C'est ce qu'indique, ce lundi 25 mai, la présidente des Entreprises du Voyage du Grand Est. Moteur économique de premier plan dans notre région, le tourisme a durement -et durablement?- été touché par la crise sanitaire. Comment envisager l'avenir de la filière à court et moyen terme?
Dans le domaine économique, 2020 sera à marquer d'une pierre noire pour de nombreux secteurs d'activités. C'est particulièrement vrai dans le domaine du tourisme.
Frontières fermées, interdiction de se déplacer à plus de 100 km de son domicile, mesures sanitaires drastiques, distanciation sociale, interdiction de se regrouper à plus de 10 personnes... Tout semble jouer contre ce qui fait l'essence même de l'activité touristique: l'envie de découverte, la gastronomie, les animations estivales.
Dans la région Grand Est, l'activité touristique est un moteur économique de première importance : l'Alsace avec Strasbourg ou la route des vins d'Alsace, la Lorraine avec Metz et Nancy, la Champagne-Ardenne avec Reims et ses vins de Champagne. Autant de destinations très prisées en été, notamment par les touristes du nord de l'Europe, nos voisins, allemands, belges, luxembourgeois ou néerlandais.
Au début du mois d'avril, l'Agence Régionale du Tourisme du Grand Est a réalisé une enquête édifiante sur les chiffres clés du secteur. Des chiffres probablement plus mauvais au mois de mai.
Une équation à très nombreuses inconnues
Au moment où sont rédigées ces lignes (26 mai 2020), il est difficile de prévoir quels sites vont pouvoir rouvrir, à quelles dates, et dans quelles conditions. Il est difficile également de savoir comment les conditions de déplacement vont évoluer dans les prochaines semaines et les prochains mois. Et le cas échéant, quel sera le degré de confiance des touristes, ceux qui viennent visiter la Région comme ceux qui en partent pour aller voir ailleurs?Autant d'inconnues dans l'équation très complexe du déconfinement. L'activité touristique et ses acteurs, à l'arrêt depuis la mi-mars, sont dans l'inconnue en cette fin de printemps, malgré un déconfinement timide et progressif.
Pour les agences de voyage, pas d'embellie avant... 2022 !
Dans une interview qu'elle a accordée à France 3 Lorraine le lundi 25 mai, Michelle Kunegel, la présidente des Entreprises du Voyage du Grand Est explique que 2020 sera une année blanche pour les agences de voyage, les autocaristes. Avec des pertes avoisinant 80% du chiffre d'affaires en moyenne en 2020 par rapport à 2019.Nous n'envisageons pas d'enregistrement de voyages d'ici à la fin de l'année. C'est une catastrophe.
- Michelle Kunegel, Présidente des Entreprises du Voyage du Grand Est
"Nous avons un peu travaillé en janvier, un peu moins encore en février, puis plus du tout depuis mars", explique Michelle Kunegel, Présidente des Entreprises du Voyage du Grand Est. "Nous n'envisageons pas d'enregistrement de voyages d'ici à la fin de l'année. C'est une catastrophe."
Et cette situation pourrait durer bien au-delà du confinement. Pour l'heure, les voyagistes n'enregistrent aucun projet de départ de la part de leurs clients. Même pour la fin d'année. Ils seraient d'ailleurs bien en peine d'en proposer car à l'heure actuelle, il est difficile de savoir quels seront leurs partenaires dans un avenir proche.
- Avec les mesures de distanciation sociale, les compagnies aériennes et les autocaristes ne pourront prendre au mieux que la moitié des passagers. Ce qui pose un problème de rentabilité voire de transports à perte.
- Il est difficile de savoir qui seront les partenaires de demain: quelles compagnies aériennes, ou d'autocars, mais aussi quels hôtels ou villages vacances vont survivre à cette crise?
- Malgré l'ouverture prochaine des frontières dans des pays comme l'Italie, la Grèce ou encore l'Espagne, les entreprises du voyage savent déjà que leurs clients ne vont pas se précipiter car ils redoutent en cas de nouvelle pandémie ou de 2e vague, d'être bloqués, soignés, ou mis en quarantaine à l'étranger. C'est d'autant plus vrai que la clientèle des agences de voyage est majoritairement une clientèle de seniors dont l'âge varie entre 50 et 85 ans. Une clientèle en théorie plus exposée au risque de développer des formes graves si elle contracte la Covid-19, et forcément plus réticente à l'idée de voyager hors des frontières.
L'agence du Tourisme du Grand Est publie régulièrement les informations sur les mesures qui sont prises pour le secteur dans sa page d'actualités
"Nous aurons probablement besoin de la poursuite de ces mesures au-delà de l'année 2020 et notamment la possibilité de recourir au chômage partiel jusqu'en mars 2021, voire au-delà", précise Michelle Kunegel. En effet, à 90%, les activités des agences de voyages sont dites ''émettrices''. Autrement dit elle concerne la clientèle du grand Est qui désire partir hors de la région ou vers l'étranger.
Si la filière pourra sans doute se relever, qu'en est-il de la poursuite de l'activité ?
