Implants Essure : le combat des victimes se poursuit pour prouver une intoxication aux métaux lourds

Des avancées dans l’épineux dossier des implants de contraception définitive, Essure du laboratoire Bayer. Fin 2021, une proposition de résolution a été déposée par 17 députés pour la prise en charge des femmes et un protocole de recherche a été validé en janvier 2022 pour mesurer l’impact de ces implants sur les femmes. La lanceuse d’alerte mosellane Marielle Klein rappelle l’importance de ce sujet de santé publique.

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"Parlez-en", c’est le cri d’alarme lancé en 2016 par Marielle Klein toujours d’actualité aujourd’hui. La mosellane de Spicheren est la première à avoir dénoncé les effets secondaires des implants Essure commercialisés par le laboratoire Bayer.

A l'époque, les douleurs de Marielle étaient si intenses qu'elle a bien cru qu’elle n’y survivrait pas. Elle se fait retirer ce dispositif de stérilisation irréversible en 2016, quatre ans après l’avoir fait poser, quatre années d’errance médicale pour comprendre. Depuis, elle se bat pour toutes les femmes qui souffrent du port de ces implants : elles seraient environ 180.000 aujourd’hui en France d’après l’association R.E.S.I.S.T, une des quatre associations de patientes, dont Marielle Klein fut la présidente.

La France est le pays européen où les femmes implantées par Essure sont les plus nombreuses. Elles étaient 200.000 au départ avant les explantations et l'opération de stérilisation était encouragée par les autorités sanitaires puisque le dispositif était pris en charge par la sécurité sociale.

Sous la pression de femmes victimes d'effets secondaires comme Marielle, la vente des implants Essure a été stoppée le 18 septembre 2017 en France et partout en Europe. Après une action de groupe de milliers d'américaines, le dispositif est également retiré du marché aux Etats-Unis le 20 juillet 2018 mais pour les victimes le combat continue pour la prise en charge des pathologies et l'explantation.

Un scandale sanitaire

Que sont devenues toutes ces femmes implantées, ont-elles été informées des maux dont elles pourraient souffrir à long terme. C’est la question que se posent les associations de défense des victimes qui pointent du doigt les autorités sanitaires sur le manque d’information récurrent depuis 2016.

Le ministère de la Santé refuse d'informer toutes les femmes porteuses d'Essure des dangers qu'elles encourent, cela permettrait pourtant d'évaluer les dégâts et de les accompagner

Marielle Klein

"Depuis le départ, on demande à ce que le ministère de la Santé informe toutes les femmes porteuses de ces implants, des problèmes de santé qu’elles peuvent rencontrer. Cela permettrait également de faire un état des lieux des dégâts d’Essure sur ces femmes qui ne font pas forcément le lien entre les implants et une dégradation de leur santé et de les accompagner. On en parle depuis six ans avec les associations de victimes qui se sont constituées mais nous en sommes toujours au même point, c’est scandaleux" se désole Marielle Klein.

Pour cette mère de cinq enfants, les problèmes au départ étaient ORL, difficile dans ce cas d’établir un lien. La sphère des effets secondaires est en effet diffuse, problèmes gynécologiques, ORL, cognitifs, neurologiques, la liste est longue.

De l’étain dans le corps des femmes

Pour les associations qui défendent ces femmes, l'origine du mal vient très probablement d'une intoxication aux métaux lourds, ce qui explique la multiplicité des effets secondaires. L'implant Essure est en effet constitué de plusieurs métaux : acier, fer, chrome, nickel entre autres, un alliage complexe. Mais ce qui poserait problème, c'est surtout l'étain utilisé pour faire la soudure entre deux éléments de l'implant.

L'étain est responsable des effets locaux et systémiques décrits par les patientes

Pr Vincent, directeur du laboratoire Minapath

Des premières études ont été menées à ce sujet. Notamment par le professeur Michel Vincent qui dirige le laboratoire indépendant Minapath de Villeurbanne près de Lyon (Rhône). 

En mai 2021, le professeur Vincent donne une conférence sur ses recherches à l'association Toxicologie-chimie. Dans une vidéo, il explique très clairement que "dès la première analyse minéralogique, on a trouvé des particules d'étain de plusieurs microns dans les parois des trompes de la patiente". Ce sera également le cas pour les 18 autres patientes qui vont suivre.

Il y aurait donc une corrosion de cet étain au fil du temps. Pour le professeur, pas de doute : "nous pensons que l'étain est responsable des signes locaux et systèmes décrits par les patientes (...) Il y a eu une erreur d'appréciation du risque lié à la délivrance d'Etain chez les patientes lors des tests pour la certification du dispositif Essure".

Une grande étude sur 15 ans

La direction de la santé a acté le 25 janvier 2022, lors d'un comité de suivi avec les associations de défense des victimes d'Essure et les trois professeurs qui réalisent déjà des analyses sur le sujet, l'ouverture d'un protocole de recherche pour septembre 2022. Les résultats de cette grande étude qui vise à comprendre de quoi souffrent les femmes porteuses d'Essure seront connus à 2, 5, 10 et 15 ans.

Les premières études préliminaires montrent une amélioration après explantation du dispositif. Au 30 juin 2021, plus de 30.000 femmes porteuses des implants Essure de Bayer auraient potentiellement été explantées. Elles ont en tout cas eu recours à une chirurgie des trompes et ou de l'utérus.

"C'est une bonne nouvelle qui ne répond malheureusement qu'à une partie du problème" tempère pour sa part Emilie Gillier, présidente de l’association de patientes R.E.S.I.S.T.

"Le principal problème reste l'information aux femmes porteuses de ces implants mais oui, on va en savoir plus sur l'intoxication aux métaux lourds. Il y a l'étain qui est en cause mais il y a aussi d'autres métaux dans l'implant et il y a des fibres plastiques aussi qui peuvent avoir causé des dommages avec une diffusion de ces substances dans le corps des femmes implantées".

Une loi pour faire reconnaître les victimes ?

Pour Marielle Klein, la proposition de résolution déposée par 17 députés mi-décembre 2021 constitue une petite avancée qui peut conduire à une grande loi qui verrait enfin la reconnaissance des victimes. La proposition vise en effet à "reconnaître et prendre en charge les complications suite à la pose et au retrait des implants de stérilisation définitive Essure".

"C’est en effet un début qui fait suite à une lettre signée par 107 députés en avril 2021 qui œuvraient déjà dans ce sens" renchérit Emilie Gillier présidente de l’association de patientes R.E.S.I.S.T. Parmi eux, les députés lorrains Laurent Garcia, Thibault Bazin et Hélène Zannier.

Aujourd'hui, Marielle Klein souffre toujours de fatigue chronique, de problèmes de mémoire, d'élocution compliquée et d'une perte musculaire au bras gauche. Pour elle, il ne fait pas de doute que ces maux sont des effets secondaires persistants des implants Essure liés à cette intoxication aux métaux lourds.

Le volet pénal 

Pour l'heure, aucune étude ne permet encore de faire le lien entre les symptômes des patientes et le dispositif de stérilisation irréversible Essure de Bayer, c'est pour cela que le dossier pénal n'avance guère. Cela pourrait changer avec le protocole de recherche lancé cette année. Une plainte collective et de nombreuses plaintes individuelles ont été déposées à l'encontre du laboratoire pharmaceutique dans l'optique d'un procès.

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