"Patrons, la vie après l’échec", un documentaire plein d’espoir

Chaque jour des centaines de « petits patrons » mettent la clé sous la porte dans l’indifférence générale. Près de 60.000 en moyenne par an depuis la crise de 2008 ! Comment rebondir après un tel traumatisme ? 

Ils ont le regard perdu dans le vide. Leur vie s’est arrêtée à la sortie du Tribunal de commerce. Quand ils ont fait FAILLITE. Le mot est dur, ils ont « failli » aux yeux de la société. Le documentaire de Christophe Rémy « Petits Patrons, la vie après l’échec » est une leçon de vie qui invite au rebond et propose un regard neuf sur ces hommes et ces femmes qui ont traversé l’échec professionnel. 

« On n'imagine jamais ça quand on créé une entreprise, soupire Laure Ansart, chef d’entreprise qui vient de déposer le bilan. Jamais, jamais, jamais…. Dette, caution personnelle, j’ai tiré sur la courroie du parachute, mais le sol se rapproche très vite", confie-t-elle le visage fermé.

Mettre la clé sous la porte. Le processus est une petite mort pour ces entrepreneurs passionnés. Passée l’épreuve du Tribunal de commerce, ils sont souvent anéantis, ruinés, seuls et criblés de dettes. Or l’échec, constatent-ils, est tabou dans la société.

 


 

 "On est vite seul, blacklisté"


Alors comment rebondir ? C’est l’enjeu de ce film de 52 minutes. Poignant, positif et réaliste. Ponctué de témoignages d’entrepreneurs qui ont vécu ce cauchemar et qui ont réussi à rebondir.

Éditrice de logiciels pour le web. Laure raconte le départ de l’engrenage. Des impayés, des licenciements qui pèsent lourds. Christine, elle, évoque l’attente d’une aide puis le silence. « On est vite seule, blacklistée. Avec l’impression d’être devenue le vilain petit canard. Le regard de mes pairs était déstabilisant. Je me suis plantée".

Bruno, lui, a eu envie de voler de ses propres ailes. Il s’est lancé dans le BTP en 2006. Mais la crise de 2008 a engendré une forte baisse d’activité. Et en décembre 2008, tout a été emporté. Quatre mois plus tard, c’était la cessation de paiement.

Sur le plan personnel j’ai perdu 20 ans de ma vie. Quand vous êtes liquidés vous perdez tout. Vous êtes un homme mort.
Le statut change, vous tombez dans le vide. C’est une période très difficile.

  
Boris Cyrulnik neuropsychiatre, spécialiste de la résilience apporte son éclairage dans le documentaire.
 
« L'échec peut être vécu comme une tragédie, mais certains s’en relèvent. Est-ce qu’avant l’échec, on a acquis des facteurs de protection ? Interoge-t-il. A-ton une sécurité affective ? Le même fait peut être constructif ou destructif, selon son entourage".
 

"Je me sentais comme un gros tocard"

 
Victime d’une décision européenne, Jean-Denis Budin a lui aussi déposé le bilan. Il a dû revendre son entreprise pour limiter le naufrage.
Il choisit à 45 ans de retourner à la fac pour rédiger une thèse sur les dirigeants d’entreprise. Son objectif : analyser l’échec. De ce travail rigoureux, il a tiré 23 facteurs clés de réussite dans l’échec. Une première mondiale ! 

Cet entrepreneur a également co-fondé en 2013, le Credir, située dans le Grand Est, cette association propose une expertise avancée dans la prévention du burnout.
 


Autre exemple de rebond. L’histoire de Jean Lecourieux-Bory, qui a découvert les affres d’une double liquidation. Lâché par son plus gros donneur d’ordre. « Je me sentais comme un gros tocard. Je vivais dans le flou. J’avais un rêve et je me suis planté. Ruiné ». On lui a coupé les ailes. Alors ce photographe de métier reprend son boîtier.

Il conçoit des scènes en rapport avec sa situation. La fragilité du petit patron. Il se met en scène, enveloppé sur le sol d'une usine dans une couverture, un téléphone posé sur une table. L'image d'une (petite) mort. "Tu te poses la question : que faire ? Réentreprendre, se tirer une balle, tu le mets dans les hypothèses ». Il a choisi de rebondir.  Par une série de photos intitulée "Petit Patron".
 
 

Ces photos m’ont fait prendre conscience que je pouvais redémarrer. Jean Lecourieux-Bory,

 
Le film de Christophe Rémy met aussi en lumière les solutions qui existent face à cet abîme. Il interroge les bénévoles de SOS entrepreneurs, qui ont mis en place une ligne téléphonique dédiée, disponible 24/24. Au chevet de ces chefs d’entreprises sous l’eau.

 

 
Depuis sa création, 8000 appels en détresse ont été reçus. Le but est de les aider à sortir de la spirale de l’échec. De retrouver des issues nouvelles. "Le risque, explique l’un des bénévoles, c’est la spirale 3D.  Dépôt de bilan, dépression, divorce. Et même décès, car il y a aussi des cas de suicides ». On vit au jour le jour.
 

Dépasser l'échec
 

Le philosophe Charles Pépin décrit l’entrepreneuriat comme un risque dans une aventure de l’incertain. « Les petits patrons devraient être accompagnés. Quand on réussit en France, on devrait être applaudi, or on est jalousé ».
Un chef d’entreprise sur dix a des chances de réentreprendre en France après l’échec. Aux USA le rapport est de 9 sur10.
 
 

L’échec était considéré comme honteux, ça change. Aujourd’hui on autorise un peu plus l’échec.

 
Au fil de ce documentaire, on suit l’évolution de ces femmes et ces hommes cassés par l’échec. On est emporté par la main tendue de ceux qui l’ont connu et qui veulent aider leurs pairs à s’en sortir. Par exemple lors d’un stage en immersion. Encadré par des chefs d’entreprise, des médecins, ou des coachs sportifs. Les stagiaires racontent leur expérience, et apprennent à comprendre que l’échec peut être dépassé.

"L’idée est de donner au stagiaire un point de vue sur tous les aspects de sa vie, son hygiène de vie, sa situation financière, on balaye tout. On se présente comme des Hercule Poirot, pour rassembler le puzzle", explique un autre bénévole ancien patron.
 
Jean retrouve la lumière et se consacre à la photo. Porté par le succès de son portfolio "petit patron". Le documentaire fait cheminer le téléspectateur vers le bout du tunnel. Il se termine par l'image de Laure, cette chef d'entreprise dont on suit la chute au début du film. Aidée, relevée, elle reprend pied. Et entame une formation. Christine, elle aussi touchée par l'échec, a créé les "journées du rebond". Un temps d'échange et de partage pour valoriser l'expérience entrepreneuriale.
 

"Avoir râté et être un raté c'est différent"

 
"Avoir raté et un être un raté, c'est différent", explique-t-elle. "La vie est un fleuve qui se réalimente", ajoute le philosophe Charles Pépin. Peu à peu, le droit à la seconde chance laisse entrevoir la fin de l'épreuve à ces hommes et ces femmes mis au ban de la société où l'échec est si souvent tabou.
 
Le film se referme par une citation de Winston Churchill.

Le succès c’est d’aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme.
 

 



 

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