ArcelorMittal soigne sa communication en fabriquant la torche des Jeux olympiques de Paris

C'est une flamme 100% française, en acier recyclé, qui traversera la France du 8 mai au 26 juillet prochain. La torche des JO de Paris a été façonnée par la multinationale ArcelorMittal. 2.000 exemplaires sortiront du site de Florange en Moselle.

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Entre le 8 mai et le 26 juillet 2024, date d'ouverture des JO, la flamme traversera la France. De Marseille à Brest en passant par Verdun, un parcours est soigneusement établi dans près de 400 villes. Pour obtenir ce passage, chaque département a déboursé 180.000 euros au Comité d'organisation des Jeux olympiques de Paris 2024, le Cojo. Dans le Grand Est par exemple, sept départements dont celui de la Moselle ont réglé la facture, suscitant au passage une polémique révélée par le magazine Complément d'enquête. Trois autres (Ardennes, Vosges et Meurthe-et-Moselle) ont décliné, estimant ce coût trop élevé.

Le jeudi 27 juin, cette flamme a rendez-vous en Moselle où sept étapes sont prévues. Forbach, Sarreguemines, Meisenthal, Scy-Chazelles, Yutz, Thionville et Metz. Le département privilégie une communication "carte postale" où l'histoire des mines et des hauts fourneaux est soigneusement rangée au placard.

Une halte est aussi prévue à ArcelorMittal. Ce n'était pas prévu initialement mais on peut comprendre pourquoi cet arrêt est incontournable. Partenaire des JO de Paris, le sidérurgiste ArcelorMittal est en charge de la fabrication des 2.000 torches qui seront utilisées lors du relais de la flamme. Comme le département, le géant de l'acier veut aussi profiter de Paris 2024 pour faire de la communication. Il souhaite aussi redorer un blason bien terni à l'occasion d'autres JO, ceux de Londres en 2012. Pour ces jeux outre-Manche, ArcelorMittal, en tant que sponsor de l'évènement, avait alors déboursé 18 millions d'euros pour ériger la Tour Orbit, une structure d'acier rouge près du stade olympique, qui devait symboliser les Jeux de Londres. La polémique avait enflé avec la désignation du magnat de l'acier Lakshmi Mittal et de son fils comme porteur de la flamme olympique la veille de l'ouverture des Jeux londoniens. Un privilège très critiqué alors que le groupe ArcelorMittal, en difficulté en Europe, était en pleine restructuration avec la fermeture de plusieurs hauts fourneaux, dont ceux de Florange, en Moselle. Douze ans plus tard, on efface tout et on recommence. 

"Je n'ai pas la prétention de connaître tout le monde mais sur les lignes de travail, je peux vous dire qu'on me parle davantage des conditions de travail et des salaires mais pas de cette flamme olympique" explique Lionel Buriello, délégué CGT ArcelorMittal à Florange, "pour les salariés, ce n'est pas une priorité. On est dans une nouvelle opération de communication pour ArcelorMittal autour des valeurs de l'olympisme : égalité, fraternité, performance... tant mieux pour eux. Mais je peux vous dire qu'il y a un sérieux décalage entre le message véhiculé et le quotidien dans nos sites".

Amour, gloire et beauté

Sur son site, le groupe ArcelorMittal, qui a "en charge de la fabrication de cet objet hautement symbolique" communique depuis plusieurs mois sur le sujet. Les mots ne sont pas choisis au hasard. Concernant la flamme, on n'hésite pas à parler de "chef d'œuvre", d'"impressionnant lingot", c'"est plus qu’un simple objet métallique. C’est un symbole de durabilité, d’excellence et d’innovation". C'est aussi l'occasion de mettre en avant son savoir-faire et ses sites de Châteauneuf (Loire), Florange et Woippy où l'objet a successivement été réalisé. Ne pas oublier également l'aspect greenwashing et la boucle est bouclée : "Grâce à l’utilisation de l’acier à empreinte carbone réduite d’ArcelorMittal et au savoir-faire de ses équipes, la Torche des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 est non seulement belle, mais aussi respectueuse de l’environnement". Le communiqué et la communication en général ont des allures de poèmes à la gloire de la multinationale.

Ce jeudi 4 avril 2024, ArcelorMittal a convié la presse à Florange pour "découvrir comment AM a fabriqué la torche des Jeux olympiques et Paralympiques de Paris". Au programme, les différentes étapes de fabrication et une visite de l'usine où l'acier de la torche a été laminé. "Depuis 2012, Il n'y avait jamais eu autant de journalistes présents ici sur votre site à Florange. C'est aussi une revanche par rapport à ce qui s'est passé ?" demande un journaliste à Jean-François Malcuit, le directeur du site ArcelorMittal de Florange. Légère hésitation, la question ne doit pas faire partie du media training. "C'est une revanche et c'est une fierté" enchaîne le chef d'établissement, "pour le grand le public, on se dit que Florange n'existe plus alors que c'est tout l'inverse. On continue à se développer. Florange est bien et investit beaucoup sur des outils de dernière technologie pour produire les aciers d'aujourd'hui et du futur".

C'est toute la finesse et la précision d'un gros outil industriel mise à disposition d'un objet d'art

Jean-François Malcuit, le directeur du site ArcelorMittal de Florange

Côté storytelling, c'est beaucoup plus rôdé. On frôle le scénario du blockbuster. : "Il y avait deux challenges à relever. Il fallait déjà être capable de produire cet acier en très peu de temps. Trois semaines précisément entre le top départ et le moment où on a pu livrer l'acier pour la suite du process. On a ensuite mobilisé une vingtaine de collaborateurs qui ont travaillé tous les jours sur un sujet qu'ils ne connaissaient pas. Ils savaient seulement qu'ils travaillaient pour quelque chose qui était sûrement important pour ArcelorMittal. Mais ils n'avaient strictement aucune idée de ce lien avec la torche olympique et à aucun moment ça a fuité. Et ça a été vraiment une grande surprise quand l'objet a été révélé par la presse. C'est là que les gens concernés ont compris qu'ils avaient travaillé pour la torche olympique". Cette histoire, "c'est toute la finesse et la précision d'un gros outil industriel mis à disposition d'un objet d'art".

La torche olympique, longue de 70 cm pèse avec le brûleur 1,5 kg. Elle servira plusieurs fois lors des différents relais organisés partout en France. Le designer français Mathieu Lehanneur avait été choisi pour la concevoir. "Je ne veux pas faire de mauvais jeux de mots" poursuit Lionel Buriello, "mais le jour de la présentation de la flamme, il y avait un incendie sur le train à chaud du site de Florange. Quand je vous dis qu'on ne vit pas la même chose. Cette opération de com masque le quotidien des salariés".

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