L’Europe vient d’acter la mise en place de l’ajustement carbone aux frontières de l’UE au 1er janvier 2023. En clair, les entreprises du continent qui importent des produits polluants en provenance du reste du monde devront payer un droit à polluer. Cette proposition, longtemps combattue par les industriels, était défendue il y a plus de dix ans déjà par Edouard Martin, l’ancien sidérurgiste alors député européen.
Les négociations ont duré jusqu’au petit matin, mais ce mardi 13 décembre 2022, le Parlement européen et les Etats membres de l’Union ont acté la mise en œuvre au 1er janvier 2023 du mécanisme dit d’ajustement carbone aux frontières.
Vieux serpent de mer de la politique industrielle européenne, ce dispositif a été évoqué pour la première fois au début des années 90. Edouard Martin, l’ancien syndicaliste CFDT, élu député européen en 2014, avait élaboré et fait voter un rapport sur la question.
Et depuis, plus rien ou presque, jusqu’à ce que le Green Deal (le pacte vert) change la donne. Ursula von der Leyen, élue présidente de la Commission Européenne en 2019, veut réduire les émissions de gaz à effet de serre de 50% à l’horizon 2030, et arriver à la neutralité en 2050. Pour y parvenir, l’idée d’Edouard Martin ressort des cartons.
Elle est actée par les députés européens le mardi 10 mars 2021, et des négociations en trilogue (commission, parlement, conseil) se sont tenues depuis pour en élaborer les modalités, dont on connait aujourd’hui les grandes lignes : "les importateurs de marchandises provenant de pays tiers seraient tenus d’acheter auprès des autorités nationales des certificats, dont le prix serait indexé sur celui du CO2 au sein du marché européen du carbone. Elle a proposé que les secteurs suivants soient dans un premier temps couverts : le fer et l’acier, l’aluminium, le ciment, l’engrais et l’électricité". D’après nos informations, l’hydrogène ferait également partie de la liste des secteurs concernés.
Mise en œuvre progressive
D’après un communiqué transmis à l’Agence France Presse (AFP), "le calendrier de mise en oeuvre effective du dispositif, qui sera progressive, dépendra de pourparlers ultérieurs en fin de semaine sur le reste de la réforme du marché carbone de l'UE, au coeur du plan climat européen". Une période-test débutera donc en octobre 2023, "durant laquelle les entreprises importatrices devront simplement rapporter leurs obligations".
Revers de la médaille
Toujours d’après l’AFP, le dispositif s’accompagne d’une contrepartie : la suppression des quotas gratuits de CO2 aux industriels européens "pour leur permettre d'affronter la concurrence extra-européenne". Mais "le rythme de suppression de ces quotas gratuits et la possibilité d'aides alternatives aux exportateurs européens, pour ne pas les désavantager sur le marché mondial, font encore l'objet d'âpres discussions".
Que faire de l’argent ?
L’idée de l’eurodéputé Edouard Martin était d’utiliser cet argent, "des centaines de milliards d’euros" afin de moderniser les outils industriels dans les secteurs les plus polluants. Mais l’ancien sidérurgiste sait que la lutte sera difficile à ce sujet : "il faudra malgré tout rester vigilant car il y aura toujours des petits malins pour essayer de détourner le système ou le dévoyer… mais c’est vrai que c’est un bon début" nous confie-t-il ce mardi 13 décembre. Bon joueur l’ancien ouvrier : son ancien patron, le groupe ArcelorMittal, était vent debout contre son initiative il y a dix ans !