Le cas de Metz et de la Moselle
Prenons à présent le cas de la Moselle et de la métropole de Metz. Cette dernière attire en temps normal de nombreuses catégories de touristes comme le laisse deviner le film promotionnel d'Inspire Metz l'agence d'attractivité de la métropole.Comme le montrent ces images, Metz développe plusieurs offres touristiques en lien avec son patrimoine, son histoire, ses animations, hiver comme été, son centre des congrès ou encore Pompidou-Metz, (plus de 300.000 visiteurs en 2019). Or, la majeure partie des sites sont toujours fermés au public et les manifestations phares comme Constellations de Metz (deux millions de visiteurs estimés en 2019 ) repoussées ou annulées.Alors 2020, année blanche pour le tourisme à Metz?
"Non", répondent de concert Philippe Courqueux, le directeur général de l'agence d'attractivité et Valentine Vernier la directrice de l'office de tourisme, qui fait partie d'Inspire Metz. Tous deux insistent sur les atouts naturels de la métropole (la ville de Metz et la quarantaine de communes aux alentours) qui devraient continuer à attirer des touristes cet été. Signe encourageant, après des semaines de travail en confinement l'office de tourisme a rouvert ses portes au public le lundi 18 mai avec un protocole sanitaire adapté. En quelques jours il y a eu triplement des visites,
"Il y a clairement une envie de d'échappée belle, de découverte du patrimoine", se réjouit Valentine Vernier.
L'envie de Metz
L'enjeu de l'information, la bonne information en temps réel devient donc primordial pour les agents de l'office de tourisme: qu'est-ce qui ouvert, à quels horaires, que peut-on visiter, comment, à partir de quand. Autant de questions qui nécessitent des réponses claires, précises, actualisées. Un exemple? Si le plan d'eau est toujours fermé au public, l'embarcadère du quai des régates, lui, a rouvert, les activités nautiques et de plaisance sont donc possibles à Metz.Nos voisins allemands nous appellent, les Nancéiens nous appellent. Tous veulent venir sur le territoire
-Valentine Vernier, directrice de l'office de tourisme de Metz
"On ne va pas revenir tout de suite au monde d'avant en termes de fréquentation touristique, c'est évident. Mais il y a une vraie dynamique, une vraie envie. Nos voisins allemands nous appellent, les Nancéiens nous appellent. Tous veulent venir sur le territoire", précise Valentine Vernier.
Nous allons travailler avec l'ensemble des autres acteurs du tourisme du Grand Est pour faire la promotion du territoire.
- Philippe Courqueux, directeur général d'Inspire Metz
Tirer le meilleur parti des contraintes liées à la pandémie, telle est le maître mot. Pérenniser de nouvelles habitudes de travail, ou continuer à développer des produits qui ont connu un succès certain pendant la période de confinement: les visites guidées virtuelles devraient ainsi devenir un vrai produit d'appel pour les personnes qui voudraient venir par la suite sur le territoire "Les atouts du territoire n'ont pas disparu avec la Covid, Metz reste une métropole attractive et nous allons le rappeler avec des campagnes de communication", explique le directeur général d'Inspire Metz "Nous allons travailler avec l'ensemble des autres acteurs du tourisme du Grand Est pour faire la promotion du territoire."
Proximité avec l'Allemagne, le Bénélux, la Suisse, patrimoine bâti et naturel riche, coopération entre sites et cross selling c'est-à-dire des ventes croisées de produits touristiques. D'après les premiers signaux déjà enregistrés les principales agglomérations du Grand Est ainsi que les territoires aux alentours devraient bénéficier d'un afflux de touristes cet été.
De son côté, en attendant la réouverture de ses sites les plus prestigieux, le département de la Moselle, via son agence Mosl Tourisme, communique également pour faire la promotion des sites de nature qui peuvent accueillir le public.
Le Domaine de Lindre vous accueille!
— Département Moselle (@MoselleCD57) May 21, 2020
✅ Le barrage de l'étang et la balade vers Tarquimpol sont accessibles
❌Le sentier de Rives en Rêves, la Maison des Oiseaux et le Pavillon des Expositions restent fermés
ℹ️Le grand étang est partiellement vide
⛔️ Zone vide de l'étang pic.twitter.com/i4VkTB3AVs
Laisser passer l'orage
En attendant Les professionnels du tourisme et tous ceux qui dépendent de l'activité touristique peuvent compter -pour survivre et passer cette période difficile- sur le plan massif de relance de l'activité. Le site du Plan de relance Tourisme agrège toutes les possibilités d'aides, de soutien et d'informations.
Reste une dernière question, importante pour l'avenir et le ''renouvellement des troupes'', celle de la formation aux métiers du tourisme. Une formation initiale ou encore en alternance, via les CFA.
Selon nos informations les candidats de Parcoursup pour le BTS Tourisme en alternance pourraient connaître des difficultés pour trouver des employeurs qui s'engagent à signer des contrats en alternance cette année, du fait de la situation compliquée évoquée ici.
La rentrée prévue début septembre pourrait d'ailleurs être repoussée de plusieurs semaines.
D'après Jean-Michel Lhermite, le coordonnateur pédagogique des formations du CFA Robert Schuman à Metz, ''si les entreprises ne peuvent pas s'engager auprès de ces jeunes, le risque concretn c'est que notre formation, si elle ne disparaît pas, soit mise entre parenthèse cette année''.
Un risque réel pour les étudiants qui se destinent aux métiers du tourisme et qui pourraient à leur tour devenir des victimes collatérales de la pandémie de la Covid-19.