Témoignage. Une enfance en temps de guerre, l'incroyable récit de ce Vosgien

Publié le Écrit par Malika Boudiba

Rose la neige (Éditions du petit pavé), l’histoire de la ville martyre de Saint-Dié dans les Vosges pendant la Seconde Guerre mondiale racontée par un adolescent qui l’a vécue. Aujourd’hui, Olivier Gérard a 95 ans et il témoigne pour la première fois dans ce livre écrit à la première personne.

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Olivier Gérard a eu mille vies. Réalisateur et scénariste après avoir été assistant réalisateur auprès d’Orson Welles, Louis Malle ou Philippe de Broca, excusez du peu. Plus jeune, c’était l’aventure, il a été photographe d’un amiral à bord d’un croiseur. Il a vécu au Japon, au Brésil, à Djibouti.

On le connaît aussi pour ses romans "La Meute de la Lune", "Prions pour la Mort", "Te retourne pas, Handala !". Mais, il a toujours été très discret sur sa vie d’enfant et d’adolescent à Saint-Dié dans les Vosges où il est né. Une famille composée en partie de juristes et en partie d’artistes. Il a fallu qu’un de ses amis le "harcèle pendant plus de six mois" pour qu’il couche sur le papier cette histoire dans l’Histoire. Celle de son adolescence en 1944 à Saint-Dié des Vosges, une ville martyre un peu oubliée de tous.

"Saint-Dié est rarement mentionnée dans les villes martyres. Je ne sais pas pourquoi, son sort est passé sous silence", nous confie-t-il. "Rose, la neige" (Éditions du petit pavé) est un témoignage fort et émouvant, basé sur une mémoire intacte des événements. "C’était totalement spontané. C’est quelque chose, que j’ai en moi depuis si longtemps. Je n’en parlais pas, car je ne voulais pas faire pitié. Quand j’ai commencé à écrire, tout est sorti. J’ai écrit l’ouvrage en trois mois."

Nous étions réduits à l’état primaire

Olivier Gérard, auteur

"C’est une forme de confession, qui est un soulagement. Saint-Dié, terre brûlée, on entend souvent cette expression, mais c’est aussi un monde qui a disparu. Je voulais exprimer la vie d’un adolescent de 11 à 14 ans au milieu de ces événements extrêmement violents et dangereux, quelques fois avec inconscience. La seule fois où je me souviens avoir eu peur est le jour où des obus de 150 sont tombés sur le château. Nous nous y étions réfugiés. Nous avons foncé à la cave et quand nous sommes remontés, l’endroit était entièrement détruit. La baronne, à qui appartenait le château, a éclaté en sanglots."

L’auteur, originaire des Vosges, raconte la vie à la bougie, l’absence de commodités : "Nous étions réduits à l’état primaire," et malgré cela la vie qui continue. Il se souvient de ses parents qui avaient déjà vécu la précédente Grande Guerre, celle de 14-18, se lamenter en répétant "tout a brûlé. Et nous, les enfants, en avions assez et nous finissions par les singer en disant : 'mais oui, tout a brûlé' et nous nous enfuyions."

Tout individu qui n’aura pas quitté les lieux à 11 heures sera en danger de mort

Olivier Gérard, auteur

Olivier Gérard a une plume de romancier et un œil de réalisateur et il n’a pas oublié de s’en servir pour ce témoignage. Non pas pour combler son histoire avec de la fiction, mais pour mobiliser ses souvenirs, et à force de détails, dépeindre un quotidien dans lequel chacun tente de survivre. Ainsi le titre de l’ouvrage "Rose, la neige" évoque une des journées "les plus difficiles" pour l’auteur. Il écrit : "9 novembre, il fait gris. À l’aube, le son aigre et sinistre de la corne du garde champêtre retentit comme la veille. Que va-t-il nous annoncer ? Sur ordre de la Gestapo, tout habitant de cette partie de Saint-Dié est sommé de quitter son domicile et de se replier au-delà de la Meurthe, dans le faubourg situé sur la rive gauche. Tout individu qui n’aura pas quitté les lieux à 11 heures sera en danger de mort."

Ce jour-là, Olivier Gérard, ou plutôt l’enfant qu’il était, a vomi. La neige s’est mise à tomber. "Mon père nous a dit en partant : 'regardez bien la maison, vous ne la reverrez plus.' Il avait raison. Quarante-huit heures plus tard, il ne restait que quatre murs, comme quatre mains qui suppliaient le ciel. Nous étions réfugiés dans le château de la baronne quand un homme nous a hurlé : 'ils ont brûlé la ville.'

Nous sommes montés sur le toit. La neige avait recouvert la ville et elle était rose. L’incendie de la ville faisait rage et les lueurs des flammes coloraient la neige en rose. Ce sont des moments que l’on n’oublie pas."

Cette période a marqué à tout jamais l’adolescent qu’il était. Elle explique, peut-être, cet irrépressible besoin d’aventures et de péripéties à travers le monde, cette révolte et l'envie d’échapper aux conventions familiales, l’appel de l’art, du cinéma et de l’écriture.

Après sa licence en droit, à Nancy, Olivier Gérard a compris que la vie bien rangée n’était pas pour lui. "J'ai dit : cela suffit, je veux être moi". Il voulait répondre à l’injustice en la combattant avec des mots.

Rose la neige, Éditions du Petit Pavé

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