Maire de Metz, président de Metz Métropole, patron des maires de Moselle, François Grosdidier a gagné toutes les élections en 2020 et il entend bien procéder à des rééquilibrages entre Metz et Nancy, quitte à rallumer les rivalités entre les deux métropoles lorraines.
France 3 Lorraine a rencontré le maire de Metz dans ses bureaux de président de Metz Métropole. Tout un symbole pour celui qui veut faire peser Metz dans le concert des métropoles, en se rappelant au bon souvenir du voisin nancéien.
Rentrée sous covid, politique de la ville et enjeux de la métropole, compétition avec le voisin nancéien, semaine de 4 jours... François Grosdidier a répondu à toutes nos questions dans un style déterminé voire offensif. Alors Francois Grosdidier, hyper maire de Metz ? A vous de juger.
Rédaction : Vous étiez contre le principe du port obligatoire du masque en centre-ville au mois d’août, aujourd’hui vous vous êtes rangé à l’avis du préfet sur ce sujet ?
François Grosdidier : Je pense qu’on ne va pas revenir à la situation que nous avons connue précédemment, toute notre action vise justement à l’éviter. Il faut suivre de très près l’évolution sanitaire et je rappelle que nous testons beaucoup désormais ce qui nous permet de prendre les mesures appropriées à un moment donné.
C’est vrai qu’au sortir de l’été le port obligatoire du masque dans la rue ne se justifiait pas, mais j’avais tout de même réimposé le port du masque sur les marchés de plein air et rappelé à l’ordre les terrasses, constatant qu’il y avait un relâchement dans le respect des mesures de prudence. La métropole étant repassée au-dessus du seuil de 50 en taux d’incidence (NDLR : 50 cas positifs pour 100 000 habitants) le port du masque en centre-ville s’impose à l’évidence.
Si nous respectons ces règles de prudence il n’y a aucune raison que de grandes manifestations comme la FIM ou le marché de Noël ne puissent pas avoir lieu.
Rédaction : Le marché de Noël de Metz aura bien, lieu malgré la Covid ?
François Grosdidier : Je souhaite qu’il puisse se tenir et avec beaucoup d’éclat. Nous prévoyons d’étendre sa surface par exemple avec des tentes supplémentaires sur la place de la République ou encore l’Esplanade. De la même façon, le magnifique sentier des lanternes organisé par le département dans le jardin Fabert, trop étroit dans ces circonstances, pourrait avoir lieu sur l’Esplanade.
Pour résumer nous nous adaptons au contexte sanitaire en essayant de renoncer au minimum de choses.
Metz, en déficit d'attractivité?
Rédaction : Dans quelle situation avez-vous trouvé la ville quand vous êtes arrivé à la mairie ?
François Grosdidier : D’abord je veux dire que Metz est et reste une ville magnifique, éternelle. Cela dit j’ai hérité d’une ville en point critique sur plusieurs questions.
D’abord j’ai pu constater que le fossé s’était creusé entre la ville et ses administrés. Ce n’est pas un hasard d’ailleurs que, lors des élections municipales, mes meilleurs scores aient été enregistrés dans les quartiers les plus populaires et les plus périphériques, parfois même à l’inverses des résultats que ma famille politique enregistre dans ces quartiers lors d’autres types d’élections.
A l’évidence cette dégradation, cette distanciation faisait que sur des questions du quotidien comme la propreté, la sécurité ou même les rythmes scolaires la population ne se sentait pas entendue.
Un écart s’est creusé et j’y réponds par de la proximité, en rouvrant des mairies de quartiers pour gérer les choses au plus près du terrain.
J’ai hérité d'une situation avec des marges financières quasi nulles.
Le deuxième point c’est la situation financière dont j’ai hérité, avec des marges financières quasi nulles.
Lors de leur premier mandat mes prédécesseurs (NDLR : Dominique Gros) ont dépensé les "réserves" laissées par Jean-Marie Rauch. Par la suite Metz a connu un surendettement, ce qui nous laisse un cadre financier très contraint, ce qui est vrai aussi, dans une moindre mesure, pour la métropole.
