D'où vient-il ? Quelles différences avec celui des Britanniques ? Que pensent-ils du nôtre ? On vous dit tout sur l'incontournable puits à calories que l'on sert dans la plupart des bars nordistes.
C'est l'un des plats les plus emblématiques du Nord Pas-de-Calais, dont la seule mention vous fait prendre quelques kilos. On vous dit tout sur le welsh, mets incontournable des estaminets nordistes.
1. Aux origines du welsh : une moquerie contre les Gallois
Cela n'aura pas échappé aux anglophones : "welsh", en anglais, signifie "gallois". Son origine est bel et bien anglo-saxonne, mais le "welsh rarebit" est bien différent. Il s'agit plutôt d'une tartine grillée, à la manière d'un croque-monsieur, avec bien moins de fromage que chez nous.
La recette est peut-être plus ancienne, mais le terme de "welsh rabbit" (lapin) est apparu en 1725, puis s'est transformé en "welsh rarebit" en 1785, selon l'encyclopédie Britannica : il s'agissait a priori d'une moquerie à l'égard des Gallois (qui nomment le plat "caws-wedi-pobi", signifiant "fromage cuit"). Selon la légende, ces derniers n'avaient pas les moyens de se procurer de la viande de lapin et n'étaient pas capables de la chasser, se contentant donc de fromage fondu sur une tartine, en guise de substitut.
Une autre explication vient de l'usage du mot "welsh" aux 17e et 18e, qui pouvait évoquer la contrefaçon d'un produit, en qualité inférieure : le 'welsh rabbit" serait donc la contrefaçon galloise d'un plat à base de lapin. Bonne ambiance, entre voisins.
2. Une arrivée en France mystérieuse
On ne sait pas exactement à quelle date le welsh est arrivé sur la Côte d'Opale. Il pourrait avoir été importé au cours de la Première Guerre mondiale, note la version anglaise du site de l'office du tourisme calaisien. Les soldats britanniques, très nombreux à être stationnés sur la côte, auraient introduit les aubergistes locaux à ce plat rapide à faire et bien remplissant.
Selon une autre théorie, le plat aurait été importé il y a bien plus longtemps en France, sous Henri VIII, lors du siège de Boulogne en 1544, alors qu'une garnison galloise se trouvait stationneé au mont Lambert à Baincthun, rapportait en 2018 La Voix du Nord.
3. Welsh ou welch ?
La question paraît saugrenue : le mot anglais s'écrit avec un S, et non un C. Et pourtant, de nombreuses sites écrivent "welch", comme cette recette du site de cuisine Marmiton, ce "welch traditionnel" ou encore ce "welch à la bière".
Les Français ne sont pas les seuls à faire l'erreur : même dans les archives de l'armée britannique, des régiments de Gallois étaient tour à tour nommés "welch" ou "welsh", peut-on lire (en anglais) sur ce forum dédié à la Première guerre mondiale.
Aujourd'hui, le mot "welch" a bel et bien un sens dans la langue de Shakespeare, relié à son pendant "welsh" et il n'est encore une fois pas très flatteur pour les Gallois : le terme de "welch" désigne un mauvais payeur, quelqu'un qui n'honore pas une dette ou ne rembourse pas un prêt.
Parler d'un "welch" pour le plat est donc une erreur... mais pas un non-sens complet.
4. Du cheddar, ou pas
Qui a dit que le cheddar était une obligation ? Auparavant, la recette réclamait du chester, un autre fromage anglais, dense et friable.
De ce côté-ci de la Manche, il n'est pas rare de voir du welsh fait avec du maroilles, ou du Bergues, dans les Flandres. Certaines recettes suggèrent également de couper le cheddar avec un autre fromage – chester et maroilles, justement, ou encore de l'emmental.
Notons encore cette recette de l'émission Midi en France, qui allie le pain d'épice et la tome d'Orchies.
5. Combien de calories ?
Le nombre de calories dépend évidemment de votre portion et des accompagnements : simple, "complet" (avec un œuf) avec jambon, avec saucisse, avec poitrine fumée (parfois les trois à la fois !). Le site Fatsecret, qui se donne pour mission de chiffrer le nombre de calories de chaque plat, l'estime à 377 calories. Une des nombreuses recettes trouvables sur internet monte jusqu'à 561.
À mi chemin entre les deux, nos confrères de La Voix du Nord donnent le chiffre de 400 calories, avant de citer une diététicienne, pour qui "on peut manger un welsh par semaine. Plus, ce ne serait pas forcément génial pour la santé." Et encore, c'est sans compter les frites, accompagnement indispensable du welsh.
6. Un record mondial à Calais
Le record a été officiellement inscrit dans le "Guinness Book" : le restaurant L'Hovercraft, à Calais, a une première fois battu un record mondial en servant 106 welsh rarebit en une heure, au cours d'un festival de motos organisé le 11 juin 2011.
Trois ans plus tard, rebelotte : l'Hovercraft a servi 136 welsh rarebit en une heure en septembre 2014, pulvérisant son propre record.
Notons qu'il s'agit de la variété d'outre-Manche – où le toast prend une place plus importante – le gérant du restaurant étant lui-même Britannique.
