Fini le temps des polémiques et des célébrations oecuméniques du bicentenaire : les armes ont à nouveau parlé vendredi soir sur la plaine de Waterloo, pour la plus grande reconstitution jamais organisée de la bataille qui a scellé le sort de Napoléon.
Près de 6.000 "reconstitueurs" venus de 52 pays, en costume et les armes à la main, se sont élancés sur le champ de bataille pour rejouer la bataille du 18 juin 1815, l'une des plus importantes confrontations armées de l'Histoire.
Au lendemain du message de paix envoyé par les têtes couronnées et représentants européens, les cris de guerre ont de nouveau résonné sur la morne plaine, deux cents ans après la fameuse bataille. Environ 60.000 spectateurs ont assisté au spectacle, à guichets fermés depuis des mois. Dans cette première représentation, intitulée "L'attaque française", les canons ont tonné dans les rangs de l'empire - sans que le moindre boulet n'en sorte.
Les canons tonnaient des deux côtés pendant que les soldats anglo-néerlandais du duc de Wellington et ceux de l'empire traversaient la plaine légèrement vallonnée de Mont-Saint-Jean, où plus de 47.000 soldats se sont effondrés, morts ou blessés, il y a deux siècles.
L'effroyable mêlée s'est reproduite cette fois sous les applaudissements du public, pendant près de deux heures, avant que les Anglais ne se lèvent et fusillent la Garde impériale à bout portant.
"Les morts étaient décapités, mutilés", a précisé un commentateur en français, flamand et anglais, alors que résonnaient des airs entraînants de musique classique.
A la fin du spectacle, l'issue de la bataille est pourtant toujours incertaine... Il faudra donc revenir samedi soir pour connaître le dénouement de la "riposte
alliée". A la fin de cette première soirée, les forces du duc de Wellington se concentraient sur les fameuses fermes de Sainte Haie et de Hougoumont, comme ils l'avaient fait en 1815, sous le feu nourri des mousquets français.
'L'Histoire en direct'
"On adore Napoléon", s'est enthousiasmé Kevin Michael, venu de l'Etat américain de l'Ohio avec ses parents uniquement pour quelques jours de folie napoléonienne. "C'est comme regarder l'Histoire en direct", a assuré le jeune homme.Après Waterloo, Napoléon s'enfuit à Paris tandis que ses vainqueurs, l'Anglais Wellington et le Prussien Blücher, se rejoignent pour fêter la victoire à la ferme de la Belle Alliance.
"Waterloo, la folie et la grandeur, l'horreur, et le génie. La tragédie... et puis l'espoir", a déclaré dans son discours d'ouverture le Premier ministre belge,
Charles Michel, dont le gouvernement a dépensé dix millions d'euros pour ces cérémonies.
Après la commémoration solennelle présidée jeudi, deux cents ans jour pour jour après la bataille, par le roi des Belges Philippe, et placée sous le signe de la réconciliation et de la concorde, le spectacle de vendredi laissait la place à la fête, avec de nombreux spectateurs portant des drapeaux anglais ou français.
Les troupes marchaient au son des fifres et des tambours, et en réussissant à oublier les avions qui décollaient de l'aéroport de Bruxelles et qui survolaient le champ de bataille, la scène aurait pu être la même 200 ans plus tôt. Dans la vraie vie, à la fin, c'est Napoléon qui perd, s'enfuit, et meurt en exil à Sainte-Hélène, une île de l'Atlantique sud.
Le président français François Hollande et la chancelière allemande Angela Merkel étaient représentés par leurs ambassadeurs respectifs. "On nous reproche de ne pas y être, le président de la République et moi", pour "pleurer de nos larmes ce moment redoutable que vécut notre pays", a ironisé jeudi le Premier ministre français, Manuel Valls.
"La France nous montre encore une fois son incapacité chronique à assumer son histoire (Algérie, Vichy...), elle qui aime tant à rappeler sa grandeur passée", a jugé vendredi dans un éditorial cinglant le quotidien belge Le Soir.