Rédaction : Cette situation remet-elle en cause certains projets métropolitains, comme la troisième ligne de Mettis ?
François Grosdidier : Je me félicite en tout cas, contrairement à mes adversaires, de ne pas avoir fait pendant la campagne de promesses de réalisations pharaoniques. J’ai été extrêmement prudent et j’en suis heureux car en me basant sur les déclarations très optimistes de mes prédécesseurs sur la situation financières j’aurais pu être beaucoup plus ambitieux dans les gros investissements. Par conséquent les gros investissements seront limités.
Limités et mesurés. Concernant une troisième ligne de Mettis, il est bien évident qu’elle est indispensable pour permettre aux grandes villes du sud messin, Montigny-lès-Metz ou Marly, d’être desservies, faute de quoi nous risquons la thrombose.
Mais il faut le faire de manière moins radicale, moins intégriste que pour les deux premières lignes, où il avait fallu dévoyer tous les réseaux, mettre une couche de béton de 80 cm pour assurer le site propre...
Il faudra être davantage dans le compromis et, pour chaque solution mise en œuvre, bien mesurer le bilan coût/avantage afin d’être plus économe. Cela passe aussi par la nécessité d’être plus imaginatifs dans nos solutions. Par exemple, encore davantage là où c’est possible les navettes fluviales sur la Moselle.
Je ne rêve pas non plus de nouveaux équipements majeurs.
Je ne rêve pas non plus de nouveaux équipements majeurs : on ne va pas refaire un musée mais plutôt enrichir le musée de la Cour d’Or en ajoutant un nouveau pavillon dédié à la biodiversité et à la disparition des espèces en exhumant les réserves dont nous disposons déjà avec le muséum d’histoire naturelle (NDLR : Le musée de Metz possède des collections d’histoire naturelle fort anciennes et méconnues, fermées au public depuis 1973)... En couplant cela avec les nouvelles technologies du numérique pour présenter les enjeux de la 6ème extinction des espèces c’est beaucoup plus pertinent et ça coûte beaucoup moins d’argent que créer un nouveau musée et cela accroitra l’attractivité de Metz.
Il ne s’agit pas d’avoir moins d’ambition pour le territoire, j’en ai même plutôt plus....Mais il faut faire cela en faisant des choix rationnels et donc plus économes.
Rédaction : Quelle sera votre politique environnementale ?
François Grosdidier : Toutes les villes doivent s’engager dans la transition énergétique, au niveau de l’urbanisme ou de l’énergie... Et cela ne coûte pas nécessairement plus d’argent.
A Metz, en termes de réglementation, je souhaite que toutes les toitures terrasses soit végétalisées ou équipées de panneaux photovoltaïques. Je souhaite que la part d’énergies renouvelables soit beaucoup plus élevée dans la production de notre Usine d’Electricité (UEM).
Nous devons également verdir la ville et cela passe par une réglementation plus contraignante pour les promoteurs. Alors que nous avions, par le passé, une ville verte, la dernière décennie a vu une bétonisation très importante de la ville. Or nous avons besoin d’une ville plus verte, pour purifier l’air et lutter contre les effets du réchauffement climatique. Nous allons donc nous engager dans cette transition.
Rédaction : qu’allez-vous faire pour lutter contre le phénomène des logements vacants, ainsi que les cellules commerciales vides au centre ville ?
La vacance des logements à Metz est un vrai problème, dans le parc privé comme dans le parc public
François Grosdidier : Notre propre bailleur, l’office public d’habitat de Metz métropole est un champ de ruines. Je proposerai d’ailleurs dans notre prochain budget supplémentaire de lui redonner des moyens pour reconstituer son parc tout en nous attachant à la rénovation thermique des logements. Il faut remettre dans le circuit toute une partie du parc locatif qui était vacant pour cause de vétusté.
Il faut que le parc privé s’inscrive dans le même mouvement. Nous renforcerons les moyens de l’ALEC (L’Agence Locale de l’Energie et du Climat du Pays Messin) afin de sensibiliser les loueurs privés aux besoins de rénovation, les conseiller techniquement et les accompagner.
