Réalisée par Pierre Hurel, la série documentaire "la malédiction de la Vologne", revient sur les mystères de l'affaire Grégory. Elle est disponible dès ce lundi 3 décembre sur france.tv. Et sera diffusée les 5 et 6 décembre à 21h sur France 3. Nous avons vu les 5 épisodes en avant-première. 

 

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« J’espère vraiment qu’ils ne vont pas mettre plus de huit jours pour retrouver celui qui a fait ça… »

La phrase est prononcée par le père de Grégory, Jean-Marie Villemin, quelques jours après l’assassinat de son fils, le 16 octobre 1984. Elle referme le premier volet d’une série de cinq épisodes consacrée à l’affaire Grégory. Elle sera diffusée sur France 3 à partir du 5 décembre et elle est déjà disponible sur france.tv. Nous avons pu regarder ce documentaire en avant-première. 

Les enquêteurs mettront bien plus que 8 jours pour trouver le coupable, puisqu’en ce mois de décembre 2018, 34 ans après les faits, le nom de l’assassin de Grégory reste inconnu de la justice. Et cette affaire aussi dramatique qu’invraisemblable continue de susciter passions, fantasmes et interrogations. Alors qu’une génération a passé.

Le tournage d'une série sur l'affaire pour Netflix avait suscité la colère du propriétaire de la maison de la famille Villemin en juillet 2018. Un drame qui n'a jamais cessé de planer sur le secteur de Lépanges-sur-Vologne et de peser sur l'histoire locale. 
 


Clans, jalousie et violence 


Le film interroge aussi la Vologne, cette région des Vosges, avec ses forêts de sapins, les tempêtes de l’hiver, les usines désaffectées… Et aussi les grandes familles de la vallée, "ces clans entremêlés, terreau de jalousie et de violence"…précise le réalisateur Pierre Hurel.

Retour donc dans la tristement célèbre vallée de la Vologne. Dans les méandres de l’affaire Grégory. Ce prénom qui hante les habitants de ce territoire. Comme une malédiction depuis le 16 octobre 1984. Ce jour où l’enfant âgé de quatre ans, a été découvert vers 21 heures, noyé dans la rivière à Lépanges-sur-Vologne. Un bonnet recouvrant ses yeux pieds et poignets ligotés avec une cordelette.

Le documentaire, dans lequel le comédien Denis Podalydès porte la voix narratrice, est d’une précision minutieuse. Il remonte les heures, le temps, l’époque. Il détaille la généalogie de la famille Villemin. Les alliances. Les enfants nombreux. L’histoire tragique d‘une génération désormais marquée par la douleur et la suspicion.

A grand renfort d‘images d’archives, nous voici embarqué dans cette famille déchirée. Où la jalousie tient une place centrale. Contre le père de Grégory en premier lieu. Jean-Marie Villemin est déjà contremaître à 25 ans, alors que le reste de sa famille semble vouée à la classe inférieure. Celle des ouvriers des usines de filature du secteur. Le couple Villemin, solide, semble bien seul.

Silence 


Une jalousie familiale, qui va de pair avec un mutisme latent. Ici, dans cette vallée laborieuse, on ne parle pas. « Quand on sait quelque chose, on le garde pour soit », explique un des enfants interrogés par les journalistes de l’époque. « Oui les gens semblent tous avoir leur idée sur l’auteur du crime, mais personne ne le dira », confirment les habitants. C’est glaçant. Le récit façon cold case, est porté par des reproductions d’auditions détaillées.

Les dépositions reconstituées des époux Villemin sont entrecoupées d’interviews des enquêteurs de l’époque. Le commandant de gendarmerie de Bruyères (Vosges) en charge de l’affaire a sensiblement le même âge que le père de Grégory. Il revient aujourd’hui sur les circonstances de la mort du petit garçon. Il analyse la situation plus de trente ans plus tard.

Arrive le fameux « corbeau ». C’est ainsi qu’on appelle l’auteur du crime dans la vallée. Cette voix rauque, qui sème l’angoisse par téléphone, qui envoie des lettres anonymes menaçantes aux époux Villemin. Lui qui s’adresse à Jean-Marie en l’appelant « le chef ». Lui encore qui reproche au père de l’enfant sa réussite sociale, son argent, sa maison neuve. Lui qui harcèle de manière insistante ce couple différent des autres parce qu’il a un peu mieux réussi.

Ces lettres anonymes, ces menaces, ont produit chez Christine et Jean-Marie Villemin une angoisse permanente.
 


Enchaînement de malheurs


Tout au long des épisodes, on assiste médusé à un enchaînement de malheurs. La suspicion de Jacky, frère de Jean-Marie Villemin, né de père inconnu, puis du beau frère de Christine Villemin, Bernard Laroche. Mis en cause par une jeune fille de 15 ans, sa nièce : Murielle Bolle.  Celle-ci devient un personnage central du drame. Elle serait montée dans la voiture de son oncle avec le petit Grégory le jour du drame. Sa déposition laisse donc croire un temps que Bernard Laroche serait l’auteur du crime. Elle finit par se rétracter. Mais le père de Grégory, lui, croit toujours en la culpabilité de son beau-frère. Il en vient à faire justice lui-même avec un fusil à pompe, six mois après la mort de Grégory.

Un nouveau drame dans le drame. Qui coexiste avec un nouveau suspect : Christine Villemin. La mère de Grégory. Le juge d’instruction, a demandé des expertises graphologiques. Pour comparer son écriture à celle du « corbeau ».  C’est cette mise en cause de sa femme qui porte Jean-Marie Villemin a commettre son geste fatal à l’égard de Bernard Laroche.
 

