Depuis 2015, Gérardmer voit fleurir les chalets destinés à accueillir les touristes. Les nouvelles lois d'urbanisme permettent une densification des constructions, au regret de certains riverains. Un collectif essaie de freiner cette évolution. Etat des lieux à la veille de la saison hivernale.
La situation est loin d'être aussi tendue que dans les stations de ski des Alpes, mais les Gérômois commencent à s'inquiéter en ce début décembre 2019. Sur le coteau de la Rayée, Alain Grivel, qui habite Gérardmer depuis 1993, est attristé d'avoir vu construire, juste en face de chez lui, une quinzaine de chalets à des fins touristiques. "On a toujours connu ce terrain vierge, c'était le pré des vaches. Aujourd'hui, les vaches à lait, ce sont les touristes", déplore Alain Grivel. Et forcément, cette concentration apporte son lot de contrariétés. En ligne de mire, les chalets de grande capacité, prévus pour 8, 10 ou 15 personnes. "Nous souffrons énormément des nuisances sonores, raconte Alain Grivel. En particulier les week-ends de printemps et d'automne, les chalets sont loués pour des fêtes, des enterrements de vie de garçon, des anniversaires. Et nous sommes parfois obligés d'appeler la police."
Nous souffrons énormément des nuisances sonores.
- Alain Grivel, riverain
Beaucoup de constructions depuis 2015
La demande de chalets individuels a explosé ces dernières années dans les Vosges. "En montagne, le chalet a toujours fait recette, explique Alain Ruer, Gérômois et loueur de chalet à proximité des pistes de ski alpin. Les gens cherchent le contact du bois, le feu de cheminée." Les touristes veulent de la convivialité. "Dans un chalet, on se retrouve en famille ou entre amis, on fait ses activités ensemble, on cuisine et on mange ensemble, ce qu'on ne peut pas faire dans une chambre d'hôtel", affirme Alain Ruer.A Gérardmer, les résidences secondaires et les logements "occasionnels" (destinés au tourisme) représentent plus du tiers des logements (35% en 2016). La moyenne nationale est de 9,4%. La part de ces logements a augmenté de 6% entre 2011 et 2016. Dans le même temps, la population gérômoise a baissé de 5% passant de 8.561 à 8.133.La tendance se confirme avec les permis de construire. Sans savoir si une nouvelle habitation sera destinée à une résidence principale ou non, la mairie de Gérardmer a signé 140 permis de construire en 2019, contre 106 en 2016. En parallèle, la communauté de communes de Hautes-Vosges a recensé 185 meublés de tourisme supplémentaires sur Gérardmer. Les nouvelles constructions se concentrent surtout à proximité de la station de ski (à la Mauselaine et la Rayée), sur le coteau des Xettes et dans le secteur des Gouttridos.
"Gérardmer est défigurée"
"C'est devenu un parc d'attraction géant, où se rassemblent des meutes de touristes chaque vacances et week-ends, déplore Anne Huart, présidente de l'association Gérardmer patrimoine nature. Ça n'a plus rien à voir avec l'esprit montagne que Gérardmer a l'habitude d'avoir et que la plupart des familles viennent chercher." L'association a pour but de chercher des solutions et de les proposer en mairie pour ralentir cette hyperurbanisation. "Gérardmer est défigurée et dénaturée, parce qu'elle est densifiée. Les coteaux sont envahis", alerte Anne Huart.Le problème, c'est que la mairie n'a pas beaucoup de marge de manoeuvre. Depuis la loi Alur (pour l'Accès au logement et un urbanisme rénové) de 2014, il n'y a plus de surface minimale de terrain imposée pour construire une habitation. Sur Gérardmer, selon les secteurs, il fallait au moins un terrain de 1.500m² ou 2.000m² pour bâtir une maison.
Aujourd'hui, tout ceci est balayé et un promoteur peut construire plusieurs chalets sur une surface équivalente. Le maire (PS) de Gérardmer Stessy Speissmann est un peu démuni : "Si les chalets respectent les règles nationales en vigueur, notamment la loi Alur, et si elles respectent le Plan local d'urbanisme, je ne peux pas, en tant que maire, m'opposer à une construction."
Dans les Alpes, le maire de Chamonix tente de résister contre les résidences secondaires, au risque de se retrouver hors-la-loi.
Gérardmer n'est pas une ville-station : plus de 8.000 personnes y vivent à l'année. Mais le tourisme y reste l'activité économique principale.