Les refuges de la société protectrice des animaux sont surpeuplés, en témoigne les 3.832 animaux pris en charge dans le Grand Est, en 2021. Des agents animaliers salariés à la SPA d'Arry (Moselle) et de Cliron (Ardennes), racontent leur quotidien aux côtés d'animaux souvent en détresse.
À première vue assez plaisant, le quotidien des agents animaliers n'est pas pour autant un long fleuve tranquille. Chats perdus, chiens maltraités, lapins abandonnés, ce sont quelque 327 animaux qui attendent actuellement d'être adoptés dans l'ensemble des refuges SPA du Grand Est.
Les agents animaliers mobilisent toute leur passion pour redonner espoir et avenir à leurs pensionnaires, qui attendent parfois des années derrière les grilles des refuges. Six agents employés par la SPA lèvent le voile avec émotion sur les abandons et adoptions qui ont lieu près de chez vous.
Un métier difficile d'accès
Le métier d'agent animalier est à la fois passionnant et prenant, mais difficile d’accès pour de nombreux envieux d'après Émeline Arlen, 31 ans, agent chat au refuge de la SPA d’Arry en Lorraine, depuis quatre ans. "J’ai mis beaucoup de temps avant d'entrer dans ce monde fermé où les places sont chères." En effet, il est difficile pour la SPA de s’engager sur des embauches de salariés, du fait que l’association est non lucrative et repose principalement sur des dons et legs.
Néanmoins, il y a encore quelques années, le turnover (renouvellement du personnel) du refuge mosellan était important nous dit-on. "Les gens qui venaient pensaient qu'on faisait des câlins aux chiens et qu'on discutait avec des gens. Ce qui n’est malheureusement pas la réalité du métier, raconte avec humour Quentin Bouvier, agent chien de 28 ans. Le matin, il y a beaucoup de nettoyage et de ramassage de déjections, et l’après-midi, beaucoup de boulot dans des refuges qui sont en ce moment saturés."
Si certains candidats se montrent patient pour signer leur contrat, d'autres ont plus de chance comme Arnaud Pezin, agent animalier au refuge SPA de Cliron (Ardennes). "J’ai postulé à une offre de la SPA et j’ai été pris en CDI tout de suite."
Pour espérer être embauché en tant qu'agent animalier dans un refuge SPA, il faut détenir l'acaced (l'attestation de connaissances pour les animaux de compagnie d’espèces domestiques), savoir conseiller et orienter le public qui souhaite adopter, et avoir des connaissances en éducation canine, droit animalier, éthologie (comportement des animaux dans leur milieu naturel), ou détenir une formation de transport d’animaux vivants.
Bien des atouts qui représentent peu vis-à-vis de leur passion pour les chats, chiens et autres nouveaux animaux de compagnie. Avant de rejoindre la société protectrice des animaux il y a cinq ans, Arnaud évolue en clinique, parc animalier et en zoo à la suite d'études d’auxiliaire de santé vétérinaire. Sa collègue Cyrielle Martin a elle, emprunté une trajectoire plus aventureuse. Au terme de ses études en communication, elle fait du volontariat dans des refuges en Roumanie, Bulgarie et en Croatie. "En revenant en France, je n’avais qu’une envie, me former à ça et me professionnaliser."
Des refuges à la recherche de bénévoles
Peu importe leurs débuts, tous sont heureux d’exercer cette profession à laquelle ils ont rêvé. Une évidence pour Léa Lombard, agent en fourrière de 25 ans, qui cache un paradoxe. "Beaucoup de personnes aimeraient être embauchées à la SPA, on a beaucoup de demandes, pourtant, l’association manque de bénévoles dans ses refuges du Grand Est. Pauline, la responsable du site d’Arry ajoute : On recherche toujours des bénévoles polyvalents. Sortir les chiens, c’est bien, mais on a aussi des chats en besoin de sociabilisation, on a des travaux d’entretien du site, il nous faut des personnes qui puissent tondre le parc extérieur, repeindre les box et s’occuper des animaux. C’est assez diversifié."
Pour rejoindre et renforcer l'équipe d'un refuge animalier en tant que bénévole, la démarche est simple et souvent la même entre les différentes associations. Contactez-les par téléphone, par e-mail, ou rendez-vous directement sur site pour rencontrer les agents et bénévoles. L'intégration se fait généralement par une formation complète dispensée par l'équipe du refuge.
