Faut-il changer de lessive ? Quatre lorrains expliquent leur impact sur l’environnement et la santé, et comment choisir

Régulièrement épinglées par le magazine "Que choisir", nos lessives sont loin d’être "blanches comme neige". La majorité de leurs composants proviennent de la pétrochimie, et certains sont de puissants allergènes. Décryptage avec deux experts, et deux recettes de lessive made in Lorraine. 

Savez-vous ce que contient réellement votre lessive ? Ce qui est sûr, c’est qu’elle comprend sans doute beaucoup plus de composants que le simple savon de Marseille vanté sur certaines étiquettes des bidons. Car le vrai savon de Marseille, fait d’huile d’olive et de potasse, coûterait beaucoup trop cher aux industriels. En réalité, nos lessives peuvent contenir jusqu’à trente molécules différentes, dont certaines ne sont pas inoffensives, comme nous l’expliquent un expert de l’agence de l’Eau Rhin Meuse, et un toxicologue de Metz rencontrés ce jeudi 4 février 2020.

Les substances à éviter

Pour bien comprendre de quoi se compose votre lessive, il faut déjà connaître les différentes catégories de produits qu’elle contient. Il y a la base lavante, les tensioaoctifs, qui composent la majeure partie du produit. Puis on y rajoute des agents de blanchiment,et des azurants optiques qui captent les UV pour donner à votre linge une impression de blanc immaculé. Il y a bien sûr les détachants, les conservateurs pour éviter le développement des bactéries, surtout dans les lessives liquides, les anti-calcaires, pour adoucisseur l’eau et laver mieux, et enfin les parfums.

"Pour savoir si votre lessive a un impact sur l’environnement ou sur votre santé,  on peut déjà se référer aux pictogrammes présents sur les bidons", nous conseille Philippe Ricour expert de l’Agence de l’eau Rhin Meuse. "Le losange contenant un arbre et un poisson indique que le produit peut être toxique pour l’environnement, celui avec un point d’exclamation pointe un danger potentiel, enfin celui avec le tube à essai nous prévient qu’il peut causer des problèmes de peau".

 

 

Pour Philippe Ricour, deux éléments sont potentiellement écotoxiques. Certains tensioactifs et  l’EDTA, un anti-calcaire. Ce dernier est un acide qui solubilise les métaux lourds et qui du coup empêchent leur filtration en station d’épuration. Ils sont donc relargués dans les rivières. De plus, la substance est difficilement biodégradable et peut se fixer dans un organisme.  

Parmi les tensioactifs, tous ne sont pas problématiques. Plusieurs sites internet nous permettent d’en savoir plus comme l’ECHA, l’INRS ou l’Inéris. Selon l’INRS, ceux qui posent le plus de souci ce sont les tensioactifs anioniques (irritants) et les cationiques (qui sont cytotoxiques), notamment les  dérivés d’ammonium quaternaires, comme l’Ammonium Lauryl Sulfate*, Ammonium Laureth Sulfate*, ou Ammonium Sulfate*, particulièrement nocifs pour le système aquatique.

Evidemment, la plupart de ces produits sont autorisés car ils ne sont pas toxiques à petite dose, ce qui est le cas dans vos lessives. Mais en réalité, ce qui pose problème, c’est l’accumulation, et l’effet cocktail produit par le mélange des différents produits. Si on considère qu’un foyer fait en moyenne cinq lessives par semaine, cela fait l’équivalent de 7,5 milliards de lessives par an, rien qu’en France ! Imaginez les millions de litres de lessives rejetées dans nos rivières et qui finissent tôt ou tard dans la mer. Sur son site, Ifremer, qui surveille la pollution de notre littoral, affirme avoir retrouvé des conservateurs et des parfums jusque dans certains mollusques !

Prudence avec les adoucissants

Les adoucissants son particulièrement problématiques car ils fixent les parfums dans les tissus. Or la plupart de ces parfums n’ont plus rien à voir avec ceux des cerisiers du Japon ou de la lavande de Provence fleur, la plupart sont conçus dans des laboratoires et sont totalement synthétiques et surtout…très allergisants ! Christophe Mercier, toxicologue, en sait quelque chose. Depuis 15 ans qu’il intervient en milieu hospitalier et en Ephad, il en a vu de toutes les couleurs : "des dermatites sur les mains, sur les bras, des lèvres gonflées, et même des yeux purulents"…

Les parfums des lessives sont à éviter, ils sont allergisants

Christophe Mercier, toxicologue et hygiéniste à Metz

Parfois, ce sont aussi les conservateurs qui créent ces allergies. Les MIT sont particulièrement problématiques, plus connus sous le nom de méthylisothiazolinone. Plus généralement, la famille des isothiazolinones  sont à l’origine de graves irritations de la peau et des yeux, bien connus par tous les dermatologues pour être de puissants allergènes. Ils sont présents surtout dans les lessives liquides mais pas dans les poudres.

 

 

Quelle lessive idéale ?

Alors que peut-on faire pour réduire notre impact sur l’environnement et sur notre santé ? On peut déjà choisir une lessive avec un éco-label, sans MIT, et sans parfum, comme le conseille Christophe Mercier. Elles ont en général beaucoup moins de molécules que les lessives classiques et sont beaucoup plus biodégradables. On peut aussi fabriquer sa lessive à partir d’un pain de savon de Marseille ou de cendres de cheminées, si vous en avez. C’est écologique et très économique !

Anne-Sophie Coppé a adopté la lessive au savon de Marseille depuis longtemps.  En moins de cinq minutes, cette infirmière nous montre comment elle fabrique un litre, avec seulement trois cuillères à soupe de savon rapé, un peu d’eau chaude et 2 cuillères de bicarbonate de sodium et de cristaux de soude. Contrairement aux idées reçues, cela n’est pas compliqué et à douze euros l’année, cela fait faire de grosses économies.

Je fabrique ma lessive en moins de cinq minutes et cela me coûte 12 euros par an.

Anne-Sophie Coppé, infirmière

Aurélie Marzoc, designer, préfère les cendres au savon de Marseille. Elle les récupère dans la cheminée de ses grands-parents, les tamise, et verse un litre d’eau pour un verre de cendres. Après 24 h de pause, il suffit de filtrer le liquide transparent dans un chiffon, et on l’utilise dans sa machine comme sa lessive classique en versant un gros bouchon. C’est rapide et gratuit, et surtout  biodégradable.

 

 

L’intérêt de fabriquer sa lessive, c’est que l’on sait ce qu’il y a dedans. Si on veut vraiment préserver la planète, il faut aussi utiliser des vêtements en fibres naturelles (coton, laine, soie..)  pour limiter le relargage de particules plastiques des tissus synthétiques. Une pollution encore plus grande que celle des lessives.

 

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