Dans les déchetteries, de plus en plus de batteries et d'objets électroniques explosent : "ils n’ont rien à faire dans le bac jaune"

Depuis quelques années, de nombreuses batteries et autres objets électroniques explosent dans les déchetteries et les centres de tri. Des problématiques en découlent comme la sécurité du personnel, l'absence d'assureurs, mais aussi la prévention : les poubelles jaunes ne sont pas faites pour ce genre de matériaux.

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Batteries, briquets, objets électroniques avec batterie intégrée... Perdus dans la masse, ils occasionnent régulièrement des départs de feu. Les déchetteries et leurs centres de tri tirent la sonnette d'alarme depuis un moment.

"Ça arrive plusieurs fois par an"

"À plusieurs reprises, nous avons trouvé des lithiums", lance Romuald Eloi, responsable adjoint du centre de tri d'Urvillers (Aisne). Il raconte qu'un jour, en chargeant la trémie, "une batterie est tombée" sous le pneu d'un cariste et "une explosion a eu lieu et a englobé toute la roue de l'engin". Une autre fois, "une batterie a explosé directement en machine et on a eu un flash en dessous". 

Ces deux cas ne sont pas isolés. "Ça arrive plusieurs fois par an, la fréquence peut varier, on peut avoir des fréquences très rapprochées comme on peut avoir des temps morts. Tout dépend aussi de la saison", précise-t-il. 

Le problème qui se pose, c'est que ces agents-là n'ont "aucun moyen" de savoir que ces objets inflammables sont présents. "On charge au godet, dans un godet qui fait 1 500 litres, on ne peut pas détecter une batterie portable, ce n'est pas possible". 

Il faut aussi que les agents puissent voir "l'incendie, le départ, parce que parfois, ils ne le voient pas malheureusement. On peut risquer gros, on peut perdre le bâtiment complet", alerte-t-il. 

Jusqu'à maintenant, ça a été dans les machines, mais ces batteries peuvent exploser en cabines de tri et, malheureusement, on pourrait avoir des dégâts humains.

Romuald Eloi, responsable adjoint centre de tri d'Urvillers

Car il suffit simplement "d'une petite pointe" pour une petite batterie et "on peut avoir des flammes jusqu'à 60 centimètres, qui durent pendant quelques secondes, donc de quoi mettre le feu à tout ce qu'on peut avoir dans la machine". 

Les agents, de leur côté, y songent régulièrement dans l'exercice de leur travail "étant donné qu'ils ont subi ça plusieurs fois. Maintenant, ils y sont préparés, ils sont attentifs aussi".  D'autant plus que le risque a augmenté depuis "5 à 6 ans avec la multiplication des téléphones portables, des tablettes" mais aussi avec "les offres que les commerciaux font : on renouvelle plus facilement les portables donc on les retrouve plus facilement chez nous". 

Le bac jaune n'est pas fait pour les batteries, les piles ou encore les caméras

Jérôme Littière, directeur du syndicat de traitement des déchets ménagers Valor'Aisne souligne que "les particuliers, souvent en voulant bien faire, remplissent leur bac jaune ou leur poubelle jaune avec des piles, des batteries, des caméras, des consoles de jeu et notamment des téléphones avec des batteries au lithium, c'est ça qui nous pose le plus de problèmes". 

En effet, une batterie au lithium, "une fois qu'elle est percutée ou choquée, peut s'auto-enflammer très rapidement ou parfois deux à trois heures après", ce qui va "engendrer le feu sur l'ensemble du stock qui est en dépôt dans le centre de tri". 

Pourtant, "les batteries doivent être soit reconditionnées en magasin, soit dans les bornes de collecte dues à cet effet", indique Romuald Eloi.

Jérôme Littière note également la peur qu'un "engin dans le hall principal de réception de contenu des bacs jaunes roule sur une batterie et déclenche le feu au stock entrant". Au cours du trajet aussi, des matériaux dans la chaîne de tri peuvent chuter. Cette "chute de matériaux entre deux convoyeurs" peut également déclencher le feu "au moment du conditionnement des matériaux".