Nous utiliserons la carotte et le bâton, en taxant davantage la vacance sur les logements et en créant si nécessaire une taxe sur les friches commerciales, qu’il s’agisse des grandes friches sur les zones d’activité commerciale ou des cellules vides en centre-ville. Il ne doit pas y avoir d’intérêt fiscal à ne pas louer plutôt que de louer moins cher.
Mais il est important de dire que le problème de l’attractivité du centre-ville est un phénomène qui plus complexe et dépasse celui du seul montant des loyers.
Le commerce messin a souffert comme celui de beaucoup d’autres villes du développement du commerce périphérique et de celui du e-commerce. A Metz, néanmoins, alors que le territoire avait déjà un taux de grandes surfaces bien supérieur à la moyenne nationale, on a rajouté Wawes et Muse qui étaient des erreurs en termes de dynamisme commercial. Mais c’est fait et Metz a une offre excédentaire par rapport la demande.
Nous ne souhaitons pas que l’offre se rétracte au prix de drames économiques et sociaux, c’est une évidence.
Il nous faut donc augmenter la demande en renforçant notre attractivité, notamment en faisant revenir des habitants qui ont du pouvoir d’achat en ville (cf : la question de la vacance des logements prend tout son sens). Mais il faut aussi attirer des gens de plus loin, sans pour faire croire que nous allons partir de l’appareil commercial et s’imaginer que nous pourrons reconstruire celui d’il y a quarante ans.
Je suis convaincu que notre atout majeur réside dans la beauté et la richesse patrimoniale de la ville. Il suffit d’apporter des éléments fondamentaux comme la propreté, la sécurité ainsi qu’une signalétique et une mise en valeur efficace de ce patrimoine, en soignant chaque détail pour faire une sorte de "Theme Park" qui donne envie aux messins de redécouvrir leur ville et à tous ceux qui sont plus loin de venir la visiter...
La gratuité du musée de la Cour d’Or enrichi de nouveaux pavillons participe à cette mise en valeur de tous nos atouts architecturaux ou patrimoniaux
Je veux que nous ayons au printemps et en été autant de bateaux sur la Moselle que de Gondoles à Venise. Je veux qu’on vienne à Metz par intérêt et par plaisir, culturel, ludique...Tout cela va créer des flux et la consommation suivra. C’est en ré-enchantant le centre-ville qu’on le réanimera.
Rédaction : Vous évoquez Metz et la Métropole. Vous êtes à la tête des deux exécutifs, et vous êtes redevenu également le 10 septembre dernier Président de l’assemblée des maires de Moselle... Etes-vous un hyper-maire ? Ce cumul de responsabilités est-il bon pour le territoire ?
François Grosdidier : Oui, je le crois. Parce que si la légitimité revient souvent à la grande ville, les leviers d’actions sur de nombreux sujets du quotidien, transports, propreté sont à la métropole. C’est ainsi et je le regrette d’ailleurs car je crois que sur ces sujets au principe de subsidiarité qui pourrait laisser des marges de décisions aux communes.
Sur les grandes décisions stratégiques, il y a une responsabilité du maire et du président de la métropole qui est commune. Les grandes villes et les métropoles ne sont pas simplement responsables d’actions pour le quotidien de leurs administrés. Elles doivent être les locomotives de leurs territoires tout comme des territoires autour d’elles.
Que Metz se réimpose dans le concert des métropoles, que Metz développe davantage son Enseignement Supérieur et sa Recherche....
Le maire de Metz ne peut pas simplement s’occuper de propreté urbaine sans réfléchir à cette stratégie de territoire et sans avoir les leviers pour passer à l’action..
Nancy-Metz: la guerre est déclarée?
Rédaction : Votre ton est très offensif sur des sujets comme celui de l’Université Lorraine (il y en a d’autres). Va-ton assister au retour d’une ‘’guerre’’ entre Metz et Nancy ?
François Grosdidier : J’espère que non. Mais force est de constater que depuis une décennie Metz s’est effacée.
Le prix de la paix, ce n’est pas qu’un des partenaires s’efface.