Enfer médiatique


Et l’enquête piétine. Encore. Sous l’oeil des caméras. Car l’affaire Grégory est aussi celle des médias. Et les prémices de l’information en continu. Les époux Villemin sont constamment épiés. L’image et les témoignages font partie de l’affaire. C’est l’escalade entre médias, car l’affaire passionne la société française.

Pierre Hurel et Christophe Dubois, scénaristes ont veillé à être factuels et à garder la chronologie historique. L’affaire Grégory fait partie de l’imaginaire national, de l’histoire française.

"Elle a modifié le rapport des Français aux médias, écrivent-ils dans leur note d'intention. C’est la première fois qu’une affaire est aussi médiatisée. Elle divise la France (et les journalistes) entre pro- et anti-Christine.  Encore plus qu’un fait divers, c’est un fait de classe. Laroche est défendu par l’avocat du Parti communiste (Prompt), alors que les Villemin sont défendus par l’avocat (Garaud) partisan de la peine de mort et de la légitime défense". 

Intrusifs, les journalistes suivent aussi les pas de Murielle Bolle, ceux du juge Lambert, des protagonistes, des enquêteurs. Un phénomène nouveau à l’époque. Et l’on comprend avec le recul, que le rôle de la presse a été de taille. Manquant de distance face aux mise en cause des suspects. Interrogateurs jusqu’à l’extrême. Sans respect pour les familles endeuillées.

Le secteur de la Vologne se transforme en épicentre médiatique. Et cela n’aide en rien à la sérénité de l’enquête.


Dans le 3e épisode, on assiste à une visite de Christine Villemin à la prison de Saverne, où son mari purge sa peine. Là encore, l’épouse devenue suspect numéro 1 est interrogée par les journalistes à la porte de l’établissement. La voix off évoque le contexte. « Hier victime, elle est devenue une mère insensible, névrosée, maléfique ». Enceinte de 7 mois, elle tente de d’affronter la meute médiatique.

Mais la biche a deux genoux à terre, c’est la curée.


La traque commence. Même son avocate parisienne en fait les frais. Et assiste impuissante à la fabrication d’un suspect. "Je pense que je vais devenir folle, écrit Christine Villemin à son mari détenu en prison. Si je reste calme c’est pour toi ».

Le juge Lambert a pris sa décision, la mère de Grégory lui semble coupable. Des indices auraient été retrouvés dans leur maison. Elle est incarcérée à la prison de Metz. Le sort s’acharne avec force sur le couple Villemin.

Chacun s'invite au procès


Tout le monde s’invite au procès sociétal de ce couple. Même l’écrivain Marguerite Duras a publié un article sur Christine Villemin dans le journal Libération. Elle voit dans la culpabilité présumée de cette femme l’acte ultime d’une libération. Elle se dit certaine que l’infanticide a existé. Pour la romancière cet acte était légitime.
 


Les faits s’enchaînent jusqu’au procès de Christine Villemin, qui entre temps a donné naissance à Julien. Une tentative de suicide vient jalonner le parcours maudit de cette femme. Le procès aura donc lieu.

Mais ses avocats font appel. Une enquête est ouverte. Elle aboutit à une demande de supplément d’information. Un début de retournement a donc lieu en 1987. A Dijon, le juge Simon, expérimenté, reprend le dossier à zéro. Même si on connaît l’issue de tout celà, on revit l’histoire. Le téléspectateur est inévitablement pris dans ce tourbillon. Les époux Villemin se sentent davantage compris par la justice. Christine reprend confiance. Jean-Marie Villemin sort de prison en décembre 1987. Après 30 mois de détention. Il se réfugie avec son épouse dans l’Essonne, assigné à résidence, loins de la Vologne.

Le procureur général dit que cette affaire Villemin possède un côté diabolique. Comme s’il y avait des jeteurs de sort,


écrit le juge Simon dans ses carnets. Et en effet, à chaque étape, on mesure l’abîme. Ce juge mobilisé par sa quête de la vérité qui apparaissait si près de son but, est frappé par un infarctus ! Il en sort amnésique ! Sa compagne était la journaliste, Laurence Lacour. Elle écrira plus tard son point de vue sur l’affaire. Le juge Simon meurt en 1994. Emportant avec lui un espoir de vérité né chez les parents de Grégory. Une croisade inachevée que d’autres souhaitent reprendre.
 

Dernier épisode. Nous sommes en 2017, dans les ruines des usines textiles des Vosges. Le souvenir de l’affaire Grégory s’est presque évaporé. C’est alors que la Justice relance l’affaire avec deux nouveaux suspects. Nouveau rebondissement et nouvelle victime collatérale. Le juge Lambert met fin à ses jours. Après avoir écrit une lettre testament, dans laquelle il disculpe Bernard Laroche.

Je n’ai plus la force de me battre. On cherchera un bouc émissaire tout trouvé, je refuse de jouer ce rôle. Je préfère sonner la fin de partie pour moi.


La relance de l’enquête ne dure pas. Murielle Bolle, 48 ans en 2018, continue de camper sur sa position : "Bernard Laroche est innocent".
Le père de Grégory s’exprime à la fin du documentaire par la voix du narrateur : « je ne lâcherai jamais ».

On ressort de ces 5 épisodes sonné par le poids d’une histoire qui hante le monde judiciaire et médiatique depuis 34 ans. Et l’on comprend aussi un peu mieux pourquoi cette affaire ne trouvera sans doute jamais d’épilogue.

Le dossier a encore rebondi en novembre 2018. Le Conseil constitutionnel a mis en cause l'absence d'avocat lors de la garde à vue de Murielle Bolle, adolescente en 1984. Le dossier a de nouveau pris un sérieux coup d'arrêt. La "malédiction" continue. 
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