Le constat est partagé par Eric Delhaye, président de Val'Aisne : "ça nous pose énormément de problèmes parce qu’on a déjà eu des départs de feu qu’on a su traiter tout de suite, mais nos centres de tri peuvent être menacés à cause de la présence de ces batteries ou de ces objets qui n’ont rien à faire dans le bac jaune". 

500 000 euros d'investissement dans la détection incendie

Valor'Aisne a investi près de 500 000 euros sur leurs deux centres de tri situés à Villeneuve-Saint-Germain, à côté de Soissons et à Urvillers, près de Saint-Quentin "avec des caméras thermiques, de détection de températures dans les tas de déchets, des détecteurs de départs de flamme et des détecteurs de fumée aussi", détaille Jérôme Littière. 

Mais si l'ensemble de ces détecteurs permet d'avoir "une action intense et précoce au niveau du départ du feu", une fois que les flammes prennent "dans une centaine de mètres cubes de matériaux, il n'y a que les pompiers qui peuvent intervenir et notre consigne est de ne pas mettre nos agents en danger". 

Les assureurs ne répondent pas présent

Aujourd'hui, la difficulté pour ces centres de tri publics réside dans le fait de ne plus  avoir "d'assureurs pour nos centres de tri, nos équipes de tri, nos équipements industriels" depuis début janvier 2023, date d'échéance de l'ancien contrat, déplore Eric Delhaye. 

Jérôme Littière avance que l'an dernier "il y a eu 150 millions d’euros de sinistralités sur l’ensemble de la France pour 90 millions d’euros de cotisations, et aujourd’hui, les assureurs ne souhaitent pas assurer les centres de tri, et notamment les centres de tri publics". D'autres collectivités en France rencontrent le même problème. "Les groupes industriels ont moins de problème car ils ont des assurances nationales sur l’ensemble de leurs activités", observe-t-il.

C'est pourquoi Eric Delhaye a "sollicité le ministre de l'Économie, le gouvernement et les parlementaires pour qu'il y ait un droit à l'assurance, une obligation d'assurance pour nos collectivités aux centres de tri, que les assureurs soient obligés de nous faire des propositions, comme on le fait pour les habitations, les automobiles, les particuliers". 

Ce à quoi le ministère de l'Économie et des Finances a répondu "de contacter le médiateur des assurances, mais ce n'est pas une réponse qui nous suffit". Pire encore, Jérôme Littière explique que "les assureurs ne nous font même pas d’offres, ni même une offre avec un montant de cotisation qui serait élevé et un montant de franchise qui est lui-même serait très élevé. On ne peut même pas arbitrer entre plusieurs offres". 

Nous assurons un service public pour l’ensemble des usagers, des habitants, de salubrité publique, de tri et ça nous pose une vraie difficulté. Donc nous demandons une obligation à pouvoir avoir une assurance.

Eric Delhaye, président de Valor' Aisne

Les deux hommes le disent presque en chœur, même s'ils ne sont pas interrogés au même moment : les assureurs ne répondent pas. "Les taux de sinistralité ont été très importants ces dernières années, avec des centres de tri qui ont brûlé, et la sinistralité a été plus importante que les primes d’assurance qui ont été encaissées", observe Eric Delhaye en ajoutant : "mais ce n'est absolument pas une raison pour aujourd’hui de refuser de nous assurer, nous sommes des services publics".

Le risque de continuer sans assurance est "extrêmement important". "Non seulement on investit beaucoup d’argent pour renforcer encore plus la sécurité incendie, mais demain, si notre centre de tri brûle, c’est 20 millions d’euros à refinancer", conclut-il avant d'ajouter qu'il faut "au moins deux ans pour reconstruire un centre de tri donc il faudra trouver des solutions extérieures qui coûteront extrêmement chères à la collectivité". 

Avec Rémi Vivenot / FTV

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