Plus de 200 départs de feux et plus de 1700 pompiers mobilisés. La forêt vosgienne dans l’enfer de l’été 2022, la sécheresse a décuplé les incendies.
Les Vosges ont connu l’enfer l'été dernier avec les pires incendies de forêt de ces dernières années. Plus de 200 départs de feux, trois fois plus que les années précédentes, 2.500 personnes évacuées. 1.700 pompiers mobilisés, les chiffres sont vertigineux. Et pour la première fois dans la région, l’intervention d’un hélicoptère bombardier d’eau. Le changement climatique a changé la donne.
Ces feux m’ont rappelé ceux du sud de la France. Je les ai combattus pendant une dizaine d’années.
Colonel Larry Ouvrard, Directeur Département du SDIS 88
Une semaine noire pour les pompiers entre le 6 et le 15 août 2022 dans les Vosges. Du "jamais vu depuis des décennies", selon un agent de l’ONF. 30 hectares ont brûlé dans le secteur de Bruyère Une quinzaine d’hectares dans le secteur de Thiéfosse et Biffontaine ; 70 hectares du côté de la commune de Le Ménil.
Des centaines de pompiers mobilisés et des renforts venus de sept départements voisins. Le Colonel Larry Ouvrard, Directeur Département du SDIS 88, raconte : "ces feux m’ont rappelé ceux du sud de la France. Je les ai combattus pendant une dizaine d’années."
Pour comparer l'état de sécheresse entre 2021 et 2022, vous pouvez déplacer le curseur sur cette carte.
La sécheresse en cause
Les végétaux n’arrivent plus à faire leur réserve d’eau.
Anthony Collin, enseignant-chercheur à l’Université de Lorraine, Responsable de l’équipe "Feux" au LEMTA
"La sècheresse de l’été 2022 est un terrain favorable", nous explique Anthony Collin, enseignant-chercheur à l’Université de Lorraine, Responsable de l’équipe "Feux" au LEMTA (Laboratoire d'Energétique et de Mécanique Théorique et Appliquée) et pompier volontaire au SDIS 54. il ajoute : "dans les Vosges, une partie de la population des arbres est touchée depuis quelques années par différentes choses : les insectes comme le scolyte ou encore des champignons qui les affaiblissent. Ces arbres deviennent des risques. Ils sont plus secs et peuvent propager un incendie.
La sécheresse est un facteur important, qui joue sur plusieurs années. Les végétaux n’arrivent plus à faire leur réserve d’eau. Même avec des années de sécheresse modérée, un déficit d’eau en automne a pour conséquence une baisse des réserves disponibles pour ces végétaux. Au fur et à mesure des années, ils sèchent et deviennent un potentiel combustible pour tout incendie qui pourrait démarrer". On a des étés de plus en plus secs. Il faut donc s’attendre à plus d’incendies. Les Vosges sont une zone à risques : "les résineux sont en général plus à risque que les feuillus".
Les raisons de ces départs de feux ne sont pas encore toutes connues. Pour Patrick Kubler, directeur ONF Vosges Montagne, "neuf fois sur dix, l’origine d’un incendie est humaine qu’elle soit accidentelle ou intentionnelle."
Les agriculteurs en première ligne
Les agriculteurs vosgiens se sont mobilisés auprès des pompiers dans les Vosges cet été apportant des citernes d’eau avec des tracteurs. Ils sont particulièrement vulnérables et sensibles à la question des incendies.
"Les agriculteurs de la région sont sensibilisés depuis quelques années dans la région par les chambres d’agriculture qui travaillent avec les pompiers", poursuit Anthony Collin, "ils ont subi de nombreux sinistres par le passé. Ils ont fait évoluer leur pratique. De façon presque systématique, dès qu’ils moissonnent, ils vont passer une "déchaumeuse" sur des endroits stratégiques. En cas d’incendie, le feu ne se propage pas."
Gestion du risque, prévention et applications
Nous devons tous nous préparer à plus d’incendies, plus d’inondations et plus de tempêtes
Antony Collin
Pour Anthony Collin, une certitude : "nous devons tous nous préparer à plus d’incendies, plus d’inondations et plus de tempêtes. Il existe des cartes grâce à une collaboration entre les pompiers et les chambres d’agriculture pour informer les exploitations des risques de stress hydrique par exemple. Nous pouvons aller plus loin encore."
Pour la population, il existe une application "FR-ALERT" mise en place par le ministère pour être alerté en cas d’événement grave. "Cela va d’un attentat à un gros risque d'incendie et on demande à la population d’évacuer certains endroits par exemple". FR-ALERT est un système d’alerte des populations qui permet d’envoyer des notifications sur les téléphones portables des personnes présentes dans une zone confrontée à un danger. "Il n’est donc pas nécessaire de s’inscrire au préalable pour recevoir les alertes, peu importe l’endroit dans lequel vous vous trouvez et le téléphone portable que vous utilisez".
Il existe aussi une application "Prévention Incendie". Une application citoyenne et participative. Elle propose une carte interactive en temps réel sur le niveau de risque d'accès aux massifs. Cette application permet à tout citoyen de prévenir les secours du lieu d’un départ de feu grâce à la géolocalisation. Elle est géolocalisée et génère un code attaché aux coordonnées géographiques de l’utilisation. Le code est communiqué au secours lors de l'appel.
Cet été, l’ONF, dans les Vosges, a mis en place comme chaque année des brigades équestres pour sensibiliser la population au risque incendies en forêt. Des arrêtés préfectoraux ont été pris comme l’interdiction de faire des barbecues ou de jeter une cigarette aux abords d’une forêt.