PORTRAIT. Chez Micheline, en Belgique, on a le "goût des autres"

C’est une auberge sans pareil, à la frontière entre la Belgique et la France, proche des Ardennes. La tenante des lieux, Micheline, est aux fourneaux chaque jour de l’année depuis 42 ans. Son accueil et sa cuisine au beurre sont connus à des dizaines de kilomètres à la ronde. Rencontre. 

Entre les communes belges de Chimay et Momignies, tout près de la frontière avec la France, l’auberge de Micheline est une institution. Pour décrire la personnalité de Micheline, on pense à la mère Poulard du Mont St Michel ou la mère Brazier de Lyon. Des femmes de coeur, qui imposent leur style culinaire, pour qui l’assiette doit être servie bien remplie et desservie totalement vide. Nous l'avons rencontrée pour Complètement à l 'Est. 

Chez Micheline, rien n’a changé depuis l’ouverture de l’auberge, il y a 42 ans. Sauf peut être sa collection de grenouilles. Elle en possède aujourd’hui 1600 derrière des vitrines, dans une pièce dédiée. « Un jour un client m’a appelé ma petite grenouille, raconte-t-elle, et depuis ce jour-là je me suis mise à faire la collection ». L’intérieur est un mélange de salle à manger rustique et de salle des fêtes. Un vieux jukebox hors service rappelle aux plus anciens une mode dépassée. 

Même assise ou malade, Micheline reste en cuisine

Cette femme joviale de 69 ans ne prend jamais de vacances. Sa seule passion, c’est l’accueil des clients. Ils viennent en nombre le week-end surtout. Fin février encore, elle cuisinait seule aux fourneaux pour 50 personnes. Pour la Saint-Valentin, ils étaient 28, « que des tables de deux », avec une seule serveuse en salle…

Ce soir-là, nous sommes cinq dans le restaurant. Dont trois habitués qui viennent dîner chaque lundi soir. Les clients commandent leurs plats à l’avance. Sa spécialité ce sont les steaks. Des tranches XXL, en provenance directe de son boucher local. « Prenez la taille enfant, prévient Isabelle, la serveuse, c’est très copieux ici ». En effet, la générosité de Micheline se retrouve dans ses assiettes. Des plats en sauce, des frites maison, tout est local. 
 

Une force de la nature qui ce soir là couve une pharyngite. Ce qui ne l’empêche pas de cuisiner. « C’est mon mari qui m’a tout appris, confie-t-elle en surveillant la viande dans la cuisine. Les frites c’est moi qui les fais, les patates viennent de chez mon beau-frère. Je les épluche et je les coupe. Ma spécialité c’est le cordon bleu, la truite et le steak. Je cuisine au beurre parce que c’est meilleur ». Tout simplement. 

Ce qui séduit la clientèle, comme Marc, Guy et Valentin, c’est l’ambiance, la personnalité de la cuisinière hors du commun. 

Elle est tolérante, on vient ici pour un banquet, un déjeuner de baptême, elle a reçu plusieurs mariages gays, c’est une femme très ouverte.
- Isabelle, sa salariée depuis un an et demi - 


"Jamais je ne la laisserai tomber". Car dans le coin, on sait bien qu’après Micheline, le restaurant risque de fermer. Ses deux filles, pourtant présentes régulièrement, ont pris des trajectoires professionnelles différentes. 
 


« Dans le temps je cuisinais le soir de Noël, on mettait le sapin dans la grande salle », dit-elle dans un large sourire. Mais n’allez pas croire, qu’elle fait aujourd’hui le service minimum. En ce début 2019, Micheline carbure encore au sourire et les habitués en redemandent. « Les prix sont très bas, résume Marc, un habitant du secteur, qui vient chez Micheline depuis 25 ans. Ses steaks coûtent encore moins cher que chez le boucher ! Sa cuisine est simple et bonne, ajoute Guy. C’est familial. Elle est très connue jusqu’en Flandres à trois heures d’ici". 
 


Pas de micro-ondes chez Micheline, pas d’ondes du tout d’ailleurs. Inutile de sortir le smartphone, on ne capte aucun réseau. Dans les huit chambres qu’elle loue au dessus du restaurant, le wifi est inexistant, et la seule télé de l’étage est hors service. Mais les lits et les draps sont au carré. Comme le linge plié sur la table de nuit.  Une attention de chaque instant. Chaque table de son restaurant est garnie d’un bouquet de fleurs. « Elle est très rigoureuse sur le service", confirme la serveuse. Les plis de la nappe en vichy rose, l’accueil, tout est bien rôdé. 

4 étoiles sur Google

Quel est donc le secret de cette femme qui défie l’époque, ne fait jamais de publicité et parvient tout de même à se hisser en tête des restaurants du secteur sur les sites Internet où les notations la placent en tête, avec des commentaires si élogieux ? On comprend une partie du succès devant l’assiette généreuse, le goût des plats mais cela ne fait pas tout. Micheline a le goût des autres. Ses étoiles à elle, outre celles qu’elles collectionnent grâce aux avis des clients, (4,2 étoiles sur Google, mais elle n'est pas au courant) sont d’abord dans son regard quand elle accueille chez elle. Prête à ouvrir son restaurant pour deux personnes qui réservent à la dernière minute. 

S’arrêter de travailler ? A 69 ans, Micheline n’y songe même pas, quitte parfois à cuisiner assise. Les mots vacances et retraite ne font pas partie de son vocabulaire. Elle ne cultive rien d’autre que l’amour du métier. Pas d’album photo pour conserver des souvenirs, "on n'a rien gardé". Le bouche à oreille n’a jamais aussi bien porté son nom. Ironie du sort, c’est par un moteur de recherche sur Internet que la plupart de touristes arrivent chez elle. Elle qui vit pourtant bien loin du monde connecté, en récolte les fruits. Dans ce coin de campagne Belge, "Super Micheline" impressionne. C’est sa vie, elle n’en changerait pour rien au monde.  
 
 
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