Le restaurant franchisé Flunch d'Auchan Hirson, qui employait 15 personnes, a été placé en liquidation judiciaire. Après une réunion des salariés en mairie, certains, ainsi que le gérant, racontent leur bien triste fin d'année.
"Je fête toujours Noël, mais là, ça ne me dit rien du tout." A quelques minutes du traditionnel repas du réveillon, Cindy Villain, employée du Flunch d'Hirson dans l'Aisne, décrit ce "petit vide" qui l'habite, après la liquidation judiciaire brutale du restaurant où elle travaillait depuis 21 ans.
Le contact avec les clients et les collègues, c'est fini. "J'adorais mon boulot !, clame-t-elle. Cet esprit de famille, de complicité, on s'entendait tous bien, même avec tous nos petits clients... C'est dur de ne plus voir personne."
L'entreprise Restoaisne, franchisée Flunch et installée dans la galerie du centre commercial Auchan, a été placée en liquidation judiciaire vendredi dernier, 17 décembre. Tous s'y attendaient, mais n'avaient pas imaginé que la décision du tribunal du commerce de Laon serait à effet immédiat.
Le patron est au tribunal le matin, l'après-midi on ferme. On pensait avoir quelques semaines... C'est très brutal. Il faut imaginer le choc pour les filles quand on l'a appris. On travaillait avec les larmes aux yeux, en se disant que c'était le dernier jour.
Cindy Villain, salariée
La jeune (23 ans) responsable du restaurant, Emilie Demeaux, a dû passer l'après-midi à appeler les clients de Flunch-Traiteur pour annuler les commandes. Elle confirme la stupeur générale : "Ça a été un choc, brutal, juste avant les fêtes... On pensait qu'on aurait au moins fini le mois."
Le gérant, Jean-Luc Ricard, assure qu'il ne s'attendait pas lui non plus à une fermeture immédiate, bien qu'il soit lui-même à l'origine de la liquidation.
Condamnés par le Covid ?
Vieux de quarante ans, le restaurant était déjà au bord du gouffre en 2012. "J'ai 33 ans de Flunch, raconte le gérant. Ils allaient fermer les restaurants d'Hirson et Fourmies qui étaient endettés, alors j'ai tenté ma chance, je les ai achetés. Ça s'est pas trop mal passé... jusqu'à ce putain de Covid."
Avec le confinement, le restaurant aurait perdu 75 000 euros entre mars et octobre 2020. Selon le gérant, le chiffre d'affaires annuel avait baissé de presque 40% par rapport à 2019. Auchan aurait refusé de réduire le loyer (5 000 euros), au point que les charges du restaurant représentaient 20% de son chiffre, deux à trois fois plus que la normale. Et Flunch n'aurait jamais totalement retrouvé sa clientèle.
"À la réouverture, la chute a été violente, on faisait 800 euros en une journée, vingt clients le soir, vous imaginez ?", détaille Cindy Villain. "Pour vivre, il nous aurait fallu 100 clients le midi et une soixantaine le soir en semaine", précise Jean-Luc Ricard.
Les 15 salariés étaient au courant de la dégradation des chiffres. Le 10 décembre, le gérant leur a annoncé qu'il allait déposer le bilan. Il ne demandera pas de redressement judiciaire.
"Ce n'était plus possible, j'aurais creusé le trou, estime-t-il. Je n'ai pas trouvé d'acheteur, alors j'ai demandé la liquidation avant qu'il ne soit trop tard au niveau des créances. Je sais que le mandataire trouvera les sous où il faut, il doit en rester assez pour indemniser le personnel."
La mairie au chevet des salariés
Ce 24 décembre, le maire socialiste d'Hirson, Jean-Jacques Thomas, a reçu les salariés "pour les écouter et voir les solutions". Il leur a proposé de laisser leur CV à la mairie.
"C'est très gentil, ça fait chaud au coeur parce qu'on se sentait seuls depuis la fermeture", confie Cindy Villain, bientôt 44 ans, désormais sans emploi. Plus jeune et déjà expérimentée, Emilie Demaux garde le sourire en envisageant l'avenir et salue le geste municipal : "On n'attend rien de spécial, mais à ce moment-là, ça nous fait du bien."
Pas invité à sa connaissance, le gérant ne peut s'empêcher de noter que le maire "aurait pu faire autre chose pour moi" dès 2016, quand le restaurateur connaissait "déjà des difficultés" pour relancer l'affaire. Mais il ne souhaite pas polémiquer sur cet "aparté".
Dans cette fin d'aventure, chacun réagit et voit l'avenir à sa façon. Jean-Luc Ricard est encore occupé par l'organisation de la liquidation. Moralement, il pense que "le contre-coup va venir au mois de janvier", même s'il a déjà des pistes pour rebondir professionnellement... en tant que salarié.