Crise énergétique : accusé de vouloir fermer des lignes TER, ce qu'a vraiment dit Jean Rottner, président du Grand Est

De nombreux commentaires ont suivi les propos de Jean Rottner, président (LR) du Grand Est. Confronté à la hausse des factures de l'énergie, ce dernier a prévenu que les régions risquaient de devoir supprimer des lignes de trains express régionaux (TER).

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(mis à jour ce dimanche 23 octobre pour ajouter un quatrième temps médiatique : une tribune dans le journal Le Monde, parue après l'écriture de cet article)

Il avait prévenu dans les médias, les régions risquaient de devoir supprimer des TER devant l'envolée des factures de l'énergie. Le président (LR) du Grand Est, Jean Rottner a vu ses propos largement repris.

Aux yeux et oreilles d'une partie des commentateurs et commentatrices, ils se sont même transformés en une suppression de TER pour faire des économies. Ce n'est pourtant pas exactement ce qu'il a dit.

France 3 Champagne-Ardenne revient sur quatre temps du suivi médiatique des déclarations de Jean Rottner. Elles se sont échelonnées entre le mercredi 19 et le samedi 22 octobre 2022.

Les propos initiaux tenus auprès de journalistes

Le conseil régional tient sa séance plénière le jeudi 20 octobre. En amont de celle-ci, Jean Rottner prend la parole devant un parterre de journalistes afin d'exprimer son point de vue et ses priorités concernant la situation financière difficile des collectivités locales en ces temps de crise énergétique.

Une dépêche de l'AFP tirée de cet échange avec la presse sort donc. Elle débute ainsi en paraphrasant la déclaration de l'élu : "des régions françaises seront forcées de "fermer les lignes" ferroviaires si l'État leur répercute la flambée des prix de l'électricité, a averti le président du conseil régional du Grand Est, Jean Rottner (LR)".

Des régions françaises seront forcées de fermer les lignes ferroviaires si l'État leur répercute la flambée des prix de l'électricité.

Jean Rottner, président du conseil régional

AFP, mardi 19 octobre

La dépêche cite plus longuement et directement le président Rottner à la fin. À savoir : "beaucoup de présidents de région sont en train de dire que si à un moment donné il n'y a pas une forme de remise en cause du système (...), on va à notre perte, c'est-à-dire qu'on va fermer les lignes, clairement"

Publiée tôt le matin du mercredi 19 octobre, la dépêche fait des émules. Celle-ci est largement reprise par la presse quotidienne régionale (PQR), très concernée, mais aussi par des titres nationaux. On a parfois l'impression que Jean Rottner va fermer des lignes TER, quand bien même il n'a pas dit explicitement qu'il le ferait dans sa région :

  • Le Figaro : "Ferroviaire : la région Grand Est évoque des fermetures de lignes liées à la flambée des prix de l'électricité"
  • France Bleu : "Flambée des coûts de l'énergie : Jean Rottner alerte sur le risque de "fermetures de lignes ferroviaires""
  • Le Républicain lorrain : "Lignes SNCF : l’avertissement de Jean Rottner à l’État "
  • BFM Alsace : "Hausse des prix de l'énergie: des lignes ferroviaires pourraient être fermées"

 

Les explications à la télévision

Le lendemain, au soir du jeudi 20 octobre, France 3 Lorraine dédie une partie de son journal télévisé à ce sujet. Jean Rottner a précisé sa pensée en marge de la séance plénière du conseil régional, qui s'est tenue dans son hémicycle de Metz (Moselle).

"Je n'envisage pour l'instant de fermer aucune ligne", déclare le président. "J'ai aujourd'hui 100 millions d'euros de coûts d'énergie en plus. Pour nos lycées, pour nos bus, pour nos trains. Sur un budget comme celui de la région, de trois milliards d'euros, c'est quelque chose d'important." Arnaud Salvini, journaliste de France 3 Lorraine, conclut donc de cette précision qu'aucune ligne ne ferme (du moins pour l'instant), mais que le budget régional devient de plus en plus lourd, et qu'il va sans doute falloir finir par trancher.

Je n'envisage pour l'instant de fermer aucune ligne.

Jean Rottner, président du conseil régional

France 3 Lorraine, jeudi 20 octobre

Une précision arrivée après de vives critiques au sein de l'opposition. "On aurait pu anticiper", selon l'écologiste Éliane Romani, ajoutant que le développement des énergies renouvelables aurait "pu être une piste". Quant au centriste Christophe Choserot, membre de la majorité, il évoque "un problème de méthode", regrettant que "des bruits de couloir" ou "la presse" fassent vent de "la fermeture de lycées ou de lignes", au détriment "des instances" du conseil régional. 

Jean Rottner aurait en fait voulu mettre la pression sur l'État et la SNCF. Ceci alors que Clément Beaune, le ministre (LREM) délégué aux transports, a précédemment écarté toute aide gouvernementale pour les régions qui se retrouvent obligées de payer les surcoûts énergétiques de leurs trains (voir le Grand Est localisé sur la carte ci-dessous). 


Reste que si les trains régionaux sont sauvés pour le moment, il n'en est pas forcément de même pour les lycées. Le Grand Est disposant de la compétence régionale, la fermeture d'un lycée professionnel alsacien, localisé à Pulversheim (Haut-Rhin), a été invoquée sur la base d'une faible fréquentation et d'une déperdition énergétique (contestées). Une dizaine d'autres fermetures pourrait être annoncée.

