Rap français : découvrez Lora Yeniche, la rappeuse "libre et déter" du 5-7 qui trace sa route

Elle se qualifie ainsi : "libre et déter", comprenez déterminée. A 28 ans, l'artiste de rap Lora Yeniche sait d'où elle vient et où elle va. Portrait détonnant d'une jeune femme de Yutz-Cité (Moselle) repérée par Calbo, du groupe Ärsenik.

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C'est elle-même qui le dit "Libre et déter". C'est le titre d'une de ses chansons, mais c'est aussi ce qui la qualifie le mieux. Et elle ne se trompe pas. Jugez plutôt. 

L'histoire commence grâce à une de ses amies, Dod, qui est en relation avec Calbo, un des deux membres d'Ärsenik, considéré comme un des groupes emblématiques du rap français. Elle le contacte pour lui présenter Lora. Mais Calbo, comme toutes les têtes d'affiches du milieu rap est très sollicité par les artistes en devenir. Il n'a que faire d'une petite rappeuse mosellane. Qu'à cela ne tienne, l'amie harcèle l'artiste-manager. "Elle le saoulait", raconte Lora.

Le musicien raconte : "Tout est dans cette première rencontre ; moi quand je la reçois, je suis dans une position... [ndlr :un peu blasé, ndlr]. C'est le quotidien des artistes qui sont dans la production : tout le monde a un frère chanteur, un cousin rappeur, un hamster chanteur, tu vois bien !" dit Calbo.

Elle est plus forte que les gars qui me disent : "mais pourquoi tu bosses avec elle ? Une fille, petite, de Moselle, t'as pas mieux ?" Non, j'ai pas trouvé mieux, justement.

Calbo, musicien, membre d'Ärsenik et producteur

Un peu pour se débarrasser, un peu par curiosité aussi, Calbo accepte de rencontrer Lora lors d'une répétition. "Bon ok. Vas-y, passe avec ta copine. Viens, on va en finir, lâche-t-il, de guerre lasse. Ce jour-là, on était en répétition avec Secteur Ä. On fait une pause et je dis aux gars qui étaient là, de rester. Je vais voir si elle en a." Quand Lora et Dod arrivent, il lance : "Alors, c'est toi la chanteuse ? Vas-y, rappe", pensant la mettre en difficulté. "Et elle se démonte pas. Elle chante, comme ça, à froid, alors que les gars autour, ils font du bruit."

Calbo, beau joueur, confie : "Il y a quelqu'un dans le vaisseau ; je l'écoute avec une oreille de professeur. Il y a un beau timbre et du courage." Alors, il lui pose une seule question, celle qui n'appelle qu'une seule réponse : "Est-ce que tu aimes le rap ?" Sa réponse finit de le convaincre : "Le rap, c'est ma vie".

Son nom de scène interpelle : Lora Yeniche. Ce nom d'artiste qui donne le la de la personnalité de Lora. Elle revendique haut et clair son appartenance à une minorité, à une communauté de gens du voyage, installée pour partie en Lorraine, en Suisse, en Autriche et en Allemagne, les Yéniches. Fière de ses origines, très attachée à ses racines, elle explique que ses grands-parents sont venus d'Allemagne, dans une roulotte, avec des chevaux. Commerçants ambulants, ils se sont sédentarisés en Moselle. 

"Je suis née le 31 août 1993, à Thionville, mais j'ai toujours habité à Yutz-Cité. Au même numéro, dans la même rue." Yutz-Cité c'est le nom d'un petit quartier comme la Lorraine en connait beaucoup. Un de ces quartiers ouvriers où toutes les maisons sont accolées, toutes identiques. Un ancien quartier de cheminots. Brandi comme un étendard par la jeune femme qui, au-delà de ses racines communautaires, se sent profondément attachée à son environnement yussois. Loin des clichés sur les quartiers où le rap a l'habitude de fleurir.

Sa sœur, son aînée de six ans, l'initie au rap. Elles écoutent ces groupes qui sont déjà des légendes et qui font figures de classiques aujourd'hui. Et elles chantent. Lora, qui s'appelle encore Laura Adler, choisit la danse hip-hop et plus particulièrement la breakdance, au sol. Elle se donne à fond, comme dans tout ce qu'elle entreprend. 

Pour rendre sa mère fière, elle travaille bien en classe et mène des études en ressources humaines. Elle trouve un job dans sa voie. Pourtant le rap, c'est toute sa vie. 

Après la rencontre, les efforts

Calbo devient donc son manager. Il la prend sous son aile, mais attention, ça ne veut pas dire qu'il la couve, loin de là.

