Il s'appelle Bernard Villemot et c'est l'un des affichistes les plus renommés de France. Le documentaire d'Arnaud Jambut, "Villemot, l'illustrateur des murs" retrace la carrière de cet artiste indémodable. Voici trois bonnes raisons de voir ce documentaire.
Si vous êtes fan de la série américaine Mad Men, le documentaire d'Arnaud Jambut consacré à Bernard Villemot vous passionera. L'homme, affichiste de renom pendant les Trente Glorieuses, est à la fois artiste peintre et traducteur de son époque. Aujourd'hui il demeure une référence incontournable dans le milieu de l'affiche, une valeur sûre des arts décoratifs, dont les affiches élégantes et universelles s'arrachent de New York au Japon.
Voici trois bonnes raisons de regarder ce documentaire
1. Se laisser emporter par le tourbillon d'une époque épatante
Les Trente Glorieuses: un petit air d'insouciance et d'accès au modernisme pour tous. Une époque épatante et pétillante, où la consommation bat son plein. Comme dans la chanson de Boris Vian, chacun y va de son envie de réfrigérateur, d'automobile et d'aspirateur.Viens m'embrasser / Et je te donnerai / Un frigidaire / Un joli scooter / Un atomixaire
Et du Dunlopillo / Une cuisinière / Avec un four en verre / Des tas de couverts..."
Les grandes marques font réaliser des affiches publicitaires pour se distinguer de leurs concurrents. Bernard Villemot et son ami Raymond Savignac se partagent alors les campagnes d'affichage des plus grandes marques du moment : Orangina, Bergasol, Bally, Air France, Gauloises, Vespa pour ne citer qu'elles.
2. Partager l'art et l'exposer à ciel ouvert
Villemot sait capter l'air du temps. L'époque est moderne, l'ère industrielle. Sa palette se pare de couleurs éclatantes, primaires, la technique choisie c'est celle de l'à-plat, les thèmes sont tracés de manière rectiligne. Au fil du temps, le lignes deviendront taches, le nuancier tournera vers des couleurs plus flashies, issues du Pop Art, les formes se simplifieront. L'affichiste, comme l'artiste se fait le reflet de son temps.
Une parfaite maîtrise de l'illustration de son temps et de sa vision.
- Bruno Vannacci, professeur d'art et artiste peintre
Si Bernard Villemot est si populaire auprès des grandes marques, ce n'est pas par hasard. Il a su prendre aux plus grands artistes de son temps, tout en conservant sa patte. Ses influences sont nombreuses: de Nicolas de Stael en passant par Kees Van Dongen, Picasso, Braque, ou plus tard des artistes du Pop Art, comme Wahrol et de l'Optical Art comme Vasarely Mais son maître reste Matisse.
Grâce à lui, au coeur de la cité, on avait un peu de Matisse, de Kees Van Dongen, Braque et Picasso sur les affiches et tout le monde pouvait les voir.
- Bruno Vannacci, Professeur d'art et artiste peintre
Le bon affichiste doit d'abord et avant tout être un peintre
- Bernard Villemot, affichiste
Ainsi Bruno Vannacci ajoute : "on sent tous les grands peintres du XXe siècle retranscrits avec son langage".Et même s'il s'inspire des courants et des maîtres, l'artiste est reconnaissable au premier coup d'oeil. Pierre Fresnault-Deruelle, professeur émérite à l'Université de Paris 1 dit de lui : "Quand on regarde ces Villemot magnifiques (...) , on s'aperçoit qu'il traite son objet mais qu'il fait sa propre publicité, il travaille sa propre image de marque:
Quand on regarde un Villemot, certes on pense à Bally, mais on pense à Villemot
3. La saga Orangina
Si, à travers toutes les campagnes d'affichage réalisées par Villemot, il ne fallait en retenir qu'une, ce serait la série faite pour Orangina. Le patron d'Orangina Jean-Claude Béton rencontre Bernard Villemot et le designe comme affichiste. Villemot va donner une identité visuelle à la marque avec la fameuse pelure d'orange en 1953. Il a su synthétiser l'esprit d'une marque à partir d'un élément simple, une forme, une bouteille, une typograhie; il y a du peps de la légèreté... une forme d'optimisme.
- Bruno Vannacci, graphiste
Si vous vouliez une belle affiche, vous vous adressiez à Villemot
Une affiche Villemot c'était forcément un succès. Personne n'a réussi à déloger Villemot"
- Raymond di Giovanni, ancien directeur des relations extérieures de chez Orangina
Plus largement, le graphiste Bruno Vannaci explique aussi de lui qu'"il a su s'oublier à travers les propositions qu'il faisait aux marques: c'est-à-dire à la fois s'identifier à la marque et en même temps à l'esprit du temps; un bon artiste ce n'est pas forcément quelqu'un qui impose son style ou sa personnalité, c'est quelqu'un qui donne un son à l'esprit du temps, une voix à l'époque".
Laissons le mot de la fin à l'artiste lui-même :
Le but commercial vient en second; mon but c'est plus de faire une image qui va apporter une joie, un bonheur, une satisfaction sur le plan imaginatif, sensoriel, l'acte d'achat qui en découlera doit venir après le plaisir de cette image.
Villemot, l'illustrateur des murs
Production: Bonobo Productions / France TélevisionsRéalisation: Arnaud Jambut
Durée: 52 minutes.