Deux chasseurs de fossiles ont découvert une nouvelle espèce de poissons cœlacanthe vieille de 240 millions d’années en Moselle. Une bonne pêche confirmée par des chercheurs suisses. Le spécimen a été baptisé "Graulia branchiodonta", en hommage au dragon légendaire de Lorraine.
Le lieu est bien connu de ces deux passionnés de fossiles. "Quelque part en Moselle, près de Sarrebourg" se contente de répondre Jean-Philippe Blouet, un paléontologue originaire de Nancy. "Avec mon frère, François-Xavier nous étions en quelque sorte en expédition au bord d'un chemin. On s'attendait plutôt à trouver des coquillages, voire des petites dents de requins mais pas un tel poisson et encore moins une nouvelle espèce".
Ce jour-là, ce sont même plusieurs spécimens de cœlacanthe, le mythique poisson fossile, mesurant une quinzaine de centimètres de long, qui sont découverts par ces deux passionnés lorrains. "Nous savions juste qu'à ces endroits, il y avait une strate qui est favorable à la préservation des poissons fossiles" confie le paléontologue, "le fond de la mer était argileux, peu agité et ces poissons sont tombés dedans comme dans de la boue si vous voulez. Ils n'ont pas été remués par les courants. Il y avait donc des conditions favorables à leur préservation et à leur fossilisation."
Rien à voir cependant avec une pêche miracle. "On les a tous trouvés au fur et à mesure de nos recherches, ils n'étaient pas en banc, les uns à côté des autres". Cette découverte est d'autant plus "exceptionnelle" qu'il s'agit d'une nouvelle espèce de Coelacanthe, vieille de 240 millions d’années. "Les coelacanthes, c'est toujours très rare et puis celui-là, on voyait bien à sa tête qu'il n'était pas dans nos livres. C'est également remarquable car ce n'est pas tous les jours qu'on trouve un poisson comme celui-là en Lorraine, contrairement aux coquillages fossilisés".
C'est comme si nous avions découvert un échantillon de cette histoire évolutive
Jean-Philippe Blouet, paléontologue
Le cœlacanthe, qualifié parfois de dinosaure des mers, est considéré comme un poisson mythique. "C'est ce qu'on appelle un fossile vivant" explique Jean-Philippe Blouet, "il faut savoir qu'il existe depuis 400 millions d'années sur terre. Deux espèces modernes ont même été trouvées dans l'océan Indien et Pacifique. Et si vous les comparez à un poisson d'aujourd'hui, c'est du copier-coller. Ils ont des nageoires épaisses, charnues et ils ont un poumon. C'est une famille qui est liée aux premiers poissons qui sont sortis de l'eau pour coloniser la terre ferme et donner tous les tétrapodes, donc tous les animaux à pattes. C'est comme si nous avions découvert un échantillon de cette histoire évolutive. C'est un cas assez exceptionnel de la nature".
Une confirmation grâce à de puissants rayons X
Grâce à un accélérateur de particules, une équipe scientifique a confirmé le flair de Jean-Philippe Blouet : la révélation d'une nouvelle espèce éteinte de coelacanthes. "Une équipe du Muséum d’histoire naturelle (MHNG) et de l’Université de Genève (UNIGE) est parvenue à identifier une espèce supplémentaire, avec un niveau de détails jamais atteint auparavant" explique le musée suisse, dans un communiqué de presse, "cette découverte a été rendue possible par l’utilisation du Synchrotron Européen de Grenoble, un accélérateur de particules permettant d’analyser la matière". Ces travaux et les images obtenues sont à découvrir dans la revue PlosOne. "Le synchrotron a permis d'avoir les détails du squelette et le poumon fossilisé à l'intérieur".
"Nous avons cédé deux spécimens au Muséum de Genève" ajoute Jean-Philippe Blouet, "le musée est actuellement en travaux mais il sera peut-être mis en avant dans le prochain dispositif d'exposition. Les autres, nous les avons conservés avec mon frère. Dans le monde, il y en a moins de dix. On peut dire qu'il est encore plus rare qu'un tyrex."
Cette nouvelle espèce a été baptisée "Graulia branchiodonta, en hommage au dragon légendaire de la Moselle. Après tout, c'est ici qu'on l'a trouvé. Et ça lui va bien comme nom, non ?".