Cinq ans de prison, dont quatre ferme, ont été requis mardi à l'encontre d'un ancien agent d'assurances, jugé par le tribunal correctionnel de Saint-Omer (Pas-de-Calais) pour avoir détourné 3,4 millions d'euros au préjudice de plus de 80 clients et de l'assureur Generali.
Le prévenu, 59 ans, moustache poivre et sel, comparaissait libre, sous contrôle judiciaire, pour abus de confiance aggravé et faux et usage de faux. Il encourt 7 ans d'emprisonnement. Ancien dirigeant d'une agence de l'assureur Generali à Ardres (Pas-de-Calais), il a reconnu avoir, entre 2002 et la liquidation de son agence en 2012, détourné environ 3,4 millions d'euros qui lui avaient été confiés par plus de 80 clients souscrivant des assurances-vie, et avoir fourni de faux relevés.
Cette clientèle - rurale, familiale, démarchée à domicile, qui faisait confiance à cet assureur impliqué dans la vie politique et associative du bourg - comptait des personnes en deuil, faibles, ou malades. "La confiance et l'amitié étaient un peu le carburant de vos escroqueries", a lancé le procureur en prononçant ses réquisitions: "La délinquance en col blanc n'est pas acceptable dans notre société". En 2012, "la digue craque", relate le président: la justice reçoit des "informations précises et circonstanciées" de la part de clients s'estimant floués, Generali révoque l'agent, il est mis en examen.
Le cabinet d'assurances était endetté, explique le prévenu, décrivant un "engrenage" lorsqu'il a commencé à détourner des fonds pour éponger ces dettes, en faisant croire à certains clients que leur argent transitait par ses comptes pour être placé chez Generali, alors qu'il l'encaissait.
Sur les 3,4 millions détournés, quelque 456.000 euros auraient été remboursés, soit une différence nette de 2,9 millions d'euros dont les enquêteurs peinent à dire ce qu'ils sont devenus, en raison notamment du nombre de comptes bancaires du prévenu, une trentaine au total. "J'ai puisé une partie de cet argent pour maintenir notre train de vie", mais "je n'ai pas profité du tout pratiquement de cet argent", a assuré le prévenu, reprochant à Generali de ne pas l'avoir suffisamment contrôlé : "Pourquoi m'ont-ils laissé continuer à me démolir?" "Vous n'êtes pas assisté", a rétorqué le président.
La défense de l'ancien assureur a demandé "une peine de prison de deux ans maximum", jugeant excessives les réquisitions du ministère public, et pointant la responsabilité "morale" de Generali.
Des dizaines d'anciens clients, certains s'étant constitués partie civile, étaient présents au palais de justice. La salle d'audience, trop exiguë, n'a pu tous les accueillir. "Je suis profondément désolé et je regrette. Je me retourne et je vous regarde tous", a conclu le prévenu en se tournant vers ces visages familiers. "Pour les victimes, c'est juste l'horreur. Ça fait deux ans qu'elles ne savent plus faire confiance", a lâché Me Jean-Marc Besson, qui défend nombre d'entre elles. "Je suis profondément désolé et je regrette. Je me retourne et je vous regarde tous", a conclu le prévenu en se tournant vers ces visages familiers.
Le jugement a été mis en délibéré au 1er juillet. L'audience sur les intérêts civils a été renvoyée à cette date.