Créée en 1996, l'association l’Atelier et la Main a pour mission première de transmettre les savoir-faire artisanaux. Chaque mercredi pendant la période scolaire, une quarantaine d'enfants accueillis à Muizon dans la Marne, en fait l'expérience.
Le balai des enfants et de leurs parents est incessant. Il suffit de 15 minutes, les uns déposent les autres sur le parking ou au sein même de l’atelier. Et à nouveau, comme chaque mercredi, cette école, un peu particulière, reprend forme. À 14 heures pile, tout le monde est en place, à son poste, et plus rien n’a d’importance… Seuls les coups de marteau, les bruits de rabot, les odeurs de cuisine ou de métal chaud donnent le tempo d’une après-midi très studieuse. « Là, j’ai découvert la plomberie, la ferronnerie, la couverture, la pâtisserie, la menuiserie et la maçonnerie », explique Emile, 15 ans. Ce jeune garçon a passé la porte de l’Atelier et la Main, il y a trois ans. « Parmi tous ces métiers j’ai préféré la maçonnerie ».
Emile va réaliser sa pré-inscription en janvier. Il a trouvé sa voie. Toute la motivation des artisans à la retraite, aujourd’hui bénévoles à l’association l’Atelier et la Main, est là. Et lorsqu’un jeune décide de prendre la suite, c’est sans doute le plus beau cadeau qu’il puisse leur faire.Si je peux, c’est sûr même, j’intègre les compagnons du devoir.
- Emile, élève à l'association L'Atelier et la Main de Muizon
Préparer les générations futures à prendre la suite
Ils sont une trentaine d'artisans, tous passionnés, a encadrer ces jeunes âgés entre 10 et 15 ans. Leurs objectifs sont simples : être des passeurs de métiers et préparer les générations futures à reprendre la suite. Ils transmettent ce pourquoi ils ont vibré durant toute leur carrière.Jean-Pierre, 86 ans, vibre d’ailleurs encore. Menuisier, il fait partie de l’association depuis le début. 19 ans à côtoyer les plus jeunes, ça aide à rester en forme ! « J’aime cette ambiance d’atelier. Cela me fait du bien de rester au contact des plus jeunes et de transmettre ». A ses côtés, Louise est à l’écoute. Fille de compagnon du devoir, elle est déjà à bonne école. Mais pour l’heure elle ne s’est pas encore décidée sur le métier qu’elle souhaite faire.
Horloger, tailleur de pierre, couvreur, maçon…
Chaque mercredi, en période scolaire, 40 enfants sont ainsi accueillis. Chacun découvre trois métiers différents dans l’année sur les 15 proposés et ce sont leurs professeurs qui organisent les groupes. Souvent les enfants restent pendant la durée de leur parcours au collège, soit quatre années, et touchent ainsi à tous les ateliers proposés. Façonner la matière, appréhender les outils professionnels et apprendre le geste précis : depuis 23 ans c'est ainsi que des savoir-faire se transmettent.Dans un autre coin de l’atelier, dans une pièce plus à l’écart, les apprentis couturiers et horlogers sont à l’œuvre. « Je les encourage à continuer, à persister parce qu’il y a beaucoup d’avenir dans l’horlogerie », explique Jean Brun, horloger à la retraite.Franchement, je voyais mal un jeune faire de la pendule. C’est très rare. J’ai été étonné de voir que ça marche.
- Jean Brun, horloger à la retraite.
Jean a passé la porte de l’association grâce à un ami menuisier, membre de la structure. « J’avais du temps libre et aujourd’hui je viens avec beaucoup de cœur, il y a des jeunes qui en veulent ».
Mathis fait partie de ceux-là. Il cherchait un stage chez un horloger et ne trouvait pas. Quelqu’un lui a indiqué l’existence de l’Atelier et la Main. Non seulement il a trouvé une place chez un horloger et en plus il fait partie de ces jeunes qui aiment venir chaque mercredi. « Ici, on m’a proposé de rester toute l’année en horlogerie plutôt que de tourner dans les ateliers. Et s’il me restait un petit doute avant d’arriver, dès le premier jour j’ai eu envie de revenir ». L’objectif pour Mathis c’est l’école d’horlogerie de Morteau en Franche-Comté.
« Nous avons un jeune qui est parti à Morteau l’an dernier, précise encore Jean. Lorsqu’il est arrivé à l’atelier il ne connaissait rien à l’horlogerie. Il a fait deux ans avec moi et aujourd’hui c’est un mordu. De temps en temps il me téléphone », raconte-t-il, une pointe de fierté dans la voix.
Jean, comme Jean-Pierre, Guy et les 30 artisans bénévoles de l’Atelier et la Main donnent de leur temps pour cela. « Quand ils viennent nous revoir, c’est une fierté de se dire, ils reviennent avec un métier et on est fiers de leur avoir montré quelque chose », raconte Guy Charreau, ancien maçon.
Emile veut devenir maçon. Mathis horloger. Pauline et Cassie seront peut-être coiffeuses. Louise est sûre de vouloir faire un métier manuel tout comme Antime et Paul. l’Atelier et la Main a permis aussi à Amandine de trouver sa voie. Sa dernière année se déroulera exclusivement dans l’atelier pâtisserie et l’an prochain elle rentrera peut-être chez les Compagnons du Devoir.
Chaque année, une dizaine de jeunes partent ainsi en apprentissage pour ensuite prendre la relève. « Leur donner l'intelligence des mains », précisait un des artisans.
L'atelier et la Main recrute des artisans à la retraite... pour pouvoir accueillir davantage de jeunes, et assurer ainsi leur relève.