Précarité menstruelle : "Il y a du papier gratuit dans les WC, alors pourquoi pas des serviettes hygiéniques ?"

La sénatrice du Haut-Rhin Patricia Schillinger (LREM) appelle à lutter contre la précarité menstruelle. Cette demande figure dans un rapport qu'elle a remis le 17 octobre à la secrétaire d'État chargée de l'Égalité femmes-hommes et de la Lutte contre les discriminations, Marlène Schiappa.

Des protections hygiéniques gratuites pour toutes les personnes en ayant besoin, voilà ce que demande la sénatrice du Haut-Rhin Patricia Schillinger (LREM). L'ancienne maire de Hégenheim (Haut-Rhin) est l'autrice d'un rapport parlementaire demandé par le Premier ministre Edouard Philippe. Il a été remis à Marlène Schiappa (secrétaire d'État chargée de l'Égalité femmes-hommes et de la Lutte contre les discriminations) ce jeudi 17 octobre 2019.
 


L'objet de ce rapport parlementaire, "ça surprend", concède la sénatrice, jointe par téléphone : "Je ne pensais pas devoir faire un rapport sur ce sujet un jour..." Loin de se soucier des personnes ne voyant pas dans la précarité menstruelle "une priorité",  Patricia Schillinger a rendu un travail de 54 pages, constituées avec le retour d'expérience de 19 associations et institutions. Principale proposition de ce rapport : rendre gratuites les protections hygiéniques pour trois catégories de personnes précaires.
 

Une personne sur dix concernée

Une personne en précarité menstruelle, explique la sénatrice, c'est quelqu'un qui "renonce à changer de protection aussi souvent que nécessaire et qui peut la garder pendant douze heures d'affilée". Avec le risque non négligeable de faire un choc septique, potentiellement mortel.

"Certaines peuvent même utiliser des chaussettes remplies de papier toilette", prend-elle comme exemple. Un exemple moins rare qu'il n'y paraît : une personne sur dix est concernée par la précarité menstruelle. La cause : le budget trop important que représentent ces protections. On retrouve trois situations.
 
  • La pauvreté

Une personne pauvre doit rogner sur le moindre aspect de son budget pour tenir jusqu'à la fin du mois. Y compris sur le budget hygiène intime, conduisant à garder une protection trop longtemps ou à en utiliser une inadaptée. Un million de personnes sous le seuil de pauvreté seraient concernées par la précarité menstruelle.
 
  • Les études

Étudier rime souvent avec disposer de peu de ressources financières. La précarité menstruelle peut alors conduire aux situations relevées par la sénatrice, mais aussi à de l'absentéisme
 
  • L'incarcération

Il y a 2.500 femmes dans les prisons françaises, selon les données réunies par la sénatrice. Elles sont généralement quatre par cellule, sans réelle intimité pour gérer leurs règles. Elles doivent alors acheter des produits d'hygiène intime qui coûtent plus cher qu'en dehors de l'enceinte pénitentiaire. Autre exemple cité : les gardes à vue, où des policières solidaires fournissent à des personnes détenues des protections pour les dépanner, hors-cadre légal.

 

Des solutions existent

"On est en 2019", relève Patricia Schillinger, exaspérée, qui estime que la situation ne peut plus durer. Elle propose une solution, simple en apparence, mais dont le coût précis reste à calculer : mettre à disposition des populations vulnérables des protections hygiéniques gratuites : 

Il y a du papier toilette gratuit dans les WC, alors pourquoi pas des serviettes hygiéniques ?
- Patricia Schillinger, sénatrice du Haut-Rhin


Selon le lieu où cette gratuité serait proposée, Patricia Schillinger propose des pistes supplémentaires :
 
  • plus de pédagogie en milieu scolaire, la démarrer dès la dernière année de primaire car les règles sont de plus en plus précoces, détacher cette pédagogie de l'éducation sexuelle et y rajouter des explications sur l'endométriose
 
  • insister sur le caractère gratuit et libre, sans démarche ou inscription, de cette fourniture de protections, que ce soit en infirmerie scolaire, dans un CCAS, ou les toilettes de tout lieu accueillant des personnes précaires
 
  • appeler tous les acteurs à s'investir dans la lutte contre la précarité menstruelle, de la commune au département en passant par les entreprises et les associations


Un budget à établir

La sénatrice souhaite voir sa proposition expérimentée. Elle prend en exemple New York (État comme ville) où "c'est devenu obligatoire", ou plus près de chez nous, l'Écosse "où ça fonctionne depuis six mois". Son rapport mentionne d'ailleurs l'utilité d'une norme commune européenne pour ce sujet qui ne "devrait plus être tabou".
 

Il faut que ce soit gratuit et en accès libre.
- Patricia Schillinger, sénatrice du Haut-Rhin


Cette proposition d'expérimentation doit être prochainement budgetisée, avant d'être éventuellement étendue. On ne connaît pas pour le moment le niveau du budget, ni les lieux où les observations auront lieu. Mais Patricia Schillinger rappelle l'exemple lillois : "Ça a coûté 56.000 euros la première année... et 7.000 la deuxième ! Car les industriels avaient suivi, et les stocks commandés au début dépassaient les besoins."

En effet, les protections hygiéniques sont non périssables, et toutes les personnes pouvant en bénéficier ne souhaitent pas forcément en profiter : il en reste donc au bout d'un an. Le coût théorique de la mesure, 20 euros par an et par personne à l'université, serait donc moindre en passant de la théorie à la pratique.
 

Encore du chemin à parcourir


Avec son rapport, Patricia Schillinger espère faire "boule de neige". "On avance", relève-t-elle, mais elle n'a pas l'intention de voir le mouvement s'arrêter. Elle souhaite également :
  
  • inclure les produits d'hygiène intime dans les campagnes des banques alimentaires, style Restos du coeur ou Caritas
 
  • impliquer les hommes, souvent "pudiques" à ce sujet
 Mais pour ce dernier point, au vu du tollé suscité par la dernière publicité sur les serviettes Nana, entre polémique, pétition, et saisine du CSA, ce n'est peut-être pas la pudeur qui est en cause...
 
 
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