"Le pacte de la terre" : trois raisons de (re)voir ce documentaire sur le malaise des paysans

Ils voulaient être paysans, tout simplement. Mais la réalité est plus difficile que prévue. Voici trois bonnes raisons de voir ou de revoir le documentaire "le pacte de la terre".

C'est le portrait sensible de quelques paysans lorrains qui sont confrontés à de grandes difficultés pour exercer leur métier. Qu'ils s'en soient tiré, qu'ils surnagent ou qu'ils aient abandonné, leur point commun est qu'ils ont tous été soutenus par l'association Solidarité Paysans Lorraine

Voici nos trois bonnes raisons de voir le documentaire de Jean-François Méplon Le pacte de la terre, diffusé sur France 3, lundi 24 février.


1- Comprendre les raisons d'une crise

On l'appelle pudiquement "la crise agricole". On généralise. On déplore et on passe à autre chose. Le réalisateur Jean-François Méplon ne passe pas à côté. Il est allé à la rencontre de plusieurs agriculteurs, qui chacun à sa manière se débat dans une des multiples tentacules de cette crise agricole. 

Nadine et Philippe sont dans une grande détresse financière. Après une reconversion dans le bio, ils comptaient sur les aides de l'État. Les fameuses aides à la reconversion. Mais depuis deux ans qu'ils ont engagé leurs efforts, l'État, en contrepartie, n'a rien versé. 

On comptait sur les aides de l'État, mais ça reste une ligne de compta dans les créances à venir.
- Philippe Richardot, éleveur


Christophe et Mickaël ont perdu l'ensemble de leur élevage quand une bactérie a décimé leurs 33.000 poulets. Leur bâtiment agricole flambant neuf est resté inoccupé pendant six ans. 

Il y a le cumul de tout, les factures qui s'accumulent, l'huissier qui vient frapper à la porte régulièrement, les coups de fil du banquier, de la MSA... Les jours où le facteur ne passait pas, c'était jour de fête.
- Christophe Valentin, éleveur

Quant à Philippe, il a baissé les bras: trop de soucis. Il a fini par se débarrasser de tout son troupeau. 


2 - Écouter pour mieux expliquer

C'est le credo de l'association Solidarité Paysans Lorraine. Avec ses bénévoles et ses deux salariés, l'équipe accompagne par binôme chaque dossier d'agriculteur en souffrance. Depuis la création de l'association en 1993, ce sont 700 personnes qui ont été suivies en Lorraine. 

Certes, nous ne sommes pas spécialisés, ni techniciens, ni psychologues, ni assistantes sociales etc, mais on a une certaine sensibilité pour comprendre ce qui se passe dans la vie des personnes. 
- Monique,  bénévole Association Solidarité Paysans Lorraine

Leur démarche est bien claire : il s'agit d'accompagnement mais pas d'assistanat. Ils écoutent les agriculteurs, débattent, proposent un autre regard mais ne donnent aucun conseil. Ils offrent leur aide pour les démarches, seulement si elles ont un sens pour ceux qui les engagent. En replaçant les difficultés dans leur contexte, ils permettent aussi aux paysans de retrouver une dignité.

On n'a pas besoin de la casquette de conseiller, ce n'est pas la philosophie de l'association. L'idée, c'est de réfléchir avec : on doit poser les questions, mettre les sujets sur la table.
- Jean-Emmanuel Leudé, bénévole association Solidarité Paysan Lorraine

Ainsi, par leurs questions, ils amènent les agriculteurs à comprendre que le système est plus fort qu'eux et qu'ils n'ont rien à se reprocher. 

On n'est pas responsables des prix de vente, des politiques de structures et tout ça. On n'est pas coupables. Ils nous aident à nous déculpabiliser d'avoir échoué.
- Philippe Richardot, éleveur


3 - Remettre de l'humanité dans le métier

Quand l'huissier, le banquier, l'assureur viennent parler gros sous, l'éleveur continue, lui, à penser à ses bêtes. Il a choisi ce métier par passion, par tradition familiale ou par envie de  reconversion. Il l'a voulu ce métier sans repos, où la traite se fait 365 jours par an, où la saison à venir ne laisse jamais l'esprit en repos. Mais il l'avait rêvé à l'ancienne, à la force du bras et du labeur fourni. À l'image de la grenouille plongée dans une marmitte qui chauffe tout doucement, il n'a pas vu les changements s'effectuer : toujours plus de paperasses, plus d'investissements et plus de remboursements. 

Je considère que j'ai quatre ou cinq corps de métiers différents : il y a la partie élevage, après la partie transformation - de fromager -, après la commercialisation et le poste assez lourd de secrétaire comptable.
- Joachim da Costa, éleveur de chèvres et brebis

S'il n'ose pas vraiment parler de phobie administrative, il n'en reste pas moins que son coeur de métier ce sont les bêtes.

Je préfère m'occuper de quelque chose de vivant que de m'occuper d'un papier.
- Joachim da Costa, éleveur de chèvres et de brebis

Et chacun des témoins de ce documentaire l'exprime à sa manière, après la vente de son bétail, comme Philippe Villot, qui évoque sa nostalgie à revenir sur les pâtures où se tenaient ses vaches. Ou à travers la douleur de la perte de leurs milliers de poulets. 

Là, tu comprends le geste du gars qui met la corde dans le bâtiment.
- Christophe Valentin, ancien éleveur de poulet reconverti en éleveur de veaux

Selon la MSA, un paysan se suicide tous les jours. Soit 12% de plus que la moyenne nationale. L'un des témoins du documentaire évoque sa tentative de suicide.

On n'est pas une machine. Quand t'es au bout, t'es au bout. Tu fais pas ça de gaîté de coeur. Tu fais ça parce que tu veux dormir. 
- Philippe 

Solidarité Paysans Lorraine s'engage pour éviter ces actes irréparables, pour apporter une part d'humanité perdue à ces hommes et ses femmes. Et les regards de Louis, de Jean-Emmanuel, de Monique ou d'Alix, la salariée, participent à leur rendre la dignité qui leur est due. 

On nous a tenu la main jusqu'au bout; on n'est pas tout seuls. sans eux, on n'aurait pas réussi. 
- Mickaël Valentin, éleveur

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