Nucléaire : une année 2022 atypique pour l'Autorité de Sûreté Nucléaire

Dans son bilan 2022, l'Autorité de Sûreté Nucléaire pointe une année atypique pour les centrales nucléaires. Elle note aussi des faiblesses dans la radioprotection des personnels en milieux hospitaliers et industriels

L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) présente mercredi 21 juin 2023 son rapport sur l'état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en région Grand Est pour l'année 2022. Hervé Vanlaer, délégué territorial en région Grand-Est de l’ASN, Mathieu Riquart, chef de la division de Châlons-en-Champagne de l’ASN et Camille Périer, cheffe de la division de Strasbourg de l’ASN ont présenté le bilan des actions de contrôle menées dans les dix départements de la région Grand Est.

164 inspections ont été effectuées au cours de l’année 2022, réparties comme suit :
• 75 dans les centrales nucléaires en exploitation.
• 19 dans les installations de stockage de déchets radioactifs et sur les sites des centrales nucléaires de Fessenheim et de Chooz A en démantèlement.
• 67 dans le domaine médical, industriel et de la recherche.

Les performances de Cattenom en matière de sûreté dans la moyenne du parc d'EDF

Pour l'année 2022, les performances en matière de sûreté et de radioprotection de la centrale de Cattenom (Moselle) sont dans la moyenne du parc d'EDF. En matière de maintenance, l'année 2022 a été atypique. La centrale a connu des arrêts de réacteurs très prolongés pour trois des quatre réacteurs à cause des investigations relatives à la problématique de corrosion sous contrainte (CSC). Des fissures ont été détectées sur la tuyauterie de sécurité reliée directement au circuit primaire. Il s'agit du circuit où l'eau circule sous pression à une température portée à 320 °C autour du réacteur.

C'est un phénomène connu et qu'on attendait sur ce genre de circuit mais pas forcément aux endroits où on l'a détecté.

Camille Périer, cheffe de la division de Strasbourg de l’ASN

Cela a occasionné l'arrêt en mars 2022 de la tranche 3. Camille Périer, cheffe de la division de Strasbourg de l’ASN explique : "il y a eu des fissures sous contraintes qui ont été expertisées ainsi que des fissures de fatigue thermique. C'est un autre phénomène connu également et qu'on attendait sur ce genre de circuit mais pas forcément aux endroits où on l'a détecté. A titre d'information, sur ce réacteur-là, la profondeur la plus importante mesurée c'est un défaut de 2,78 millimètres.

L'ASN a demandé des contrôles par ultrasons et le cas échéant, le remplacement des portions de tuyauteries incriminées sur les quatre réacteurs. Sur l'échelle internationale (INES) des incidents nucléaires, l'ASN a classé les défauts repérés dans la centrale mosellane au niveau 1, le plus bas sur une échelle de gravité graduée de 1 à 7.

La centrale est jugée en retrait par rapport à la moyenne du parc concernant la protection de l'environnement : "certaines installations doivent être mieux maîtrisées par l'exploitant ainsi que certaines activités relatives à la surveillance en matière de protection de l'environnement." Il ne s'agit pas de risques de rejets radioactifs mais chimiques dus à l'utilisation de produits dans les installations annexes. Notamment de l'ammoniac utilisé dans le traitement des tours aéro-réfrigérantes. 

Pour le gendarme du nucléaire, le réchauffement climatique reste aussi un sujet de vigilance, en particulier, les situations de sécheresse, car une centrale nucléaire a besoin d'eau pour le refroidissement des réacteurs : " un débit insuffisant de la Moselle pourrait conduire aussi à limiter les prélèvements en eau ou les rejets de la centrale."

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Le 17 janvier 2023, l'ANDRA qui porte le projet Cigéo, site d'enfouissement des déchets hautement radioactifs à Bure (Meuse) a déposé officiellement la demande d'autorisation de création (DAC). L'ASN a initié le processus d'instruction de cette demande.

Elle a notamment préparé la saisine de L'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (l'IRSN) qui devra expertiser les aspects techniques et scientifiques du dossier : "l'instruction va désormais se poursuivre. Elle va s'étaler sur une période de trois ans et donnera lieu à une information régulière du public au cours de son avancement."

Le risque d'incendie des déchets bitumés

Parmi les déchets susceptibles d'être enfouis dans le site de stockage souterrain de Bure, les déchets bitumés présentent un risque d'incendie. L'ASN a demandé en 2018 à l'ANDRA de fournir des études complémentaires afin d'évaluer la possibilité de neutraliser la réactivité chimique des colis de déchets bitumés pour éviter leur inflammation. L'ASN explique que l'ANDRA a apporté des compléments dans la demande d'autorisation de création. Interrogée sur ce point précis qui inquiète les opposants au projet Cigéo, l'ASN ne peut assurer aujourd'hui que ces études complémentaires sont suffisantes : "c'est ce qui ressortira de l'analyse de l'ASN mais également de l'expertise technique et scientifique de l'IRSN qui permettra de répondre précisément à cette question."

Appel à la vigilance dans les hôpitaux

L'ASN attire aussi l'attention sur les risques liés à l'utilisation de sources radioactives à usage médical et industriel. Concernant l'usage médical, elle considère qu'il y a un maintien "d'un bon niveau de radioprotection." Elle souligne cependant que dans une situation de tension sur les effectifs, les hôpitaux cherchent des adaptations en recourant à des mutualisations et à des personnels externes. Elle pointe la faiblesse de la formation à la radioprotection des opérateurs mais aussi le risque d'exposition des patients.

En ce qui concerne la radiographie industrielle, l'ASN considère que les entreprises font preuve de rigueur dans l'organisation de la radioprotection, la formation des personnels et leur suivi dosimétrique. Elle demande cependant des améliorations concernant les "casemates." (ce sont les locaux qui abritent les appareils de radiographie produisant des rayons ionisants) ainsi qu'une meilleure signalisation des zones d'opération.

Elle pointe aussi quelques exemples "navrants" de manipulations de sources radioactives alors même que le contrôle de ces sources était mis en cause. Consciente de ces faiblesses, l'ASN a organisé en 2022 à l'échelle de la région Grand Est, un webinaire en ciblant les donneurs d'ordre afin d'améliorer la perception des enjeux de la radioprotection. Cette initiative a mis en évidence une vraie demande d'information car ce webinaire a réuni 160 participants.

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