Après trente-sept ans à la tête de la commune minière, le maire prend sa retraite. Petit-fils de mineur, il a consacré sa vie à ce territoire de la vallée de l'Orne, alors confronté à la crise de l'industrie sidérurgique. Socialiste convaincu, il a été témoin et acteur de l'ère Mitterrand.
René Drouin ne fait pas partie de ces maires déçus de la fonction. S
'il a décidé de ne pas se représenter, c'est tout simplement parce que, à 76 ans, il estime avoir fait le job et souhaite laisser "une respiration à la ville", permettre à d'autres de reprendre le flambeau. De ses 37 ans passés à la mairie de Moyeuvre-Grande, il conserve le sentiment d'avoir fait son possible pour améliorer la vie de ses concitoyens.
Mais très vite René Drouin sort du lot. Car il y a le feu dans sa circonscription : la sidérurgie lorraine est en pleine crise et le député défend pied à pied les mineurs et métallos, y compris face à ses amis politiques au pouvoir. "Drouin a un haut-fourneau dans la tête!" dira un ministre socialiste mi-amusé, mi-agacé...
Séismes
En 1983, il prend la mairie de Moyeuvre-Grande, sa ville natale, et y sera réélu jusqu'au dernier scrutin municipal, en 2014. La ville n'a déjà plus de hauts-fourneaux, mis on y extrait encore la minette : ce sera la dernière mine de fer à fermer ses portes, en 1993. Le maire aura à gérer la fin d'un séisme économique dont on a oublié la violence : de 15 000 habitants dans les années 60, la ville aura perdu la moitié de sa population cinquante ans plus tard.Il y aura ensuite "l'après-mines" et le délicat dossier des affaissements miniers qui sapent des quartiers entiers de Moyeuvre. Certains "réfugiés" des logements sinistrés iront dormir à l'Hôtel de Ville. Là encore, le maire devra se battre pour faire jouer les procédures d'indemnisation.
Les derniers combats de René Drouin seront pour défendre, avec ses collègues maires, les services publics dans les communes. Ecoles, bureaux de postes, trésoreries sont pérodiquement menacés dans ces cités ouvrières déjà fragilisées par la crise.
Dans moins de trois mois, il laissera les clés du bureau à son successeur. Franck Roviero, son premier adjoint, est déjà sur les rangs. Roger Tirlicien (Parti communiste), vieux compère - ou concurrent, selon les époques - pourrait se lancer aussi. D'autres candidats se sont annoncés. René Drouin n'est pas sûr de prendre position, mais suivra l'élection de près.
Il n'a qu'un conseil à donner aux prétendants. "Aimer les gens. On ne peut pas exercer cette fonction si on n'aime pas les gens."