Une élève de 14 ans, originaire du Burkina Faso, a été arrêtée pendant ses cours au collège Paul Verlaine de Maizières-lès-Metz, avant d'être reconduite à la frontière belge avec sa famille. Elisabeth Borne s'est exprimée à ce sujet. Plusieurs organisations appellent à un nouveau rassemblement jeudi devant la préfecture.
MISE A JOUR LE 29/01/2025 A 10:00
C’est une histoire qui continue à faire parler. Mercredi 29 janvier, la ministre de l'Éducation nationale, Elisabeth Borne, a envoyé par courrier un "rappel" aux recteurs concernant les interventions des forces de l'ordre dans les établissements. Ce courrier fait suite à l'indignation provoquée par l'arrestation mercredi 22 janvier 2025, au collège de Maizières-lès-Metz (Moselle), d'une jeune fille burkinabée de 14 ans, par les gendarmes pour être reconduite à la frontière belge avec sa famille, alors même qu’elle se trouvait dans l’établissement scolaire. "Tout le monde a été choqué, autant les enseignants que les camarades", insiste Eric Florindi de Réseau éducation sans frontières en Moselle (RESF 57).
Dans son rappel à l'ordre, Élisabeth Borne souligne que "les interventions des forces de police et de gendarmerie liées aux procédures d'éloignement sont strictement interdites dans le cadre scolaire". C'est pourtant ce qu'il s'est passé au collège Paul Verlaine de Maizières-lès-Metz. Selon un communiqué de RESF 57, "il était 9 heures lorsque la gendarmerie a appelé le collège pour demander que l’élève, qui assistait à son cours de français, soit isolée des autres élèves à la récréation. La jeune fille a alors été conduite dans le bâtiment de l’administration où les gendarmes ont procédé à son exfiltration dans un véhicule banalisé".
Des faits confirmés par le rectorat de la Région académique Grand Est et de l'académie de Nancy-Metz. Deux gendarmes de la brigade d’Ennery sont en effet venus chercher l’élève au collège et ce, "avec l’accord de ses représentants légaux" et "dans un cadre réglementaire respecté".
C'est absurde, on nous dit que la mère a donné l’autorisation, mais elle était encadrée par des gendarmes, comment elle aurait pu s’opposer à la demande des gendarmes, ce n’est pas une décision libre et éclairée.
Agnès Bragard, professeure d'histoire géographie et membre du SNES
La collégienne a ensuite été conduite jusqu’à la frontière belge, avec sa mère et son petit frère, "sans pouvoir emporter le moindre effet personnel". D’après nos informations, la famille avait fui le Burkina Faso pour se réfugier en Europe, à la suite du dernier coup d’État. Le père, lui, y serait "emprisonné pour des raisons politiques". Les autorités reprochent à la mère de l’élève d’avoir déposé une demande d’asile simultanément en Belgique et en France.
L'indignation des syndicats
Très vite, les syndicats ont été prévenus par les professeurs. Ces derniers s'inquiétant de la disparition de l'élève entre le début et la fin de matinée ont obtenu l'information après avoir demandé ce qu'il en était à l'administration. "Une seule élève a pu lui dire au revoir et depuis nous n'avons pas de nouvelles", s'indigne Agnès Bragard, professeure d'histoire géographie depuis 35 ans et membre du SNES. "Au début, je n'y croyais pas du tout", raconte-t-elle, "on parle d’enfants qui sont en construction, en apprentissage, pas d'objets qu'on peut déplacer selon notre bon vouloir".
Sur les réseaux sociaux aussi, l’information à peine partagée a provoqué l’indignation. "Scandaleux, écœurant, honteux, dégueu...", postait par exemple une internaute. Vendredi 24 janvier, une quinzaine de personnes se sont rassemblées spontanément devant l’établissement concerné. "Pas d’interpellation en école", pouvait-on lire sur certaines pancartes. "C’est scandaleux à plus d’un titre", s’agace Eric Florindi pour qui "c’est une atteinte à la dignité des personnes et le signal d’une politique inhumaine".
Une illustration de la brutalité en vigueur depuis la présidence Macron
RESF 57
Cette intervention en milieu scolaire pour une obligation de quitter le territoire français (OQTF) est liée aux objectifs de "sécurité" que poursuit Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur. Pour RESF 57 "c’est une illustration supplémentaire de la brutalité en vigueur depuis la présidence Macron (...) L’intervention de la police au sein d’un établissement scolaire est une pratique que l’on pensait appartenir à l’histoire ancienne."
En octobre 2005, déjà, pour éviter ce type d'intervention, Nicolas Sarkozy, prédécesseur de Bruno Retailleau, avait émis une circulaire suspendant pour la durée de l’année scolaire les arrestations de jeunes scolarisés dans et aux abords des écoles, ainsi que celles de leurs parents. Cette décision avait été suivie en 2013, par une interdiction, par Manuel Valls, de l’intervention des forces de police et de gendarmerie dans le cadre scolaire lors du déroulement de procédures d’éloignement.
"Depuis 2013, la situation s'était à peu près apaisée. Là, on a l’impression qu’il y a un emballement mais espère que c’est simplement une erreur et avoir la garantie que ça ne se reproduise plus", reprend Agnès Bragard. Seulement voilà, le 23 janvier 2025, Bruno Retailleau a fait émettre une nouvelle circulaire concernant la lutte contre l’immigration irrégulière qui abroge notamment la circulaire Valls. "Cela n'apporte aucune solution au traitement des sans-papiers de notre pays", affirme le communiqué du RESF57.
Lundi matin, certains élèves ont posé des questions, ça les a beaucoup troublé. Ils demandaient si c'était normal, si cela pouvait leur arriver. L'école est censée mettre à l'abri les enfants des pressions extérieures.
Agnès Bragard, professeure d'histoire géographie et membre du SNES
Le SNES a demandé une audience à la préfecture pour avoir des nouvelles deux enfants ainsi que des informations essentielles comme "l'adresse où on peut leur envoyer leur dossier scolaire", précise Agnès Bragard.
Pour continuer à se mobiliser et à protester contre ces méthodes, qu’ils dénoncent, plusieurs organisations, comme RESF57, organisent un rassemblement devant la préfecture de la Moselle à Metz, jeudi 30 janvier à 17h.