Quand une association remet au goût du jour la fabrication de lessive à base de cendre, cela donne la Fougère de Liezey dans les Vosges. Chaque année, c'est jour de fabrication pour ce produit 100% écolo aux vertus nettoyantes et dégraissantes imparables grâce à sa forte teneur en potasse.
"Tout commence à l'automne" raconte Francine Delaplace, "on fauche deux hectares de fougères. On les laisse sécher et on les stocke à l'abri". Six mois plus tard, en avril, rendez-vous pour la "grande lessive". Une bonne partie des habitants du petit village de Liezey, dans les Vosges, s'est donné rendez-vous pour une journée très particulière. "Je suis belge et flamande" raconte la retraitée âgée de 74 ans, "voilà 17 ans que j'habite dans les Vosges et que je m'investis pour animer le village. Vous savez quoi ? Nous avons donc créé une association il y a une quinzaine d'années. Nous sommes 300 habitants. 116 adhérents et 50 personnes actives. Pas mal, non ?".
Sauvegarder le patrimoine, c'est ce qui motive les adhérents. Et notamment sept fours dont le plus ancien date du 18ème siècle. "Ces abris en granit que l'on nomme des fiarans servaient à fabriquer des cendres riches en potasse" raconte l'intéressée, "les anciens récupéraient cette cendre pour laver leur linge, essentiellement les blancs. Mais attention, ils n'utilisaient que des fougères. La fougère, c'est le top. Elle peut contenir jusqu’à 10 % de potasse en poids. Tous les bois peuvent convenir mais il faut éviter les sapins et résineux, pauvre en potasse, et le chêne dont les tanins vont colorer la lessive".
Les anciens ajoutaient des bouses et de l'urine dans le four, on ne va pas jusque-là
Francine Delaplace, présidente de l'association La Fougère
Et voilà ce savoir-faire ancestral remis au goût du jour car la cendre est tout sauf un déchet. "C'est fort en potasse, j'ai fait analyser notre breuvage, on obtient un pH de 11. Du coup, notre lessive dégraisse et blanchit le linge comme rien au monde grâce à la soude et la potasse".
Jour de production
Une fois par an, c'est jour de fabrication à Liezey. Direction le fiaran. "Les bois et fougères ont été réduits en cendre selon un procédé traditionnel proche de celui utilisé jadis par les charbonniers pour la production du charbon de bois, c'est une cuisson à l’étouffée" raconte Francine, la présidente de l'association, "la particularité, c'est que ça pue. Cette odeur explique d'ailleurs l’origine du mot fiaran car "fiarer" signifie puer en patois vosgien. Les anciens ajoutaient des bouses et de l'urine dans le four, on ne va pas jusque-là. Un peu de fumier ou du purin pour enrichir les cendres en éléments actifs… Oui, à la fabrication, ça ne sent vraiment pas bon ! C'était leur eau de Javel".
Les cendres sont alors recueillies, tamisées puis mise en macération quelques semaines dans des fûts remplis d’eau de source. Après un mélange vigoureux, l’ensemble décante plusieurs heures. Il faut ensuite filtrer pour obtenir un liquide légèrement visqueux et un peu jaunâtre. Prochaine opération, la mise en bouteille. "On fait tout ça dans la salle des fêtes. On lave les bouteilles, environ 400. "Mais attention" insiste Francine, "uniquement des bouteilles de champagne ou de crémant, il faut une couleur verte pour conserver le produit. Tout est naturel. On ajoute ensuite une étiquette et un bouchon de liège et c'est terminé. Et la bouteille doit rester droite pour éviter d'être rongée par la potasse. À l'utilisation, il faut bien évidemment la diluer. Elle peut être mise en machine ou encore lave les sols car elle dégraisse bien".
Production 2024. 700 bouteilles mises en vente au prix de 5€ l'unité. "Tout est déjà vendu mais on refait une petite production après la mi-juin. Environ 200 bouteilles". Les bénéfices servent à financer les projets de l'association dans le village comme la rénovation de fours à pain ou l'entretien d'un jardin médiéval.