Jusqu'alors elle était considérée comme marginale. La prostitution de mineurs touche désormais l'ensemble de l'hexagone et gagne le département de la Moselle. Ce mardi 19 décembre 2023, la Cour d'appel de Metz et le Conseil départemental de la Moselle ont signé une convention pour lutter contre le phénomène.
Environ 10 000, c'est le nombre de mineur(e)s qui seraient victimes de prostitution en France, selon le dernier rapport du ministère des Solidarités et de la Santé en 2021. Ce chiffre consternant pour les autorités, vient appuyer une réalité qui s'installe en Lorraine dans le département de la Moselle.
Pour cette raison, la Cour d'appel de Metz et le Conseil départemental de la Moselle se sont réunis ce mardi 19 décembre pour signer une convention pour lutter contre le phénomène.
La prostitution vue comme une activité entrepreneuriale
Trois types de prostitution ont été observés. D'abord la délinquance organisée à travers des réseaux étrangers, notamment nigérians, qui amènent les mineur(e)s en Europe pour se livrer à la prostitution. Ensuite la prostitution de quartier où des malfaiteurs exposent leurs ami(e)s à ce service rémunéré, et enfin la prostitution sans intervention d'une tierce personne, concernant des mineurs français.
En Moselle, c'est cette dernière forme qui se développe. Les victimes, pour 88% d'entre elles, sont des femmes, et n'ont quasiment pas conscience des conséquences de leurs actes. L'appât du gain est beaucoup plus important et le ton qu'elles emploient banalise leurs actes.
Elles ne se considèrent pas comme des victimes, mais plutôt comme des escort girls... Des auto-entrepreneuses même !
Géraldine Grillon, conseillère à la Cour d'appel de Metz
Il s'agit là de jeunes filles âgées de 13 à 17 ans, issues de milieux sociaux différents, mais qui ont toutes été confrontées à une forme de violence intra-familiale. C'est ce public particulièrement fragile que les autorités souhaitent protéger et mettre hors de danger, comme l'évoque François Perain, procureur général de la Cour d'appel de Metz.
C'est destructeur sur le plan psychologique, mais ce n'est que dans 10 ou 15 ans qu'elles s'en rendront compte...Et elles en subiront les conséquences dans leur vie de femme
François Perain, procureur général près de la Cour d'appel de Metz
En janvier 2023, 323 mineurs ont dû être accueillis par les services sociaux du département et en cette fin d'année, ce chiffre a déjà bondi de 30%, nous confie Patrick Weiten, président du Conseil départemental de la Moselle : "Nous avons dépassé le seuil des 2000 enfants placés à l'échelle du département et nous avons une recrudescence de mineurs non accompagnés, de mineurs qui viennent d'Afrique et d'Europe de l'Est dans des conditions compliquées... Les conséquences sont dramatiques pour leur personnalité, nous devons mettre les moyens face à ce phénomène."
Le président alloue une enveloppe de 144 millions d'euros pour l'année à venir sur ce combat. 9% de budget supplémentaire par rapport à l'année précédente sur le volet infantile.
Des moyens de lutte mutualisés
Les dossiers commencent donc à s'empiler sur les bureaux de la Cour d'appel de Metz. Par la signature de cette convention, l'instance judiciaire et le département de la Moselle mettent en commun leurs compétences pour endiguer le fléau.
En premier lieu, par le partage des informations remontées du terrain par différents acteurs : les travailleurs sociaux, les éducateurs, les juges des enfants, le parquet, les conseillers départementaux... Et en second lieu par une cellule d'enquête dédiée au numérique menée par la police judiciaire et le parquet, car c'est sur les sites internet que les auteurs sévissent. Ils passent maintenant par des sites spécialisés dans les petites annonces ou les réseaux sociaux pour repérer leurs proies.
Il n'y a pas de prostitution de mineurs spontanée, il y a toujours un proxénète derrière les actes de prostitution. Il faut les repérer et les mettre hors d'état de nuire
François Perain, procureur général à la Cour d'appel de Metz
Une fois par trimestre, une commission réunira les acteurs judiciaires et départementaux à la Cour d'appel de Metz pour évoquer les situations particulières qu'ils auront signalées. Les gendarmes, les travailleurs sociaux, les juges pour mineurs participeront à ces réunions tout comme les magistrats, les psychologues ou médecin psychiatre pour apporter leur éclairage sur le profil des proxénètes ou des victimes. Cette commission permettra aussi de chiffrer l'ampleur du phénomène en Moselle, qui n'est pour l'instant pas encore évalué. La première réunion aura lieu le 25 janvier 2024.