Je comprends mes clients. Ils ont acheté une voiture, et ils la regardent garée devant chez eux sans pouvoir en profiter, mais je suis de bonne foi
2CV version sportive
L’aventure Burton démarre pour lui il y a six ans, lorsqu’il importe un premier modèle des Pays-Bas. Là-bas, un passionné de la 2CV en transforme à toutes les sauces, mais c’est le modèle Burton qui fait craquer le professionnel. La Citroën à tout faire est métamorphosée en cabriolet deux places, aux allures de sportive des années 20. La motorisation reste la même, le plaisir intact : vitesse de pointe coincée à 80 kilomètres par heure, mais posée au sol la Burton prend des airs de bolide. "Pour la première, on a dû monter un dossier de trente pages afin de l’homologuer. On nous a demandé quelques modifications, qu’on a faites, et c’était parti" explique le passionné de mécanique.
En six ans le garagiste de Corcieux a importé ou construit 35 modèles de 2CV Burton
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© Emmanuel Bouard/France 3 Lorraine
Erreur de la Préfecture
Au fil des ans, 35 véhicules passent ainsi par le garage, tous sont homologués sans problème. Mais au printemps 2019, le système se bloque : la Préfecture à qui il a soumis cinq demandes refuse de délivrer les certificats d’immatriculation. "Sauf pour un véhicule, pourtant identique aux autres, à n’y rien comprendre" fulmine le carrossier. Quatre Burton se retrouvent donc sans cartes grises, déjà vendues et livrées aux clients, qui ne peuvent pas les conduire.Le Vosgien demande des explications, envoie courriers et mails, obtient un rendez-vous à la Préfecture de son département : "le secrétaire général un peu gêné m’a dit que ses services avaient commis une erreur en homologuant mes Burton, et qu’elles n’auraient jamais dû recevoir de carte grise". Incompréhension totale : si lui a construit 35 voitures, au total en France une centaine de Burton circulent actuellement car deux autres carrossiers se sont lancés dans l’aventure. Il enrage : "cent fois la même erreur, dans plusieurs dizaines de préfectures ? C’est impensable".

Les cartes grises obtenues pour l'immatriculation porte la mention commerciale "2CV Burton"
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© Emmanuel Bouard/France 3 Lorraine
Dans l'étau
A l’approche de l’hiver l’étau se resserre : il ne peut plus prendre de commandes, et perd une grosse partie de son chiffre d’affaires, autour de 200.000 euros par an. Mais il va surtout devoir certainement rembourser ses clients : "il y en a pour 100.000 euros au bas mot, que nous n’avons plus évidemment. Si on doit rembourser nos clients, je mets la clé sous la porte, et mes huit salariés pointeront au chômage".Le carrossier plaide la bonne foi, et ses dizaines de dossiers validés par les services de l’Etat. Il comprend ses clients, frustrés de ne pas pouvoir profiter d’une voiture qu’ils ont payée à la commande : "certains sont patients, mais d’autres vont me mettre au tribunal, c’est logique".

A gauche, une 2CV classique. A droite, le modèle Burton, importé ou construit par Virgile Perrin.
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© Emmanuel Bouard/France 3 Lorraine
Calme et déterminé, son conducteur garde la tête froid : "avec ma femme on se bat pour le garage tous les jours depuis six ans. On rend service, on dépanne, on a même remis en route les pompes à essence. On fait parler de Corcieux et des Vosges dans toute l’Europe avec les Burton. Hors de question d’abandonner. J'irai jusqu'au bout".
"Une erreur identifiée"
Joint par téléphone, le secrétaire général de la Préfecture des Vosges, Julien Le Goff, assure que "nous sommes en contact régulier avec Monsieur Perrin, et que nous l’accompagnons dans ses démarches". Le haut fonctionnaire explique également que ses services "sont sensibles à la situation dans laquelle se trouve ce professionnel de l’automobile, mais que la loi doit s’appliquer". Pour lui, s’il y a bien eu une défaillance qui a entrainé la délivrance d’autant de cartes grises jusque-là, "c’est bien à cause une erreur, que nous avons identifiée". Selon nos informations, elle ne vient pas de la Préfecture des Vosges en tant que telle.Julien Le Goff propose que Virgile Perrin "présente devant Direction régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement (DREAL) un véhicule 2CV Burton dans les quinze jours afin que les services concernés puissent examiner avec lui la possibilité de l’homologuer selon les normes européennes en vigueur".
Interrogé sur cette proposition, le professionnel de l’automobile a réagi promptement : "c’est précisément ce que je demande depuis le début".