Un nouveau départ pour les animaux
Les héros ne portent pas tous une cape, en témoignent les merveilles qui se passent presque tous les jours dans les différents refuges de la région. Émeline revient sur l'un de ces miracles.
"Cet été, un petit chaton à peine né, est resté plusieurs heures au soleil enveloppé dans sa poche de placenta. Il était vraiment dans un état catastrophique quand il est arrivé. On lui a coupé le cordon ombilical, enlevé le placenta et fait les premiers soins. Puis, il est parti en famille d’accueil." Un transfert courant l’été, qui permet aux refuges de diminuer leur occupation, en particulier le nombre de chatons à biberonner. Un sujet développé plus en détail dans l'émission Vous êtes formidables. "On pensait que c’était un cas désespéré, le petit s’est battu et a survécu. Il se trouve que ce chaton a fini adopté par sa famille d’accueil. C’est une petite merveille."
Léa aussi se rappelle d'une histoire similaire. "Le mois dernier, Neiko, un petit chat, est arrivé de fourrière. Heureusement il était tatoué, on a pu retrouver son propriétaire qui l’avait perdu il y a un an et demi. Ça arrive très fréquemment malheureusement […] Il ne faut jamais perdre espoir."
Quand certains animaux égarés sont tôt ou tard retrouvés par leurs propriétaires, d'autres pensionnaires peuvent passer des années derrière les grilles avant de trouver une famille. "C’est une victoire quand un animal qui est là depuis un ou deux ans, trouve une famille et s’y plaît. On a des histoires de chiens qui ont passé des années ici, comme une Caucase qui a passé six ans en box avant d'enfin trouver une famille. On a des aventures tous les jours", raconte Quentin, agent habitué des chiens "compliqués".
La durée de séjour moyenne d’un animal varie d’une semaine à parfois seulement une seule journée pour le "chien classique qui s’entend bien avec tout le monde", alors que pour les "chiens compliqués", la durée peut avoisiner l’année. C'est ce que qualifie Pauline de "délit de sale gueule". "L’essentiel, c’est d’être mignon. Mais si jamais l’oreille penche un peu du mauvais côté, l'animal n’est pas le premier choix."
L’essentiel, c’est d’être mignon. Mais si jamais l’oreille penche un peu du mauvais côté, l'animal n’est pas le "premier choix".
Pauline, responsable au refuge d'Arry (Moselle)
Avec tant de situations différentes, il est difficile d'imaginer que les équipes mènent une routine bien huilée. À la SPA d’Arry, les agents animaliers débutent leur journée avec un point sur les faits marquants la veille : l’état des animaux, les adoptions et abandons. S’ensuit le contrôle du bien-être et de l’état de santé des chats, chiens et NAC (nouveaux animaux de compagnie) pour éventuellement déclencher un départ chez le vétérinaire. Le reste de la matinée est consacré à la sortie des pensionnaires, le nettoyage, l’alimentation et les soins. L’après-midi, quant à elle est dédiée aux visites du public et aux adoptions.
Une routine bien huilée qui se répète du lundi au dimanche, toute l’année, peu importe la météo, nous dit Émeline, "de sorte qu’il y ait en permanence quelqu’un sur le site".
Hausse des abandons
Chaque année, plus de 100.000 animaux de compagnie seraient abandonnés par leurs propriétaires en France. Un nombre malheureusement en hausse de 17% par rapport à l'année 2020, sur les six refuges SPA de la région Grand Est. Un constat désolant suivi d'un début d'année 2022, particulièrement difficile où les refuges sont "proches de la saturation" d'après un communiqué de l'association.
À la recherche de bras, les associations sont aussi demandeuses de ressources matérielles et financières. Avec les faibles températures hivernales, "de grosses couvertures, des plaids, des produits d’entretien, de la pâtée et des croquettes pour chaton" sont les bienvenues. "Il n’y a pas de petit don, on prend absolument tout. Ça nous sauve", nous dit Cyrielle Martin, agent animalier à la SPA de Cliron (Ardennes) sur le plateau de l'émission Vous êtes formidables.
Bien que les refuges soient provisoirement fermés par précaution sanitaire "au moins jusqu’à la fin du mois de janvier 2021", les adoptions sont toujours possibles sur rendez-vous. Car peu importe la période, des centaines d’animaux sont prêts à tout pour gagner notre cœur, "les animaux n’attendent que ça" conclut Quentin.