7. "Notre" welsh vu par les Britanniques
Que pensent les Britanniques de la réinvention nordiste de leur plat ? Quelques expatriés font parfois part de leur expérience du welsh nordiste, comme cette bloggueuse, vivant à Lille et qui a décidé d'en cuisiner un maison avec ses colocataires. Verdict : "le welch [sic] a beaucoup plu aux garçons, mais je n'ai pas été une grande fan. Même si je suis entourée de bières belges et que je n'ai pas d'autre choix que de les aimer, il y en avait trop dedans à mon goût."
Sur ce forum anglais, un internaute confie en revanche avoir testé plusieurs fois notre welsh et l'avoir trouvé "meilleur qu'un rarebit".
Et puis il y a eu l'Euro 2016, au cours duquel Anglais et Gallois se sont affrontés au Stade Pierre-Mauroy. L'occasion pour les Britanniques de tester en grand nombre le welsh, et plusieurs médias s'en sont faits l'écho. La BBC a par exemple donné la parole à des "supporters gallois [qui] essaient le Welsh rarebit à Lille" : les supporters qui y étaient interrogés sont plusieurs satisfaits : "C'est plein de saveurs, des saveurs très fortes" ; "Ça se présente bien et c'est très remplissant. C'est vraiment bon." D'autres regrettent l'absence d'agneau.
Le quotidien y rappelle également que le plat "tient une place particulière dans le cœur des habitants de cette région". Ces témoignages seront repris par le site WalesOnline pour qui "les bars français servent Le Welsh et c'est le plat parfait de lendemain de cuite pour l'Euro".
French pubs are serving a dish called Le Welsh and it’s the perfect hangover food for #EURO2016 https://t.co/3L1WJljbdx
— WalesOnline (@WalesOnline) June 30, 2016
8. La sauce Worcestershire inventée par accident ?
N'imaginez pas un welsh sans sauce Worcestershire (à prononcer "Worstershire"). Ce condiment typiquement anglais, aigre-doux et piquant, serait né par accident au 19e siècle. Le gouverneur du Bengale, Lord Marcus Sandy, aurait alors rapporté de l'Inde à Angleterre du garum, une sauce fermentée à l'anchois.
Il l'aurait alors présenté à deux apothicaires dans le but de la commercialiser, mais l'odeur les en aurait dissuadés. Oubliée pendant deux ans dans une cave, la sauce se révela aigre-douce au terme de cette fermentation. Ils décidèrent de la produire et de la vendre, et le succès fut immédiat.
La recette est toujours secrète, mais on sait qu'elle contient de l'anchois, des échalotes, de l'ail, de la mélasse, du sucre, du sel, du pulpe de tamarin et plusieurs épices (piment, clous de girofle...)
9. Une recette de welsh datant de 1957...
Attention, c'est vintage ! En 1957, le chef Raymond Oliver présentait plusieurs recettes de fondues aux côtés de la speakerine Catherine Langeais dans "Art et magie de la cuisine".
Outre une fondue savoyarde classique à base d'emmental, le cuisinier y présente deux autres plats à base de fromage fondu sur du pain : le welsh rarebit avec du chester, et une autre recette anglaise, moitié cheddar, moitié emmental, avec des morceaux de jambon.
Nous allons commencer par faire une réduction de bière..." lance le cuisinier, qui se prépare à réaliser "un ersatz de fondue, en quelques sortes". Plutôt que du cheddar, il utilise du fromage de chester, "une véritable merveille" qu "sert à faire le welsh rarebit". Autrement dit, du fromage sur un grand toast, sans viande, comme c'est on le mange toujours de l'autre côté du Channel.
10. Et quelques autres plus récentes
Si vous cherchez une recette plus récente, elles ne manquent pas. Comme ce welsh revisité du chef nordiste Benjamin Bajeux.
Ingrédients (pour 4 personnes)
- 400 gr de cheddar râpé
- 4 tranches de jambon
- 4 tranches de pain de campagne un peu rassies
- 30 cl de bière (blonde ou ambrée)
- 4 cuillers à soupe de moutarde
- Sel et poivre
Préparation
- Dans une poêle, mettre le cheddar râpé, 4 cuillers à soupe de moutarde, la bière, le poivre et le sel.
- Laisser fondre en mélangeant le tout régulièrement.
- Découper 4 tranches de pain en dés.
- Verser 30 cl de bière blonde sur les dés de pain et laisser absorber toute la bière par le pain.
- Découper également 4 tranches de jambon en dés
- Dans des caquelons, allant au four, mettre des morceaux de pain imbibé de bière puis les dés de jambon puis la sauce au Cheddar.
- Saler et poivrer.
- Mettre au four 10 minutes à 180°.
Autre recette, celle de l'émission Météo à la carte :
Ingrédients (pour 4 personnes)
- 500 g de cheddar
- 500 g de Château Bleu
- moutarde
- 4 cuillères à soupe de bière
- 4 tranches de pain
- 4 tranches de jambon
- 4 oeufs
Préparation
- Découper le cheddar et le château bleu en dés.
- Dans une casserole, mettre le fromage, 1 cuillère à soupe de moutarde et la bière. Faire fondre le tout à feu doux.
- Faire dorer le pain au grille-pain. Le placer dans une assiette creuse.
- Déposer une tranche de jambon par-dessus.
- Faire couler le fromage sur le tout. Gratiner le plat au four pendant quelques minutes.
- Faire cuire les œufs au plat. Les disposer sur le welsh.