Le coup de colère des agriculteurs des Vosges. Revenus en baisse, exigences environnementales toujours plus strictes. À l'appel de la FDSEA et des Jeunes agriculteurs, ils manifesteront jeudi 2 novembre dans les rues d'Épinal.
Nicolas Lallemand, 32 ans, papa de trois enfants, est un jeune agriculteur bio. Il est tous les jours au plus près de ses vaches à Ménil-de-Senones dans les Vosges. Un troupeau d'une centaine de bêtes. Il produit 600.000 litres de lait bio par an. Mais depuis plusieurs mois, il subit la crise de la filière bio. Les causes sont multiples. Entre autres, un phénomène de surproduction et un ralentissement de la consommation.
Un mouvement social
Il a repris cette exploitation il y a un peu plus de dix ans, en 2012. "Le pouvoir d’achat de nos concitoyens n’est pas forcément au beau fixe. Quand on a du mal à équilibrer les budgets, on ne se tourne pas forcément vers les produits bio. Donc ces deux facteurs font que notre filière est complètement en difficulté. La surproduction entraîne forcément une baisse des cours et quand on compare ça avec l'explosion de nos charges et bien, ce sont des revenus qui diminuent", estime Nicolas Lallemand. Il partage avec Germain Blaise la présidence des Jeunes agriculteurs des Vosges.
VIDEO. Nicolas Lallemand dans son exploitation mercredi 1ᵉʳ novembre. Images Didier Bert, France 3 Lorraine.
L’explosion des charges et des consommateurs bio, de moins en moins nombreux, le prix de l’énergie qui vient encore aggraver la situation, le constat de Nicolas Lallemand est assez amer. Le revenu net a baissé de 25% en un an et c'est un secteur agricole à qui il est toujours demandé de faire plus d’efforts, pour accélérer la transition écologique.
Une difficulté supplémentaire pour les agriculteurs qui doivent opérer une mutation. Nicolas Lallemand aimerait davantage d'aides des pouvoirs publics. "Nous ne pouvons pas seuls financer cette transition écologique. La conjoncture fait que déjà des bilans économiques se resserrent et ce n’est pas possible", dit-il. Des bénéfices qui se réduisent et des investissements dans les exploitations qui sont reportés ou annulés.
À l’appel de la FDSEA et des Jeunes agriculteurs, au moins 200 tracteurs sont attendus jeudi 2 novembre 2023 dans les rues d’Épinal. Des difficultés qui semblent partagées par l'ensemble de la profession. "C’est extrêmement compliqué aujourd’hui, et notre objectif, à travers cette manifestation, reste d’alerter nos concitoyens et les pouvoirs publics sur cette souveraineté alimentaire qui est réellement en danger. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. On importe six légumes sur dix. 40% de nos poulets sont importés, 25% de nos viandes porcines et bovines sont importées. Et dans le même temps, nous, les paysans, nous subissons des contraintes de production", explique à France 3 Lorraine Philippe Clément, le président de la FDSEA des Vosges.
Le pouvoir d’achat de nos concitoyens n’est pas forcément au beau fixe. Quand on a du mal à équilibrer les budgets, on ne se tourne pas forcément vers les produits bio.
Nicolas Lallemand, agriculteur bio
Dans un contexte d'inflation, l'importation des produits agricoles s'explique en partie par des prix parfois plus attractifs à l'étranger. "Sauf qu'il y a deux ans, à travers les états généraux de l'alimentation, on nous a dit, à nous paysans, on va partir de votre cout de production pour arriver à un cout payé au final. Aujourd'hui, on a l'impression qu'on balaye tout ça. Et c'est encore la course au moins cher. Il va y avoir des renégociations commerciales demandées par Bruno Le Maire (ministre de l'Économie) et on sait que c’est encore la matière première agricole qui va passer au tourniquet", précise Philippe Clément.
Nous attendons, dans un premier temps, l'entente de nos pouvoirs publics. Et puis des mesures concrètes, avec une meilleure rémunération.
Philippe Clément, président de la FDSEA des Vosges.
Les agriculteurs souhaitent être entendus et soutenus, c'est ce qu'ils comptent rappeler dans les rues d'Épinal ce jeudi. "Nous attendons, dans un premier temps, l'entente de nos pouvoirs publics. Et puis des mesures concrètes, avec une meilleure rémunération de nos produits et l’application stricte de la loi qui s'appelle les états généraux de l'alimentation et qui ne permet pas d’acheter un produit en dessous de son prix de production", indique Philippe Clément.
Et il ajoute : "en face de cette montée en gamme qui nous a été demandée, nous avons bien évidemment des charges qui explosent aujourd’hui. On n’en parle régulièrement qu’il n’y a toujours pas eu une meilleure revalorisation de la rémunération des agriculteurs. C’est encore finalement les acteurs de la grande distribution qui sont rois !"
Nicolas Lallemand et Philippe Clément iront manifester à Épinal, avec d’autres agriculteurs, afin d'alerter sur une filière en crise. Ils seront dans les Vosges, pour revendiquer une meilleure rémunération et mettre en avant la souveraineté alimentaire de la France.