"Depuis trois ans, je l'ai fait bosser très très très très dur. Elle est blindée; elle a supporté des trucs... Ça, c'est pas une petite blonde, c'est un vrai rappeur." Ma question fuse : "Rappeur? vous parlez d'elle au masculin ?" "Je le dis exprès. Elle est plus forte que les gars qui me disent : mais pourquoi tu bosses avec elle ? Une fille, petite, de Moselle, t'as pas mieux ? Non, j'ai pas trouvé mieux, justement. Ce monde du rap est tellement cruel, c'est un monde de requins, alors je l'ai préparée, la petite blonde. Sur le plan physique, sur le plan psychique, je l'ai préparée, un peu comme une femme qui s'engage chez les paras. Je me vois comme un sergent qui lui en demande plus qu'aux autres, parce qu'elle est une femme, qu'elle est petite et qu'elle est blonde; mais le tout avec de l'amour. Elle sait que c'est motivé par l'amour, alors elle y va. On bosse, mais il y a aussi beaucoup de rigolades ; sauf quand les micros s'allument, ça ne rigole plus."

Je parle de ma vie; détermination, motivation, c'est ma vie. Je suis souriante, je me casse pas trop la tête; j'ai de la bonne rage. Avec mes mots je vais peut-être changer la vie d'une personne; on ne sait pas.

Lora Yeniche

Lora décide de quitter son poste d'assistante RH. Elle veut consacrer toute sa vie au rap et elle a trouvé ce qui lui correspond : "J'ai la chance de travailler dans des ateliers d'écriture, dans les collèges et les lycées. C'est une alternative en lien avec ma passion. C'est un enrichissement pour les uns comme pour les autres et ça me ressemble plus."

Elle s'enthousiasme : "récemment, je rentrais de Paris et j'étais crevée. Et j'enchainais sur un atelier d'écriture. Les jeunes m'ont redonné de la bonne énergie; ils se donnent tellement à fond."

Lora est fière de voir certains jeunes s'éveiller à l'écriture : "Le rap, ça parle à tous les jeunes d'aujourd'hui. Certains profs s'étonnent des changements qu'ils voient : des jeunes qui ne parlent pas et qui, sur feuille, disent des choses, des choses profondes. Quand on commence à écrire, on parle de soi, de ses problèmes; ce qu'ils font, ça me parle de moi."

Lora souhaitait reprendre les classiques du rap français. Les chansons qu'elle interprétait dans sa chambre avec sa sœur. Elle explique que le rap, c'est le seul genre musical où les artistes de légende, les classiques du genre sont encore vivants. Trente ans seulement nous séparent des débuts du rap français. Une chance qu'elle a bien l'intention de saisir. "J'ai écrit les couplets, repris les refrains et j'ai voulu les poster sur les réseaux sociaux." 

Calbo et Kwaf, son producteur, lui ont dit : "Attends, on va voir si les artistes veulent participer". Et ils ont vu : I am, Passi, Le Rat Luciano, Lino d'Ärsenik - le frère de Calbo -, Sniper et Oxmo Puccino. Rien que ça ! Et ça donne #GTonClassic.

"C'était magique, se souvient Lora. J'ai trop aimé, j'étais impressionnée par leur humilitéI am par exemple, ils font des tournées internationales et ils me prennent là, comme leur petite sœur; ça c'est bien." De son côté Calbo indique : "Elle ne s'est pas démontée, C'était la première fois qu'elle les voyait, c'étaient ses idoles et elle a chanté avec eux. Après tout ça, c'est bon, plus rien peut m'arriver."

L'avenir ? C'est des titres qui sortent au coup par coup. Comme Nés comme ça et libre et déter

Où l'on retrouve ses thèmes de prédilection : "Tout ce qui peut me toucher ; instinctivement, je parle souvent de ma mère. Quand j'écris c'est le cœur qui parle. Je parle de ma vie ; détermination, motivation, c'est ma vie. Je suis souriante, je me casse pas trop la tête; j'ai de la bonne rage. Avec mes mots je vais peut-être changer la vie d'une personne ; on ne sait pas. Être sur la route d'une ou deux personnes qui croient en moi."

Calbo, son manager, avance tranquille. Il y a une trentaine de titres qui sont prêts. "On veut construire notre public. On veut asseoir une communauté, sur les réseaux sociaux; on se base sur les gens qui nous kiffent. On va sortir les titres un par un, jusqu'à ce que ça prenne. Et c'est une évidence, ça va prendre : elle a tout."

Il conclut sur ces mots : "Fais nous kiffer ce que tu kiffes; les autres tu les calcules pas !" Une bonne philosophie de vie.

Sortie prévue d'un EP à l'automne.

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