Des précisions supplémentaires à la radio

Jean Rottner a achevé sa tournée médiatique en répondant aux "trois questions du petit matin" posées par les journalistes de RTL (1h41m01s sur leur lecteur). Il a ainsi pu clarifier sa position et la détailler plus longuement le vendredi 21 octobre, peu avant les coups de 06h20. "Je relayais un peu une discussion qu'on a eue entre présidents de région. Non, je n'ai pas de lignes TER dans le viseur. La situation n'en est pas encore là. Et j'ai bon espoir que la négociation et le dialogue permettent de trouver une solution." Pour lui, il s'agit donc d'une main tendue.

"Vous savez, face à tous ces surcoûts en électricité, en carburant, on ne demande pas forcément une assistance à l'État. Mais une prise en considération d'un service public de la mobilité qui soit efficace. Là où on prêche la sobriété, qu'on mette en rapport un service de transports en commun qui puisse répondre aux enjeux de sobriété et aux fins de mois parfois un peu difficiles de nos concitoyens. Il faut que ça se fasse très vite, [...] qu'on puisse discuter [...] et avoir un travail de fond pour le long terme [...] pour éviter de diminuer la qualité de service, c'est à dire par exemple moins de trains [ou d'horaires]. C'est des questions que les présidents de région se poseront : s'ils auront encore la surface financière pour pouvoir faire circuler les trains comme nous le faisons aujourd'hui."

Non, je n'ai pas de lignes TER dans le viseur. La situation n'en est pas encore là.

Jean Rottner, président du conseil régional

RTL, vendredi 21 octobre


"Il y a trois sujets. Le premier est un surcoût lié à la crise énergétique. La facture qui nous est présentée par la SNCF, on veut [la] comprendre. On ne sait pas exactement d'où sortent les chiffres, à savoir grosso modo 800 millions d'euros supplémentaires pour les régions entre 2022 et 2023 [sur le 1,7 milliard d'euros auquel doit faire face la SNCF; ndlr]." 

"Le deuxième point, c'est que SNCF-Réseau doit revenir à l'équilibre [budgétaire] en 2024. Pour ça, les régions sont là aussi invitées à la table des additions très salées. Chaque fois que nous utilisons un train sur le réseau SNCF, nous payons un droit de péage, comme lorsque vous prenez l'autoroute. C'est un coût supplémentaire pour chaque train. Et ce coût va augmenter de 2,4% [en 2023] et de 8% [en 2024]. D'ici 2026, on sera probablement à une augmentation de 25%..." 

"Le troisième point, c'est que compte tenu du retard qu'a aujourd'hui la France sur les infrastructures et le matériel roulant, les régions demandent un véritable New Deal. Nous souhaitons, avec le gouvernement et la SNCF, inventer le réseau de transport ferré de demain dans ce pays. Car nous sommes en retard."

Chaque fois que nous utilisons un train sur le réseau SNCF, nous payons un droit de péage.

Jean Rottner, président du conseil régional

RTL, vendredi 21 octobre

"Donc on a à la fois des problèmes budgétaires, des problèmes financiers du quotidien, et une nécessité de moderniser notre réseau. C'est la colonne vertébrale de la France." En clair, le conseil régional se sent bien seul quand il s'agit d'ouvrir - largement - les cordons de la bourse pour faire tenir une infrastructure aussi vitale. Il cite l'exemple du futur Réseau express métropolitain européen (Reme) de Strasbourg (Bas-Rhin), "qui va se mettre en place à partir de décembre : ce RER des grandes villes représente 600 trains supplémentaires par semaine. Vous imaginez 25% en plus sur 600 trains ? Ça fait une somme qui devient petit à petit complètement ingérable", s'étrangle Jean Rottner.

Chaque année, ce sont 445 millions d'euros qui sont versés par le conseil régional à la SNCF pour les TER. Qui pourraient s'alourdir "de 90-100 millions d'euros supplémentaires" dès "la signature d'un nouveau contrat fixe" l'année prochaine. Sa "négociation s'ouvre, mais on ne sait pas sur quelles bases nous négocions". La présidente de l'Occitanie, Carole Delga (PS), a sollicité une entrevue avec le patron de la SNCF au nom des exécutifs régionaux. En attendant, la SNCF n'a aucun "élément nouveau" à apporter sur ce sujet à France 3 Champagne-Ardenne, pas plus que le Grand Est, qui renvoie aux récentes interviews de son président.

Une tribune finale dans le journal

Le troisième point soulevé à la radio par le président Rottner rappelle sa tribune publiée par Le Monde en juillet 2022. L'élu s'était déjà alarmé du risque de disparition des lignes de TER. Cette fois-ci à cause du manque d'investissement national face au vieillissement du réseau ferré français.

Nous alertons, car notre réseau ferré est déjà en passe de connaître la même imprévision qui le condamnera, à court terme, à fermer de nombreuses lignes, les unes après les autres.

Jean Rottner, président du conseil régional (au sein d'un collectif réunissant les exécutifs régionaux)

Le Monde, samedi 22 octobre

Ce point est justement à nouveau soulevé dans une nouvelle tribune, encore dans Le Monde, en date du samedi 22 octobre. Cette fois-ci, il s'agit d'une interpellation collective, titrée "L’appel des présidents de 15 régions françaises : « Pour un 'new deal' ferroviaire, à la mesure des crises, des défis de nos générations et du changement climatique »". L'État est à nouveau sollicité pour se mettre à la table des négociations. Faute de quoi, l'avertissement du risque de fermeture de lignes est répété (en France plus qu'uniquement dans la collectivité de l'est). L'enjeu dépasse donc de loin la seule crise énergétique.

Ce thème semble donc prioritaire pour le président de la grande région (et à ses collègues). La multiplication de ces interventions médiatiques démontre un objectif de remettre cet enjeu au centre du débat, en ces temps de disette énergétique. Et il paraît urgent de s'en saisir.

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