Echaudés par plusieurs années très difficiles, les industriels de l'éolien réunis ce mardi à Lille pour un colloque annuel, restent prudents sur l'avenir du secteur en France, alors que l'activité est repartie depuis le début de l'année.
"Cela repart un peu, nous nous en félicitons", indique Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables, organisateur du colloque national éolien.Au premier semestre, 410 mégawatts (MW) ont été raccordés contre 580 sur toute l'année 2013.
"C'est un redémarrage notable, nous voyons les dossiers qui avancent, les projets qui se débloquent", a renchéri Emmanuel Jaclot, directeur général adjoint France d'EDF Energies Nouvelles, deuxième exploitant de parcs éoliens en France, derrière GDF Suez.
Côté constructeur de turbines, même perception : "Nous avons installé 243 MW en 2013 et nous serons bien au-delà en 2014", a indiqué Nicolas Wolff, directeur général de Vestas France qui a passé cet été la barre des 2.000 MW de puissance cumulée dans l'Hexagone.
"Si cela continue, nous arriverons à 800 ou 900 MW à la fin de l'année, c'est mieux qu'en 2013 mais moins bien que le pic de 2010", quand la France avait installé 1.250 MW, prédit Jean-Louis Bal.
Et c'est en tout cas insuffisant pour atteindre l'objectif officiel fixé pour 2020 à 19.000 MW d'éolien terrestre, alors que la capacité installée atteint aujourd'hui 8.200 MW.
La reprise enregistrée depuis le début de l'année est la conséquence de la loi dite Brottes sur l'énergie, adoptée en mars 2013, qui a abrogé le minimum de 5 éoliennes par parc pour bénéficier des tarifs de rachat de l'électricité et qui a supprimé les "Zones de développement de l'éolien" simplifiant ainsi les procédures de développement des projets.
"Concrètement, chez EDF EN, trois de nos projets en Languedoc-Roussillon d'une capacité totale de 35 MW ont été débloqués grâce à cette loi", explique M. Jaclot.
Autre moteur de ce regain d'activité: la sécurisation du tarif de rachat de l'électricité produite via les éoliennes terrestres, qui avait été annulé par le Conseil d'Etat après un recours de l'association anti-éolien Vent de Colère. "Cela avait entraîné un retrait des investisseurs et des banques qui ne finançaient plus aucun projet", explique Anne Lapierre, avocate spécialiste de l'énergie chez Norton Rose.
Le secteur a également fait des progrès technologiques avec des turbines plus puissantes et une meilleure gestion des parcs qui rendent l'éolien plus compétitif face à d'autres énergies.
"Les grands exploitants ont développé un savoir-faire dans l'exploitation des sites à travers par exemple le pilotage à distance et l'optimisation des éoliennes qui a permis de gagner quelques points de rentabilité", note Arnaud Leroi, directeur Energie à Paris de Bain & Company.
Radars et simplification dans la ligne de mire
Malgré tout, les industriels affichent une certaine prudence, estimant que des verrous empêchent toujours un redémarrage pérenne de la filière. "Pour 2015, nous avons encore pas mal de blocages", estime M. Wolff citant notamment "les changements perpétuels de réglementation" qui réduisent la visibilité des entreprises.Les industriels sont ainsi dans l'attente du vote de la loi sur la transition énergétique, qui doit déterminer les futurs objectifs dans l'éolien et définir un nouveau mécanisme de soutien avec la fin annoncée des tarifs d'achat.
Ils guetteront aussi les mesures de simplification administrative comme la généralisation de l'autorisation unique qui réduirait les recours contre les projets.
"Cela permettrait de diviser par deux la durée de développement des projets qui atteint 8 à 10 ans aujourd'hui", avance Thierry Conil, président de la Compagnie du Vent, filiale de GDF Suez. En 2014 l'entreprise a obtenu les autorisations pour six projets dont le plus ancien avait été lancé en 2002, note-t-il.
Dans ces conditions, pour Arnaud Leroi, si la cible de 19.000 MW est crédible, "le calendrier ne l'est certainement pas, car le secteur se heurte à la question du temps et des recours" d'opposants à leurs projets.
Autre inquiétude : le problème de la compatibilité des parcs éoliens avec les radars météos ou militaires, qui s'intensifie à mesure que les parcs se densifient et que la hauteur des turbines augmente.
La profession estime à plusieurs milliers de mégawatts les projets bloqués par des avis défavorables du ministère de la Défense et des discussions sont en cours pour trouver un terrain d'entente au cas par cas.