Le champagne est lui aussi au cœur de la tourmente économique. Il pâtit de la fermeture des bars et restaurants dans une grande partie du monde. Dans le sud de l'Aisne, où l'on produit environ 10 % du champagne français, les producteurs souffrent et s'interrogent sur la durée de la crise.
Des bouteilles plus nombreuses que jamais dans la cave d'Anna Météyere. Elle est productrice de champagne de Trélou-sur-Marne dans le sud de l'Aisne. Depuis un mois, presque plus de ventes, plus d'exportations : le marché mondial est bouché.
Les locaux d'accueil pour les visiteurs restent désespérément vides. L'œnotourisme représente la moitié de l'activité de la maison. "La majorité de nos clients sont les hôtels, les restaurateurs et les petites entreprises, explique-t-elle. On a 80 à 90% de ventes en moins. Sans oublier les touristes qui ne viennent pas".
Un climat peu propice à boire du champagne
L'inquiétude est présente, mais à ce stade la perte reste encore difficile à estimer. "C'est difficile parce que la vigne continue : il y a les factures et les ouvriers qui travaillent à payer, résume Anna Météyere. Je suis inquiète parce qu'on ne sait pas combien de temps ça va durer. Au début, on s'est dit "si ça dure un mois, ça va aller : les ouvriers vont continuer à travailler et les bouteilles vont vieillir en cave". Mais on voit que ça dure plus longtemps. Et, ça devient vraiment compliqué."Les ventes sont un peu reparties à Pâques mais rien à voir avec les autres années : "on a bien conscience que les gens n'ont pas la tête à boire du champagne. Et puis déboucher une bouteille devant un écran pour boire avec sa famille à distance, ce n'est pas ce qu'il y a de mieux."
La situation est d'autant plus difficile que le secteur travaille beaucoup à l'export. Et si Anna Météyere a envoyé 10 palettes de bouteilles vers le Danemark, la crise sanitaire mondiale paralyse le marché international. Elle garde quand même une forme d'optimisme : "nous ne sommes pas dans la même situation que les fleuristes ou ceux qui ont dû jeter leur marchandise, se rassure-t-elle. Nous, nous avons notre champagne. Les bouteilles sont dans les caves et vont vieillir. On a toujours cette marchandise qu'on pourra vendre plus tard."
Une perte de 3 à 4 mois de chiffre d'affaire
Même ambiance dans les caves du plus gros producteur de l'Aisne à Château-Thierry. Chaque année, 4 à 5 millions de bouteilles y sont élaborées. Aujourd'hui, l'activité est proche de zéro. Et si l'entreprise n'est pas vraiment menacée par les deux mois sans recettes qui viennent de passer, c'est la durée de la crise qui inquiète son directeur général : "on n'a aucune visibilité sur la réouverture des restaurants notamment au niveau mondial, explique Jean-Noël Pfaff. Donc, c'est 3 à 4 mois de chiffre d'affaire qu'on va perdre. Et 3 à 4 mois de chiffre d'affaire, ça peut représenter 30 à 40% de l'activité totale d'une année".Et côté soutien financier, à part des prêts à taux préférentiel, aucun plan d'aide massif n'est pour le moment prévu pour la filière.
Dans les vignes, en avance de 10 jours, le travail se poursuit. À ce stade, personne ne veut imaginer une année sans vendange. La question de la main d'œuvre à trouver constitue en effet un autre sujet d'inquiétude. Les vendanges mobilisent chaque saison 6 000 cueilleurs.
Le champagne de l'Aisne représente 10% de la production française, soit 25 millions de bouteilles chaque année. Le sud du département compte environ 500 producteurs, installés sur 3 400 hectares de vignes.