sites européens et a la possibilité d'approvisionner Hayange immédiatement. L’autre repreneur potentiel serait Liberty, groupe industriel très ambitieux et propriété du jeune loup de la sidérurgie Sanjeev Kumar Gupta. Ce dernier aurait également des velléités pour racheter d’autres usines françaises, dont le site d’Ascoval, futur fournisseur d’Hayange en blooms…
L'offre du local de l’étape Saarstahl est difficile à appréhender : le groupe est en grandes difficultés financières et a annoncé en 2019 1500 suppressions d’emplois dans ses usines de la Sarre, même s’il est situé tout proche d’Hayange, et peut d’ores et déjà fournir une partie des blooms dont a besoin l’usine de la Fensch afin de laminer les rails du TGV. Le quatrième repreneur est moins en odeur de sainteté : il s’agit ni plus ni moins que d’Olympus, la maison-mère de Greybull, propriétaire de British Steel jusqu’à sa mise en faillite l’an dernier ! En vingt ans, l'usine a déjà connu cinq propriétaires différents. Le feuilleton continue.
Gérard Glas, le PDG de l'ex British Steel France, est toujours aux commandes de l'usine d'Hayange. Il confirme l'intérêt des quatre groupes sidérurgiques "qui sont tous venus visiter l'usine". S'il affirme ne pas connaître les préférences du Ministre de l'Economie, il tient à rassurer les salariés : "nous avons du stock, pour laminer encore pendant deux mois, et nous n'avons pas attendu les décisions du groupe chinois pour travailler à des solutions alternatives d'approvisionnement". L'industriel confirme que Saarstahl a déjà fourni récemment des blooms, "même s'il ne fabrique pas tous les types dont nous avons besoin, il nous en a déjà livré, et si le groupe sarrois est prêt à investir, je vois pas pourquoi on arrêterait de se fournir chez eux". En bon connaisseur de la sidérurgie, il sait qu'aujourd'hui l'usine d'Hayange ne peut plus être alimentée par un unique aciériste : "il n'existe pas de marché pour les blooms comme il en existe pour d'autres produits sidérurgiques comme les billettes ou les coils, mais on peut et on doit multiplier les fournisseurs".