Sur l’Université de Lorraine, j’estime qu’il a un droit pour tous les bacheliers de Lorraine nord à accéder à un premier cycle universitaire sur leur territoire. Or pour des raisons historiques Metz était en retard. Après une période de lent rattrapage, on se rend compte que depuis 10 ans, depuis la fusion des universités de Metz et Nancy, toutes les décisions sont prises à une majorité de ¾ de nancéiens, ce qui pénalise nos projets de développements sont bloqués.
Je veux que Metz retrouve la maîtrise de son destin sur tous les grands sujets régionaux et notamment sur la question de l'Enseignement Supérieur
Je veux que nous retrouvions la maîtrise de notre destin en décidant à la métropole de notre futur, sur le plan universitaire ou bien sur celui des ports.
J’ai découvert à mon élection qu’une procédure était en cours pour placer le port de Metz sous la direction de la Chambre de Commerces et d’industrie de la Meurthe et Moselle, qui a vocation à développer Frouard plus que Metz.
Nous devons certes engager des coopérations mais chacun doit être maître chez lui.
Idem pour l’offre hospitalière régionale... j’entends par exemple le maire de Nancy (cf . Matthieu Klein) dire qu’il faut un seul et même hôpital de Metz à Thionville... Or l’excédent (financier) est à Metz, les bassins de population sont en Moselle et le centre de décision resterait à Nancy. Ce n’est pas acceptable. Je demande aux nancéiens qu’ils acceptent que chacun reste maitre chez lui, qu’il y ait bien sûr des projets de coopération s’ils sont gagnant-gagnant, entre nous mais je ne veux pas que Metz soit entravée dans ses projets de développement.
Sur la question de l’enseignement supérieur J’ai rencontré dès mon élection le maire de Nancy et le président de l’Université Lorraine mais je ne m’interdis pas de m’ouvrir à d’autres partenariats : nous avons par exemple perdu l’école de commerce de Nancy qui était implantée à Metz, je vais dès lors discuter avec Strasbourg, Reims, Paris ou des partenaires de l’autre côté de la frontière pour créer une école de commerce à Metz. Ce qui ne m’empêchera pas de discuter avec Nancy sur tous les sujets où ils sont partants.
Rédaction : Va-t- on vers la scission de l’Université de Lorraine ?
François Grosdidier : Les structures sont secondaires. Pour moi elles doivent servie un projet. Or je constate que les universitaires messins expriment leur frustration et leur colère depuis la fusion des Universités de Metz et Nancy. Je veux des éléments factuels, objectifs de ces dix ans de l’université Lorraine, site par site.
Si ce bilan révèle que des choses ne vont pas nous demanderons a minima des changements dans les règles de fonctionnement, par exemple une présidence tournante et des règles de gouvernance qui feront que la majorité nancéienne ne bloque pas tout projet venant de Metz. Il peut y avoir des clés de répartition de crédits et de moyens, tout cela n’a pas été fait il y a dix ans et ce fut un tort. Qu’on s’accorde sur le fait que Metz, métropole la plus sous-développée de France sur le plan de l’offre universitaire a besoin d’un rattrapage !
Il faut nous accorder sur le bilan, sur les principes et enfin sur les projets. Je souhaite définir avec tous les partenaires de l’Université Lorraine, et le monde économique ce que doit être notre besoin en enseignement supérieur et en recherche à moyen et long terme en fonction du marché du travail et à partir des besoins de notre territoire, incluant nos voisins luxembourgeois et allemands.
Si l’Université Lorraine nous entend tant mieux dans le cas contraire nous reprendrons notre autonomie en proposant une séparation qui ne sera pas totale, chaque université restera dans une communauté d’universités et d’établissements. Nous développerons l’offre universitaire sur le territoire, avec ou sans l’université Lorraine
Rédaction : L'université et bien avant ... l'école. La semaine de 4 jours se fera bien en milieu d’année scolaire ?
François Grosdidier : L’Education Nationale ne s’y oppose pas. Je pense qu’il est préférable de le faire le plus vite possible pour les enfants. L’offre périscolaire se met en place pour que ce soit possible dès la rentrée de janvier. Nous l’aurions fait plus tôt si nous avions été élus au mois de mars.
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