L’année 2021 restera dans les mémoires des vignerons toulois. Depuis mars, leurs vignes ont dû faire face au gel, au mildiou, et même à l’oïdium. Les professionnels s’attendent à des rendements en baisse, mais avec une belle qualité.
La date officielle de début des vendanges a été fixée au samedi 25 septembre 2021 par l’organisme de défense et de gestion des Côtes de Toul, le syndicat des vignerons.
Mais aucun ne récoltera avant lundi 27, et même plus tard. Stéphane Vosgien, qui exploite avec son frère Alexandre douze hectares entre Lucey et Bulligny, attendra même jeudi 30 pour son pinot noir : "on compte sur encore un peu de soleil pour prendre du sucre".
Son réfractomètre, l’appareil qui sert à mesurer la quantité de sucre dans le grain, lui donne raison : "on peut espérer être à 11,5% si on attend encore un peu, on a vu qu’on prenait 1/10 par jour quand il faisait beau comme aujourd’hui".
Dégâts de l'hiver et du printemps
A Blénod-les-Toul, ses pieds portent les stigmates des conditions climatiques de l’hiver et du printemps.
Après un mois de mars plutôt chaud, plusieurs épisodes de gel ont frappé les premiers bourgeons, avec des dégâts conséquents. Puis le mildiou est apparu, favorisé par un printemps pluvieux. Certaines feuilles se sont nécrosées, et les grappes présentent des fruits pourris. "Ce qui est surprenant, c’est qu’on a trouvé aussi de l’oïdium, qu’on n’avait pas vu depuis des années dans le coin" poursuit Stéphane Vosgien, "une vingtaine d’ares ont été touchés chez nous à Bulligny".
En bio depuis 2011, Stéphane Vosgien avoue son impuissance face aux maladies : "on peut traiter avec des produits de contact quand il tombe jusqu’à 20 millimètres par jour, mais certains épisodes ont dépassé les 40, il aurait presque fallu le faire tous les jours, mais c’est impossible, puisque la vigne est impraticable et qu’on aurait manqué de bras".
Pas de quoi entamer le moral du vigneron, qui affiche clairement son optimisme : la récolte 2021 sera en baisse de 20 à 30% par rapport à une année normale, mais la qualité s’annonce bonne, "on aura des jolis vins, l’acidité est excellente". A partir de jeudi, une quinzaine de vendangeurs vont sillonner ses vignes, pour une campagne courte, de 8 à 10 jours. Le vigneron espère remplir 45.000 bouteilles de ses pinots noirs, auxerrois et gamay. 10 000 de moins que l’année dernière.
Clientèles
Elle voudrait bien discuter un peu plus longtemps, mais Renée Vosgien, sa maman, s’active au point de vente. Dès qu’un client sort, un autre le remplace. Une cavalière en tenue vient de rentrer dans le magasin. Elle a besoin de plusieurs cartons : c’est son mari qui va passer les chercher.
La moitié de la clientèle est locale, comme ce couple de Raon-l’Etape qui repart avec 54 bouteilles pour le mariage de leurs enfants. "Pour moi c’est la période la plus stressante de l’année" confie Renée, qui avoue "n’être allée que deux fois dans les vignes, avec toutes les intempéries, j’avais peur que ça me mette un coup au moral, alors j’ai fait l’autruche !".
Renée préfère le contact des clients, qu’elle a su convaincre au fil des années : "quand on a commencé en 1971 avec mon mari Claude, nous n’avions qu’un seul hectare ! On était en polyculture, avec trente vaches à lait. Et puis on s’est développé, d’abord avec une petite parcelle de 30 ares, et en 1986 on a choisi de se consacrer exclusivement à la vigne". Ses deux fils sont diplômes en viticulture et œnologie.
Au sein de l’organisme de défense et de gestion des Côtes de Toul, qui compte vingt vignerons, ils sillonnent les salons, à Reims, Paris, Rennes et même au-delà : "10% de notre récolte part l’étranger".
Le calme avant les vendanges
Plus anciens vignerons bio dans les Côtes de Toul, les frères Vosgiens ont fait des émules : les 2/3 des vignobles sont désormais en bio, ce qui fait du Toulois l’un des plus vertueux de l’hexagone. "Les vignerons de Meurthe-et-Moselle ont fait beaucoup d’efforts" nous confie un caviste nancéien, "depuis le début des années 90 et l’obtention de l’appellation d’origine contrôlée en 1998, ils n’ont pas à rougir de leurs concurrents français. Le déficit de communication est en passe d’être comblé, ceux qui goûtent sont souvent surpris de la qualité globale de la production".
Sur les hauteurs de Bulligny, le soleil de fin d’après-midi lèche les grappes mûres. Le calme règne encore pour quelques jours. La vigne sera ensuite livrée aux vendangeurs. Renée Vosgien attend les retrouvailles avec impatience : "ils me redonnent de l’énergie pour toute l’année".