Le Dr Michèle Goursaud, généraliste à La Ferté-Milon dans l'Aisne, part à la retraite le 31 mars prochain. Devant l'absence de candidat pour la reprise de son cabinet, elle a déposé une annonce sur Le Bon Coin dans laquelle elle cède gratuitement sa patientèle.
"Cause départ à la retraite, cession gratuite de grosse patientèle"... Cette annonce, le Dr Michèle Goursaud, 68 ans, l'a déposée le 27 février sur le site Le Bon Coin. Médecin généraliste à La Ferté-Milon dans l'Aisne, elle part à la retraite le 31 mars prochain après 40 ans dans son cabinet.
Deux réponse en 6 mois
Un départ qu'elle a anticipé il y a déjà plusieurs mois : dès septembre de l'année dernière, elle s'est mise en quête d'un successeur en publiant une annonce sur les sites spécialisés, en faisant appel aux Conseils départementaux de l'ordre des médecins de la région et en allant jusqu'à prospecter dans les hôpitaux.
En 6 mois, le Dr Goursaud n'a obtenu que deux réponses qui ne se sont pas concrétisées. "Je crois que le simple fait d'écrire Picardie dans une annonce suffit à faire fuir, déplore Michèle Goursaud. Pourtant je laisse tout le matériel, même l'ordinateur et l'imprimante. Le cabinet est complètement aménagé."
"Etre généraliste, ça rebute : les étudiants font trop d'hôpital et donc n'osent pas devenir généralistes. Avec le numerus clausus actuel, on n'a pas formé de généralistes. Ils ont peur d'être seuls. Sauf qu'on est toujours seul face au patient même si on a un confrère dans un bureau d'à côté. En plus, avec internet, on n'est plus isolés. Et parmi les étudiants, il y a 70% de femmes qui ne veulent pas faire des horaires à rallonge : elles veulent faire 35h voire travailler à mi-temps. Je ne leur en veux pas. Quelque part, elles ont raison, constate-t-elle. Le problème vient du nombre d'étudiants acceptés dans les facultés de médecine : il faut absolument augmenter le numerus clausus. Quand il était très bas, les chefs de service des hôpitaux se sont servis parce qu'on avait besoin de spécialistes; Et la médecine générale est devenue le parent pauvre des facultés. Pourtant, c'est au médecin généraliste que l'on demande tout : je fais de la pédiatrie, de la gynécologie, de la diabétologie parce qu'il y a de moins en moins de spécialistes aussi. Alors oui, on est à la campagne mais personne ne se rend compte du bonheur que c'est : quand j'ai passé 8 heures d'affilée dans mon cabinet, je suis heureuse de sortir faire mes consultations. je regarde le paysage défiler, je respire, je vais chez des gens adorables et ça me fait du bien.", se réjouit celle qui vient du Sud-Ouest.
Le cabinet semble pourtant attractif : un deuxième médecin y est installé ainsi que deux infirmières. Il dispose d'un parking et est situé en plein centre-ville. La patientèle est variée. Et l'EPAHD voisin constitue une source importante de patients pour un médecin. Et La Ferté-Milon n'est pas si loin de tout : Paris et Reims sont à 70 km, Roissy à 60.
1.800 patients sans médecin au 1er mars
Mais rien ne semble assez séduisant pour un éventuel successeur.
Le Dr Goursaud est officiellement à la retraite depusi le 1er janvier. "Mais j'ai décidé de continuer le premier trimestre pour ne pas laisser mes confrères dans l'embarras le temps des épidémies hivernales". Mais le 31 mars, les 1.800 personnes qu'elle soigne n'auront plus de médecin attitré. "Je pars désespérée : je vais laisser mes patients en errance médicale et un cabinet vide alors que je suis ici depuis 40 ans. En ce moment, ils pleurent tous dans mon cabinet...et je pleure avec eux"
Pourtant depuis 2014, un guichet unique a été mis en place à Laon dans l'Aisne pour faciliter les démarches administratives propres à l'installation en libéral des médecins. Une initiative qui va être également mise en place dès le 13 mars à Beauvais dans l'Oise.