La garde à vue du tireur présumé du musée juif de Bruxelles, le Français Mehdi Nemmouche, a été prolongée au-delà des quatre jours habituels en matière d'antiterrorisme, une mesure rarissime prise mardi par la justice française.
Une telle décision de prolongation de 24 heures ne peut être prise que dans deux cas: "le risque imminent d'attentat" ou "des motifs liés aux nécessités de la coopération internationale". Cette durée dérogatoire a déjà été utilisée, notamment dans l'affaire de la cellule dite de Cannes-Torcy, décrite par la justice française comme la plus dangereuse en France depuis les attentats islamistes des années 1990. Aucune explication sur cette prolongation n'a pu être obtenue par l'AFP.
Une audition de Nemmouche, actuellement en garde à vue et qui devait être réentendu par les enquêteurs mardi dans la matinée, n'a finalement pas eu lieu. "On n'a pas pu l'auditionner. Il a refusé d'être extrait de sa cellule. C'est une décision personnelle", a déclaré à l'AFP son avocat, Me Apolin Peziepep, qui s'était rendu sur place pour l'audition prévue à 09H00. "Il sera présenté demain (mercredi) à l'avocat général en charge de l'exécution des peines", a indiqué la source judiciaire. L'heure de présentation au magistrat n'est pas encore connue.
Le mandat d'arrêt européen notifié, il sera selon toute vraisemblance ensuite placé en détention, sous écrou extraditionnel, le temps de la procédure. La durée de celle-ci dépendra notamment de l'accord de Nemmouche pour être extradé vers la Belgique. Un accord qu'il prévoit jusqu'à présent de donner, a indiqué mardi matin son avocat.
L'enquête continue
L'enquête va désormais se poursuivre des deux côtés de la frontière. En France, confrontés au mutisme de Nemmouche, les enquêteurs entendent élucider les raisons pour lesquelles il s'est rendu à Marseille. Ayant été en détention dans le sud, voulait-il se rendre chez une connaissance pour "se mettre au vert"? Sa famille étant d'origine algérienne, avait-il le projet d'embarquer pour fuir la France en bateau? Mais alors, pourquoi prendre le risque d'emporter les armes qui ont été retrouvées lors de son interpellation vendredi? Enfin, envisageait-il de frapper encore? Mais alors, se demande une source proche du dossier, pourquoi s'exposer à une interpellation en traversant toute la France alors que les cibles ne manquaient pas en Belgique ou dans le nord de la France d'où est originaire ce délinquant converti à l'islamisme radical en détention?Désormais, toutefois, c'est surtout en Belgique que l'enquête va se développer. Même si les enquêteurs n'ont guère de doute, les expertises balistiques
devront dire scientifiquement si les armes retrouvées sur Nemmouche à Marseille sont bien celles utilisées à Bruxelles, où trois personnes ont été tuées tandis qu'une quatrième est dans un état désespéré. Les Belges vont également se pencher sur le réseau relationnel de Nemmouche dans ce pays, place forte des candidats au jihad en Syrie. Dimanche, les enquêteurs belges ont mené des perquisitions à Courtrai, à deux pas de la frontière française. Ce pan de l'enquête doit permettre de déterminer si le profil de "loup solitaire" dressé par le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, est le bon.
La mort d'un rabatteur de l'EIIL
Nemmouche est-il un nouveau Mohamed Merah? Selon une source proche du dossier, en prison, il a fait montre d'une "certaine fascination pour ce qu'avait fait Merah", qui a assassiné trois militaires puis trois enfants et un père juifs, en mars 2012, à Toulouse et Montauban. Les deux hommes partagent le même profil de délinquant, en rupture sociale. Mais à en croire ses proches et son ancienne avocate, Nemmouche ne semblait pas particulièrement porté sur la religion quand le tueur au scooter baignait dans un environnement familial salafiste. Quand il sort de sa dernière détention, en décembre 2012, il est signalé comme s'étant radicalisé. Trois semaines plus tard, il part via Bruxelles en Syrie, où il intègre un groupe radical, l'EIIL (Etat islamique de l'Irak et du Levant). Il reste plus d'un an en Syrie, avant de revenir via l'Asie en Europe. Repéré à Francfort, il est signalé aux Français le 18 mars.Selon les estimations des services de renseignement, ils sont entre 2 et 3.000 Européens à s'être rendus en Syrie, depuis la France, le Royaume-Uni, le Danemark, la Norvège et la Belgique; ces trois derniers pays étant les plus concernés au prorata de leur population. En France, ils seraient environ 800 à être allés combattre, à être revenus ou à envisager de se rendre en Syrie. Quelque 300 s'y trouvent encore. La mort d'une trentaine d'entre eux a été officialisée. Dont, très récemment, selon une source proche du dossier, celle de Chaquir Maaroufi, considéré par les services antiterroristes comme un rabatteur de l'EIIL via les réseaux sociaux, avec un profil de délinquant radicalisé identique à celui de Merah ou de Nemmouche. Les spécialistes du contre-terrorisme voient dans le retour de ces jihadistes une menace majeure d'attentats sur le sol européen. La police française est convaincue d'en avoir déjoué un sur la Côte d'Azur en février, fomenté par un de ces "vétérans" de Syrie.
Filières jihadistes: un jeune Français placé en détention en Belgique
Un jeune Français soupçonné d'être lié à des filières de recrutement jihadiste et arrêté à la demande de la France, a été placé mardi en détention en Belgique dans l'attente de son extradition, a indiqué le parquet fédéral de Belgique. L'homme, Cédric Vuillemin, 23 ans, "a été privé de liberté en vue de son extradition en France", a affirmé le porte-parole du parquet, Eric Van der Sypt, interrogé par l'AFP.L'affaire pour laquelle il a été arrêté "n'a aucun lien" avec la tuerie du musée juif, dont l'auteur présumé, le Français au profil jihadiste Mehdi Nemmouche, a été arrêté vendredi à Marseille. Cédric Vuillemin a été arrêté lundi à Schaerbeek, une commune déshéritée de la périphérie de Bruxelles, à la "suite d'un mandat d'arrêt européen" émis par la France, a précisé M. Van der Sypt. Dans le sillage de l'affaire du musée juif de Bruxelles, les autorités françaises et belges se sont engagées à renforcer encore la lutte contre les filières qui recrutent des Européens pour en faire des candidats au jihad, notamment en Syrie où était passé Mehdi Nemmouche.
Les autorités françaises ont aussi arrêté lundi quatre autres hommes soupçonnés d'être liés à ces filières de recrutement, dans le sud de la France.